Hôtel du parc

Entretien avec Pierre Beuchot

Michael Hoare

Public et buts

D’abord, pour qui as-tu fait ce film ? Si tu fais un film sur l’idéologie de Vichy, on peut supposer que c’est aussi à partir de choses qui te concernent dans l’actualité. Comment vois-tu l’impact, le but du film ?

Pour qui est le film ? Je ne me suis pas posé plus de questions pour ce film-là que pour les autres films que je fais. Je ne sais pas très bien ce que veut dire un public. Je n’ai jamais su définir, et je ne sais pas si quelqu’un est capable de définir, ce qu’est un public. Le premier destinataire, mais je ne vais pas être le seul à le dire, c’est moi. Donc c’est plutôt des questions que je me pose à moi-même et que j’essaie de résoudre dans les films que je fais. Je pense aussi que si je pose ces questions, j’ai des chances de trouver en bout de course des individus qui se posent les mêmes questions et qui trouveront peut-être les mêmes réponses que moi.

Pourquoi j’ai voulu faire un film sur Vichy ? Parce que depuis toujours, j’ai noté ce fameux syndrome, cette fameuse permanence de Vichy. J’ai fréquemment repéré des éléments de cette histoire qui rejaillissaient, et chaque fois ça me posait question. Parce que mon point de vue sur Vichy est bien clair: c’est la honte de la France durant le XXe siècle. C’est une honte je dirais définitive. C’est un moment inoubliable, entre guillemets, de l’histoire de la France contemporaine qui a probablement été jusqu’à détruire des choses qui ne se reproduiront jamais. Je crois que la France aura toujours beaucoup de mal à continuer à faire croire qu’elle est la patrie des droits de l’homme, des choses de ce genre. Il y a eu dans cette période un tel abandon de tout ce qui fait une société de droit, une société qui se voulait être un modèle à l’égard d’autres pays du monde. Quelque chose s’est écroulé là pendant quatre années qui ne s’est jamais reconstruit.

Je ne suis pas patriote, mais j’aime plutôt mieux la France que d’autres pays parce que j’y vis. Et ce qu’elle a fait à ce moment-là est, et continue d’être, monstrueux. Je voulais d’abord savoir de quoi il a pu s’agir, parce qu’à vrai dire je ne suis pas un historien. Simplement cette période me touche pour des raisons familiales, d’un point de vue sensible, pas d’un point de vue intellectuel. Comme je n’ai pas eu de père, je n’ai pas eu de formateur. Je n’ai pas vécu dans le trouble de beaucoup de familles françaises qui ont eu des parents ou des grands-parents qui ont hésité, ou choisi le mauvais camp. Je n’ai pas connu tout ça. Ma mère était anti-pétainiste, viscéralement, naturellement, et moi je le suis devenu.

Je me disais que Vichy n’était pas mort. Il y a dans Vichy tout ce que j’exècre dans la politique. Et ça réapparaît aujourd’hui d’une manière encore plus flagrante. Je me suis dit qu’il est temps d’aller voir clair là-dedans. Pourquoi Vichy est-il aussi permanent, touche les gens d’un point de vue individuel d’une façon aussi violente, alors que c’est une histoire qui a quand même cinquante ans ? Qu’est-ce qu’il y avait dans cette sale histoire qui n’est pas si simple dans la mesure où elle n’a pas disparu ? En ce moment je travaille sur la Résistance et je la vois comme un autre volet. Je me rends compte que même là, ça pose des problèmes. La France a eu 4 années où elle s’est vraiment déchirée, où quelque chose s’est effondré. Et dont elle ne se remet pas, elle ne s’est pas remise.

Maintenant, à cette première question, on peut répondre autrement et dire pourquoi faire un film de cette nature sur ce sujet-là et dans cette forme précise. Et à l’arrivée, qu’est-ce qu’il y a comme public ? Là je vais me référer à ce que j’ai entendu depuis les projections où j’ai découvert le public. En fait, je me suis rendu compte que si le film jette un trouble chez certains, c’est que chaque spectateur est seul devant le film. Le film l’isole, l’oblige à regarder en conscience les choses, sans être épaulé, rassuré par ce que beaucoup de gens attendent, c’est-à-dire des balises, des contre-feux, des évocations de ce qu’était la Résistance, du combat contre ces idées, ces actions. Je pensais qu’il fallait mettre à nu la France de Vichy, la classe politique française de Vichy, la mettre bien devant nous, l’écouter, pour repérer dans son discours ce qu’il y avait de permanent et qui pouvait se reproduire.

Tu as conscience que ton film participe à un travail qui se dessine en ce moment où une partie des intellectuels français, certains cinéastes, s’attaquent aux questions de la mémoire, et notamment aux questions qui ont longtemps été des tabous au cinéma et à la télévision française. On a dit pendant assez longtemps que la France n’est pas une société qui aime faire ses bilans, que toute une réflexion sur la deuxième guerre mondiale, sur la Guerre d’Algérie restait à faire. Est-ce que tu t’es situé dans cette tâche ?

