Richard Prost
Le documentaire de tendance sociale ou politique serait-il en train de renaître à Paris ? On serait tenté de le croire à en juger par le nombre record de spectateurs qui se bousculaient pour assister au festival « Un Cinéma sous Influence », organisé du 21 au 27 janvier dernier à l’Utopia Champollion.
La programmation, établie par Marianne Palmieri, organisatrice du festival, comprenait des productions de la CNT/FAI (la Confédération nationale du travail et la Fédération anarchiste ibérique) — documentaires et reportages réalisés entre 1936 et 1938 —, et plusieurs films de montage à base de témoignages et d’images d’archives réalisés dans les années 70 e t 80.
Pour la plupart, des films encore inconnus en France, ce qui explique en grande partie cette affluence sans précédent. Mais le succès tient aussi sans doute au sujet lui-même et à des revues de presse particulièrement favorables (Libération et Le Matin notamment).
Parmi les films les plus remarqués, citons Reportage sobre el movimiento revolucionario et Bajo el signo libertario. Le premier a été réalisé juste après la révolution de juillet 1936. Un film brut, l’envie de tout montrer, une ambiance de rue, de foule et un commentaire virulent.
Le second, réalisé à l’automne 36, est l’exemple parfait du documentaire fictionalisé. Les cinéastes se filment en voiture sur la route d’Aragon et n’hésitent pas à mettre un Charleston sur les dernières images du film. Tirons un coup de chapeau à ces cinéastes qui, en pleine guerre d’Espagne, ont su réaliser des documentaires d’un genre aussi différent.
Beaucoup d’autres films passionnants manquaient malheureusement à l’appel. La plupart se trouvent à la Cinémathèque de Madrid où les conservateurs travaillent depuis plusieurs années à rétablir les versions originales à partir de plusieurs copies d’un même film. Il faudra sans doute attendre longtemps encore avant de disposer d’une filmographie complète de cette période. La plus récente, publiée par Marcel Oms dans La guerre d’Espagne au cinéma (Ed. du Cerf, 1986) ne mentionne pas, par exemple, Bajo el signo libertario qui est pourtant une pièce maîtresse de la collection.
Réalisées à chaud dans l’effervescence révolutionnaire de l’époque, les productions de la CNT/FAl offrent une mine d’informations sur cette période riche et originale d’un cinéma collectivisé. « Un Cinéma sous influence » était un avant-goût de ce qui nous attend.
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Bajo el signo libertario
1936 | Espagne | 15’
Réalisation : LES
Production : CNT-FAI -
Reportaje del movimiento revolucionario en Barcelona
1936 | Espagne | 22’ | 35 mm
Réalisation : Mateo Santos
Production : CNT-FAI
Publiée dans Documentaires n°2 | Première série (page 5, Mars 1987)