Bien sûr. C’est vrai que je crois que la France n’a jamais été dépétainisé d’une certaine manière. Il y a eu dans cette période des questions, pas seulement Vichy, même la Résistance, qui n’ont presque jamais été abordées. Le Chagrin et la Pitié l’a fait d’une certaine manière mais c’est un cas tout à fait exceptionnel. Cette période est trouble bien sûr, mais elle est surtout douloureuse et révélatrice. Je crois qu’on n’a jamais voulu la regarder de trop près parce qu’on a peur de voir que tout ça ne s’est pas arrêté. L’historiographie officielle a dit : « Vichy, c’est quatre années qu’on efface de l’histoire de la France. Oublions, condamnons les principaux responsables et passons à autre chose ». Le problème c’est que ça ne s’est pas passé comme ça. Je suis d’accord avec les historiens qui disent que la France a vécu à partir de 1914-18 une crise qui s’est manifestée à différentes occasions pour connaître une sorte d’apogée à cette période. Cette crise étant résolue, la France d’après-guerre s’est reconstruite sur ce passé. Mais ce passé est tellement affreux, tellement moche qu’on ne veut pas le regarder. Et pourquoi ? Parce qu’on s’apercevra trop vite qu’il y a eu une sorte de simulacre de jugement. Et en réalité on a repéré quelques hommes politiques qui se sont engagés trop loin, des gens qui ont commis des crimes de sang, mais les autres ont été réintégrés, réinsérés. Tous ces gens ont pu continuer à agir dans la société française. En fait ces gens-là ont connu une occasion de manifester d’une façon très facile leurs sentiments, leurs idées, leurs idéologies. Mais ce n’est pas parce qu’ils ont perdu qu’ils n’ont pas continué à penser les mêmes choses et à vouloir les reproduire autrement.

C’est la classe politique française que je mets en jeu, ce n’est pas le peuple français. Le peuple français dans cette affaire a été mis à l’écart. Le film voulait, et j’espère qu’il y parvient, ne regarder que le microcosme des dirigeants, des responsables en tenant en lisière le peuple, et même en tenant en lisière ce que certains me reprochent, les Allemands. S’il y a un discours politique dans le film, il n’est pas de moi, c’est celui d’historiens comme Yves Durand, Paxton, Stan Hoffmann, qui est de dire que l’expérience Vichiste est une expérience franco-française qui a mal tourné à cause de contingences extérieures. La guerre faisait que les choses changeaient, mais sinon c’est une tentative spécifiquement française. On ne peut pas l’appeler fasciste parce qu’il faudrait s’entendre sur les termes, mais c’est une politique réactionnaire.

Voilà pourquoi c’est intéressant par rapport à aujourd’hui. Les idées de Pétain ne sont pas tombées du ciel le 1er juillet 1940. Elles existaient dans sa tête avant, elles étaient déjà dans des cercles politiques, dans des cercles syndicaux et patronaux. L’occasion se présente, et on veut les mettre en pratique. Espérons qu’il ne se reproduira pas la même chose qu’il y a cinquante ans, quand la France a pris une déculottée militaire qui a amené les Allemands à Paris. Mais des accidents historiques graves arrivent, et quand tu vois ce qui se passe à l’Est depuis un an et demi, tu te dis qu’il peut en survenir à tout moment. Et on voit bien qu’aujourd’hui aussi les fondements d’une mise en pratique d’une politique réactionnaire sont dans la tête des gens. Il suffit qu’une occasion comme celle-là se présente, et ils la saisissent et en profitent. C’est ça que je voulais dire. Et je voulais savoir ce qu’ils voulaient faire de la France de l’époque.

Je ne dis pas que les Allemands ne comptent pas, mais c’est sur la permanence d’une certaine idée politique française que je voulais travailler. J’ai parlé avec certains historiens. Ça remonte en fait à la Révolution française. La France a toujours eu en son sein des gens qui ont considéré que cette Révolution a été une erreur, une faute historique qui n’aurait jamais dû être.

Une fiction

Tout ce que tu dis c’est bien à propos. Simplement ce que j’en conclus, c’est que dans ton esprit, le film avait aussi une fonction pédagogique. Si on accepte la thèse de départ, la limitation à ce huis clos sans les Allemands, sans le peuple, on revient quand même à une deuxième série de questions: pourquoi le choix de cette représentation-là. À partir du moment qu’on estime qu’il y a tabou, qu’il y a nécessité de rompre ce tabou et de faire le bilan de quelque chose, que les gens doivent prendre conscience de ce procès qui n’a jamais eu lieu, et que le film doit servir à ça, on peut se poser des questions par rapport aux choix de la représentation. Premier aspect, cette fiction de l’enquête en 53. Un des problèmes pour moi c’est que la fiction de 53, on n’y croit vraiment jamais parce qu’on a l’impression qu’à cette époque, les divisions, les rancunes, étaient beaucoup plus vives que ce que le film présente.

C’est là que les gens réagissent de façon un peu mécaniste. Les gens confondent la mémoire de cette époque avec une mémoire qui a surgi beaucoup plus tardivement. Aujourd’hui qu’est-ce qui fonctionne encore sur la mémoire de cette période ? Il faut le dire très nettement, c’est la mémoire juive. En•53, les choses s’éteignaient. Les adultes qui ont vécu cette période ont vu tellement de choses contradictoires. En 52 Pinay est Président du Conseil. Sept ans après la conclusion de l’armistice, il n’y a plus un seul ministre de gauche dans le gouvernement. Il y a eu très tôt, dès 48-49, une action des anciens tenants de la Collaboration pour dénoncer les résistants et la Résistance, pour faire passer cette idée qu’ils avaient eu raison, qu’ils avaient épargné le pire. Et cette action politique de journaux, d’écrivains a agi très, très tôt. J’ai été comme toi très étonné. Et il y a autre chose qu’il ne faut pas perdre de vue: on imagine la guerre en disant: la Collaboration = Pétain; De Gaulle = la Résistance. Quand tu lis les récits des anciens résistants, c’est le rêve brisé. La résistance a tenu le haut du pavé pendant deux années. Après ils se sont tous rendu compte que tout redevenait comme avant. Les anciens magistrats avaient repris leur place. Toute la France avait digéré ce passage, la Résistance avait été mise peu à peu de côté, et la droite avait pratiquement repris la direction des affaires. Et les réactions étaient beaucoup moins vives en 53 qu’elles l’ont été vingt ans après.

La mémoire de cette époque a été, et c’est très bien qu’ils l’aient fait, relancé par les fils des contemporains, pas par les contemporains. C’est une conception qu’on a du mal à avoir, de penser que la mémoire et les réactions sont plus vives à partir des années 70, qu’en 53. Par exemple, j’ai découvert que les premiers grands souvenirs, les grands textes de résistants sur la Résistance, Claude Bourdet, datent de 75, Henri Frenay des années 80. C’est-à-dire que ces gens-là se sont tus. Ils ont vu que leurs espoirs s’écroulaient. Les communistes, quelques groupes minoritaires, ont entretenu une mémoire, c’est vrai. Mais globalement les gens disaient: c’est une histoire passée, oublions. Le discours de l’avocat que je mets au début du film, c’est le discours ambiant. C’était comme ça… comme en Allemagne d’ailleurs. On s’aperçoit qu’en Allemagne, les enfants des nazis sont beaucoup plus virulents que les contemporains.

Soit, mais quand même on a l’impression en regardant le film que les journalistes réagissent avec mollesse – sauf quand il s’agit de la « question juive », quand il s’agit de parler de la déportation, ils reprennent un peu de consistance, ils ont de la réplique, on sent l’hostilité se pointer. Le reste du temps, on a l’impression d’être derrière des gens qui se proposent d’être des faire-valoir aux discours qui sont entretenus.

Les gens m’ont beaucoup posé de questions sur la présence de ces journalistes et de leur mode d’interrogation. Au début, on s’est dit qu’il fallait faire admettre l’idée que des gens puissent, si près de la guerre, trouver des gens de cette dimension. Mais par ailleurs, il est certain que si tu veux extorquer un certain nombre de choses, ce n’est pas en insultant, en poussant jusqu’au bout les personnes que tu interviewes, que tu y arriveras. Des personnages qui s’appellent journalistes sont là pour qu’une parole s’émette, s’écoule, pour qu’on entende ce qu’on n’a jamais entendu. Et pour le faire, ils ne pouvaient pas agir avec brutalité sauf dans des moments où ça devient insupportable d’arrogance et là on sent, derrière, le drame de la communauté juive.

Mais je pense aussi que les gens tendent mal l’oreille. J’ai en mémoire une question que pose le journaliste au Ministre des Finances qui lui dit : « T’ai maintenu le franc ». Et le journaliste lui dit : « Et pour vous c’est ce qu’il y avait de plus important ? » Même s’il formule la question mezzo voce, ça n’empêche pas qu’il y a dans l’énoncé de la question une critique terrible de la politique économique de ce monsieur qui prétend que c’est le franc qu’il fallait défendre avant toute chose. On s’est vraiment posé des questions sur ça. On s’est dit, ces gens-là ne peuvent pas être des Zorros, des procureurs.

C’est vrai qu’au départ du film les journalistes avaient une autre histoire. Il y avait une fiction autour d’eux que j’ai de plus en plus rognée, pour ne laisser que ce qui est là. Ils ne sont là que comme des prétextes. Le film m’aurait permis de faire une fiction absolue autour d’eux. Ce n’était pas mon propos. La priorité était la parole des tenants de la Collaboration, ce n’était pas leur jugement. Je me dis que dans la manière dont ils questionnent et dont ils extorquent les propos, j’ai trouvé le ton juste.

Tristesse

Autre chose alors. Sur la représentation grise. Au début, on a un ou deux plans qui nous rappellent notre situation à l’extérieur de la fiction, ces travellings sur ce qui ressemble à la ligne Maginot…

C’est un lieu d’exécution.

On voit par le style, par le fait qu’au début, il y a un ou deux plans en couleurs, que c’est une tentative de nous démarquer à la fois de la fiction et des paroles des collaborateurs, mais le reste du temps on a l’impression de très peu de contraste, peu de noirs, a une sorte de brume permanente. Le travail de Patrice Mistral que j’ai bien aimé sur la musique, contribue aussi très fortement à cette impression de douce mélancolie, de tristesse. C’est l’ambiance dans laquelle le film baigne, et ça pose aussi au regard de ses buts pédagogiques la question: pourquoi pas plus de vigueur, pourquoi pas plus d’éclat et de tranchant ?

Je crois que c’est mon propre sentiment. C’est un film sur le chagrin. Le gris c’est parce que, aussi, dans cette histoire de Vichy, on n’est pas dans le contraste. L’erreur historiographique c’est de vouloir faire de cette période une période tranchée. On dit, entre 41-42, Pétain a fait ceci, cela, il y a la zone libre, et puis après arrive l’invasion et c’est l’horreur parce qu’il y a Laval. Faux. L’histoire de Vichy est une et indivisible. Il y avait ce qui s’est produit en 44, c’est-à-dire le moment où la milice a vraiment mis en pratique, avec l’aide des Allemands, la politique de répression et d’ordre que souhaitait avec l’aide des Allemands, la politique de répression et d’ordre que souhaitait Pétain, mais c’était déjà en germe en 39. Il n’y a pas de césure, de coupure. II n’y a pas de blanc et de noir. La France de Vichy est une. Et c’est en ça que c’est pire que tout, ce gris. Ce n’est pas net. Jamais, jamais. Personne ne pourra te dire que la période est simple. Elle n’est pas simple, elle est trouble, glauque. C’est un film de chagrin. Ce n’est pas un film de militant, ou de propagande. C’est un film qui dit simplement que ce pays a pensé ça, les élites de ce pays ont pensé ça pendant ces quatre années. En assumant toutes les conséquences de leurs idées. Et écoutez bien aujourd’hui ce qu’ils disaient il y a cinquante ans, et mettez-le en regard de ce que vous entendez encore aujourd’hui. C’est ça l’idée. Il y a aussi le travail de Mistral, un travail que j’estime remarquable. Je lui disais qu’il devait énoncer par lui-même, par sa musique, le climat général que dégage Vichy: un climat de tristesse, je répète, par rapport à une idée que je me faisais de la France et qu’elle n’a pas été capable de tenir pendant ces quatre années.

Du bon usage ou de la bonne fabrication d’archives

Parlons de la troisième série de questions – sur le vrai-faux, et sur les problèmes d’éthique dans le documentaire. À partir du moment où, à la diffusion télévisuelle, tu annonces toi-même que « tout est vrai, ou presque, tout est faux, ou presque », est-ce que ça te gêne que, constamment pendant les archives, on soit en train de se dire: est-ce que c’est « vrai » , est-ce que c’est « faux » ?

Là, la question est cruciale parce que le film s’annonce comme une fiction. Je ne cherche pas à faire croire aux gens que ce qu’ils vont voir et entendre est vrai. Il est vrai aussi qu’on met tout en œuvre pour qu’ils pensent que c’est vrai, de manière à les rendre les plus réceptifs possible à ce qu’on souhaite qu’ils entendent et voient. Le problème des vraies archives me paraît bon parce que des vraies archives, il faut aussi connaître les limites. La limite de leur vérité. Quelle est la vérité de ces archives ? Elles ont simplement la vérité d’avoir été tournées, plus ou moins, parce que quelquefois on ne sait pas, au moment des événements filmés. Le reste… comme disait Godard, c’est juste une image. Ce n’est pas autre chose qu’une image prétendant reproduire un réel d’une certaine époque. Quel réel ? Dans quelles conditions ce réel a-t-il été filmé, organisé, monté ?

Moi, je m’interroge d’autant plus qu’il y a dans le film une séquence qui de ce point de vue-là est fausse. Enfin la séquence en elle-même n’est pas fausse. Il y a deux plans qui sont délibérément deux plans faux mais qui redressent la vérité historique. La question du vrai ou du faux, bien sûr, on se l’est posée et on s’est donné par exemple comme principe que la voix du commentateur d’aujourd’hui, qui énonce un certain nombre de faits ou de textes, ne doive jamais dire autre chose qu’une vérité sûre. Jamais. Tout ce qu’il doit dire est vrai, incontestable. Le reste, on est dans le domaine de la fiction.

Et donc le sujet sur lequel on aurait pu se poser des questions, c’était la représentation des films amateurs. Ce qui me trouble, c’est que les gens n’acceptent pas ce genre de chose alors qu’ils acceptent, parce que c’est montré d’une manière totalement non crédible, des reconstitutions ratées. Quand c’est trop réussi, ça devient gênant. Alors la crédibilité des images, si elle est trop grande, devient dangereuse ? C’est ça qui me trouble dans la tête de certains. C’est vrai que je me pose des questions maintenant, sur le moment non.

Avant même d’avoir vu des films amateurs, j’avais imaginé un cinéaste amateur qui pouvait filmer. Je me suis dit que c’était une manière économique, originale et surtout sensible de montrer l’à-côté des archives officielles. Un type a une caméra et de temps en temps il va filmer deux, trois petites choses s’il peut se permettre. Et après avoir eu cette idée, il y a une histoire encore plus rocambolesque autour de ces films amateurs. Quand on a fait le projet, on avait écrit qu’on avait trouvé une collection de films amateurs. Et il y a des gens qui l’ont cru, qui ont dit : « renseignez-vous, il existe une collection de films amateurs ». Et des gens, un historien, deux grands producteurs de télévision croient que ces films existent. Ils n’existent pas. Je sais qu’ils n’existent pas, on a fait l’enquête. Donc, nous, en faisant ces films, on les a fait exister. Des choses que des historiens ou des producteurs de films historiques croient exister. Alors dans une fiction, puisque je continue de dire que le film est une fiction, même si on parle documentaire…

Le film prend les codes du documentaire, parce que c’est vrai que des gens sont choqués par ce qu’ils estiment être une tromperie sur la marchandise…

Une supercherie. Alors je répondrai que je ne comprends pas des réactions aussi violentes parce qu’ils ont quand même la mémoire courte pour le coup. Si tu regardes tout le cinéma soviétique post révolutionnaire, ce n’est que ça. C’est des codes documentaires dans des films militants. Aujourd’hui on sait très bien que la prise du Palais d’hiver, c’est Eisenstein qui l’a reconstituée. Il y en a comme ça des foules d’exemples, Rossellini… De tous temps, les cinéastes ont essayé de reconstituer le réel sous une forme terriblement documentaire. Quand j’ai fait Le Temps détruit, un film de montage où j’ai utilisé des archives du temps de la drôle de guerre montées sur le texte de lettres de trois soldats, j’ai montré le film à Moscou il y a 5, 6 ans. Des étudiants de cinéma m’ont dit : « vous aviez de gros moyens pour reconstituer ça », parce que dans leur esprit, tout ce qui était montré était filmé par moi, parce qu’il y avait une telle adéquation entre le texte des lettres et les images.

Cette idée qu’il y a quelque chose de sacré, d’intouchable dans le documentaire, je ne peux pas m’y faire. Je suis prêt à en parler. Je ne dis pas qu’il faut faire n’importe quoi. Mais je crois aussi que, d’une part, quand tu annonces : « je vous dis : tout est faux », déjà il n’y a pas mystification. Si en plus il faut pour que les gens soient contents, que tu fasses moins bien, plutôt un peu mal avec une forme malhabile… On me reproche aussi que les interviews ne soient pas assez distanciées, il aurait fallu que les acteurs soient un petit peu moins crédibles. Alors je dis qu’on s’y perd…

Qu’est-ce que le réel filmé ?

C’est vrai que le film innove. Marc Ferro l’a dit et je crois que c’est vrai. C’est un pas de plus dans la technique du film historique. Le seul problème avec ce pas de plus, c’est qu’à partir du moment où le pacte minimum entre le documentariste et le public est rompu, ce pacte qui dit grosso modo que quelles que soient les manipulations qui auraient pu être introduites par le montage, par le commentaire etc. etc., la matière brute à partir de laquelle ce film a été fait est la confrontation entre la caméra et le réel, à partir du moment où ce pacte-là n’existe plus et tu te dis : « moi je vais reconstruire le réel et je vais faire un faux documentaire parce que j’utilise ses codes pour reconstruire une fiction », tu demandes au public quant à la vérité de la chose rapportée simplement de te faire confiance. Le seul repère qu’il peut avoir c’est de vous faire confiance. Or, on peut se demander pourquoi il vous ferait ce cadeau. Peut-être vous racontez des conneries, peut-être vous inversez la réalité. Pourquoi cette méthode-là ne pourrait pas aussi être utilisée par un révisionniste pour prétendre qu’en Allemagne nazie, il n’y a jamais eu de chambres à gaz, etc. Quel est le pacte que vous proposez au public dans cette méthode ?

Là, je dois dire qu’il y a d’une part l’avertissement sur lequel on a insisté beaucoup. D’autre part, c’est vrai qu’il y a l’idée de confiance et en même temps si cette confiance est mise en question, ce n’est pas si mal. Parce que ce que tu disais à l’instant, ce pacte qui existe en disant que même s’il y a manipulation par les textes, par le montage, par ce qu’on ne filme pas simplement, en réalité on filme le réel. Qu’est-ce que c’est qu’un réel qui est tronqué, trituré, manipulé par le son ? Je ne vais pas trop parler de Chris Marker et Lettre de Sibérie. Tu vois une image: bien sûr elle est réelle, mais le commentaire que tu y mets change complètement sa nature. Alors je veux dire qu’est-ce qui est sacré dans le réel. Il est sacré en soi, mais sa reproduction, son appréhension par une caméra, je ne vois pas. Je ne peux à aucun moment dire que c’est intouchable. Parce que je crois qu’il faut vraiment être prudent devant les images quelles qu’elles soient. Il y a des quantités de films où c’est vrai que ce qu’on me montre est une image photographique qui reproduit un moment du réel. Mais intégré dans un ensemble qui est mensonger, manipulatoire, c’est pire que tout.

Tu es le premier à me poser cette question de façon aussi frontale, donc c’est la première fois que j’ai à y répondre. J’aime bien. Je suis prêt à en débattre. Parce que je crois qu’à un certain moment, il y a peut-être des tabous même là qu’il faudrait revoir. Je ne dis pas qu’il faudrait les faire disparaître. C’est vrai qu’il y a peut-être des limites à ne pas franchir. Je ne sais pas si je les ai franchies. Je sais en tout cas que j’ai pris des précautions. Sur les fausses interviews, le truc est tellement massif que si on est troublé par ça… par contre, je veux bien admettre qu’on discute sur les petites séquences de films amateurs.

J’ai quand même pris la précaution qu’elles ne soient à aucun moment porteuses de sens politique, de sens idéologique. Elles ne reproduisent que des épisodes qui donnent une couleur, un parfum. Par exemple, Abetz qui vient délivrer Laval au Pavillon Sévigné, le ballet des voitures, il y a beaucoup de gens qui ont pensé que c’était vrai. Naturellement c’était filmé. Mais j’ai lu dans les rapports, dans les chroniques de l’époque comment s’étaient passées les choses. Je me suis simplement amusé à l’organiser tel que c’était décrit et à le filmer à la manière dont j’ai filmé le reste. Mais ça n’apporte rien. C’est une image sur laquelle on pourrait tartiner n’importe quel texte. Elle donne une ambiance, un climat, ce côté un peu étrange, ce ballet de voitures, de motos. Ou de voir une famille à la campagne en train de ramasser des victuailles. C’est très anecdotique. Il n’y a pas de discours politique sous-jacent. Ce qui fait discours c’est les textes que j’y ai joint, si je mets une chronique en disant que le pain a augmenté de ça et ça.

Le documentaire aussi implique des formes, des mises-en-scène. J’ai travaillé avec Rouquier, je l’ai vu faire. Le documentaire aussi recèle son imaginaire, ses fantasmes. Et les plus beaux documentaires ne sont jamais la vérité vraie. Les films de Rouch sont des films complètement fantaisistes au niveau de la réalité

Alors évidemment on est dans un autre domaine qui est celui de l’histoire.

Il y a eu tellement dans ce domaine de tromperies, de tricheries. Moi j’estime, et certains me l’ont dit, que d’un certain point de vue, il y a moins de manipulation dans mon film que dans Le Chagrin et la Pitié. Qui pourtant prend des gens qui sont dans les lieux où ils sont… encore qu’on pourrait discuter du choix qui consiste à tourner De la Mazière à Sigmaringen, si ce n’est pas un effet de mise-en-scène qui chamboule un peu la tête des gens… Ce n’est pas parce que Christian de la Mazière a existé, qu’il a été Waffen SS et qu’on l’a emmené à Sigmarigen pour l’interviewer qu’on est plus dans la vérité. Vérité de quelle image ? Vérité de quoi ? Moi, je suis extrêmement perplexe devant ce problème.

Je veux bien m’expliquer aussi. Je crois que le documentaire, et de toute façon le cinéma, est une forme libre et je ne voulais pas poser la question en termes qu’on aurait le droit ou non de rompre des tabous en ce qui concerne les supposés du public vis-à-vis des images. Mais la question que je me suis posée en regardant le film était effectivement comment tu impliques le public dans ton jeu. C’est vrai qu’il y a un panneau qui annonce que c’est reconstruit. Mais est-ce que ça n’aurait pas été un autre choix de faire que le jeu du film soit effectivement partie de sa mise en scène, et qu’on arrive à se repérer dans le travail que tu as fait. Ce qui nous laisse la sensation de trouble aussi dans le glissement des temps entre aujourd’hui, la fiction de 53, la reconstitution de 40 à 44, entre les images d’archives vraies et les images d’archives mises-en-scène où tout le travail de montage est fait pour qu’on ne se repère pas, précisément, ou qu’on ait le plus grand mal. Tu nous demandes de te faire confiance quant à la vérité de la représentation, d’avoir confiance en ton éthique, ton sérieux, et effectivement on voit la liste de livres à la fin, on se rend compte du travail, mais on se demande quand même s’il n’y avait pas un moyen d’intégrer ce travail dans le cinéma, au sein de la mise-en-scène elle-même ? Est-ce qu’il n’y avait pas besoin d’autre chose pour faire de ton public un partenaire du film ?

De toute façon je n’ai pas la vanité d’imaginer que j’ai réussi entièrement l’entreprise. Elle était à fort risque à tous points de vue. Les gens qui ont lu le projet et qui se sont dit que ça allait se faire, étaient sidérés. Actuellement je travaille sur un autre sujet qui pour moi va boucler cette histoire, je me pose des questions de forme. Et c’est vrai peut-être qu’il aurait fallu, je dis peut-être mais je ne suis pas certain que j’aurais été capable de la faire, mettre quelques repères du travail, de la mise-en-scène. Mais là, si l’idée m’était venue, ça ne pouvait venir que par le biais du commentaire.

Pris au piège ?

Et puis, tu sais, il y a un truc qui se passe aussi dans le travail du montage, on peut se le dire entre nous, parce que c’est un film qui s’est beaucoup fait pendant le montage. Il y a, y compris chez des gens extrêmement lucides, extrêmement vigilants dans ce qu’ils font, monteurs, musiciens et autres, à un moment donné tu rentres toi-même dans ta propre fiction. C’est-à-dire que tu es un petit peu emporté par tes propres éléments, le fait qu’il y ait des mariages, des associations heureuses qui s’établissent, musicalement, des ruptures de rythme, des changements, tout ce qui fait que le film avance et tu n’as plus envie de l’arrêter. Si tu n’as pas d’emblée pris cette précaution de mettre dans le film les éléments de sa propre démarche, de sa propre construction, tu t’aperçois que l’échafaudage se construit et la maison se tient toute seule. C’est vrai que c’est une chose à laquelle on a un peu pensé au tout début. et puis, on l’a abandonnée parce qu’on s’est laissé emporter par le film. Aussi parce que j’ai fait des courts métrages il y a très longtemps dans lesquels je faisais ce genre de choses. Dans les années 70, on pratiquait beaucoup ça. La mise-à-nu des procédés, la distanciation etc., je l’ai fait y compris dans mes films de fiction. Peut-être parce que j’avais déjà fait, je n’avais plus envie de le faire. Mais peut-être était-ce une erreur.

J’aime déséquilibrer. Je sais que c’est une caractéristique qui m’est personnelle. J’aime bien glisser, je n’aime pas les contrastes trop forts. J’aime bien les passages d’un genre à un autre. Je suis incapable de raconter une histoire en prenant le point de départ et le point d’arrivée. J’ai toujours envie d’aller en arrière, d’aller en avant, de ne jamais être dans le temps même du récit. Mais c’est peut-être un défaut qui m’est inhérent. C’est peut-être pas très clair dans ma tête. Pourtant quelqu’un m’a fait une remarque que j’ai trouvée assez judicieuse. La forme du film est elle-même trouble, mais peut-être c’est fondamentalement parce que le sujet lui-même est comme ça. Il y a peut-être une coïncidence presque naturelle entre ce qui se dit et la manière dont cela se dit.

Réactions

Tu peux faire un dernier point sur sa carrière, les réactions qu’il a suscité.

La carrière du film, c’est la carrière de tous les films de télévision.

Il y a eu des réactions plus ou moins fortes. On m’a parlé d’un débat soulevé dans Télérama.

Il y a des gens crispés par le film. Ce n’est pas la majorité mais c’était le cas de M. Alain Rémond qui a écrit un papier d’humeur. Les autres réticences les plus vigoureuses, mais ce n’est pas pour me déplaire, viennent de l’extrême droite ou de la droite modérée Figaro. Le film a été sélectionné pour INPUT ; il est édité en vidéocassettes par la SEPT.

Quant aux autres diffusions, je devais faire un débat à la Faculté d’Assas à la demande des étudiants juifs et le Président l’a interdit. J’ai reçu pas mal de courrier d’anciens résistants, des lettres émouvantes. Je ne crois pas m’être trompé, je ne crois pas. J’ai eu à un moment donné des réactions virulentes de certains documentaristes « purs et durs » et notamment à Cannes au FIPA. À l’inverse, il y a eu des enthousiasmes y compris de documentaristes. Je te lis deux lettres qui m’ont le plus plu parmi les réactions.

D’abord d’une jeune fille : « Si on veut combattre ses ennemis, il faut bien les connaître. Discours effarants, arguments impossibles entraînant une mise à jour. J’ai 23 ans et maintenant je comprends. Un écœurement progressif m’a fixée deux samedis consécutifs devant mon poste de télévision. Inquiétantes toute cette cupidité, ces envies, cette médiocrité, cette petitesse. Le sujet est si actuel. J’ai l’impression sinistre que par instants c’est aujourd’hui ».

Et elle continue dans une autre lettre deux jours après… « Il y a quelques jours je vous ai envoyé une première lettre. J’ai terminé sur le fait que le sujet est actuel. J’ai l’impression sinistre que c’est aujourd’hui. Non, l’idéologie nazie n’est pas morte. Seuls les hommes ont changé. Voici ce que reçoit chaque Dijonnais dans sa boîte aux lettres. Je vous laisse apprécier (c’est un fac-similé de carte d’identité qu’édite le Front National). Je ne suis pas Socialiste. Je n’appartiens à aucun parti politique. Et quand je vois ça, je me dis qu’il est grand temps d’avoir peur. Alors j’irai voter aux prochaines élections pour faire barrage aux idées de Le Pen ».

Et puis, il y a eu une lettre très amicale de Godard.

« Les gens le prennent pour ce qu’il doit être, comme un cri d’alerte, pour un cri d’alarme. Ce n’est pas simplement un film qui veut reconstituer fidèlement une période. Bien sûr, c’est un film engagé. Dans la parole de ces gens on a sélectionné ce qui retentit encore dans nos oreilles aujourd’hui. On ne s’est pas contenté de faire de l’évocation. Et je m’aperçois que de ce point de vue-là, quand même, on a réussi. »

Le cinéma sublime

Et puis c’est vrai que le sujet reste actuel. Quand tu écoutes y compris des membres du gouvernement parler de « zones de transit » , etc. on entend certains échos très forts. Il y a ça et puis c’est vrai que j’ai peut-être poussé très loin le mode de représentation. Je ne l’ai pas fait par goût de la provocation. Je ne suis pas un provocateur, vraiment pas. C’est parce que j’aime le documentaire. Très franchement aujourd’hui, je prends infiniment plus de plaisir à voir des documentaires que des films de fiction. J’aime ou bien la fiction la plus folle ou bien j’ai une grande, grande passion pour Rossellini, par exemple. Pour moi, Allemagne année zéro ce n’est pas un film de fiction. C’est quelque chose qui se situe dans cette zone qui est l’entre-deux. Si tu réfléchis aux films sublimes de l’histoire du cinéma qui se situent dans cette zone indécise entre documentaire et fiction, de Flaherty à Eisenstein, de Rossellini à La Terre Tremble, de Rouquier à Vigo. C’est quand même à cette intersection là que se font les choses les plus riches.

Pourtant ça n’existe plus le documentaire à la télévision, ou très, très peu. Maintenant à la télévision, c’est des gens qu’on assoit dans des fauteuils et qui parlent. Il n’y a plus beaucoup d’invention, de recherche – je parle d’ici – quand on va dans des Festivals, évidemment on en voit. Je trouve que dans les documentaires que je vois, on privilégie beaucoup trop le sujet par rapport à la recherche des formes, ce qui n’était pas le cas il y a des années. On cherchait aussi d’autres formes. Je pense que chaque sujet à une forme; la forme de celui-là, ce n’est pas quelque chose que je réitèrerai. C’est impossible de refaire. Il n’y a pas de raison de le refaire. Mais il y a des choses sur lesquelles j’ai mis le doigt et que j’aimerais bien réutiliser sous des formes un peu différentes.

Par exemple quelque chose qui m’a absolument enchanté, c’était le tournage de toutes ces scènes dans Vichy. C’était une expérience absolument extraordinaire, extraordinaire le travail avec des non professionnels. Tu prends des gens qui n’ont pas pour profession de faire un soldat allemand ou une mère de famille. On a travaillé pendant trois semaines avec des gens extraordinaires dans des conditions magnifiques. J’ai pris un plaisir à tourner ça inimaginable. Et ça m’a beaucoup appris pour la suite. Je sais qu’il y a des choses que je ne referais plus jamais comme je les ai faites. Parce que j’avais l’impression de resaisir une réalité. Tu parlais de réel tout à l’heure. Mais je t’assure qu’à partir du moment où tu reconstitues un décor dans le moindre détail, où il y a de l’encre dans les encriers, des plumes qui pouvaient marcher, ce qu’on donnait à manger pouvait se manger. Tout y était, chaque personne qu’on installait avait entre les mains ce qu’il fallait pour faire une chose, habillé, coiffé. En une demi-heure ils croyaient être ce qu’ils jouaient. On avait quelques instructions pour chaque personne, la lumière était préinstallée, on laissait tout ça mijoter pendant une demi-heure et on tournait comme un reportage, absolument comme si on était devant la vérité, devant le vrai.

Propos recueillis par Michael Hoare



Publiée dans La Revue Documentaires n°6 – Histoire et mémoire (page 15, 1992)