Ulrike Marie Meinhof

Premier texte du projet

Timon Koulmasis

1. L’autre mémoire

La première image que libère ma mémoire est celle de deux enfants revenant dans la grande villa familiale, un soir d’été de l’année 1970. Elles sont de retour, je ne sais pas trop d’où. Blondes, bronzées et tout à fait confuses: depuis quelques mois elles ne comprennent plus ce qui leur arrive.

Bettina, ma meilleure amie depuis toujours, tient comme une proie une petite étoile en acier, qu’elle vient d’arracher du capot de la Mercedes garée devant la maison…

« Les Mercedes, c’est les voitures des exploiteurs et la petite étoile, le signe de la richesse qu’ils ont gagné sur le dos des travailleurs… »

Ce que sa mère lui a appris.

« C’est du terrorisme » dit son père, en riant à moitié. Puis, plus sévère : « Il ne faut plus faire ça. » Régine, sa sœur jumelle, plus blonde encore, est trop fatiguée pour dire ou faire quoique ce soit. Jumelles, elles ont sept ans. La mine de mes parents reste sombre.

Pendant les mois précédents, j’avais comparé les photos de vacances de mes seules amies d’enfance à celles publiées tout à coup dans les journaux à gros tirages sous des titres à sensation:

Journaliste Célèbre Fait Kidnapper Ses Enfants,
La Police Aux Trousses Des Ravisseurs,

etc.

Sans comprendre vraiment ce qui se passait.

Comme j’avais du mal à m’expliquer la soudaine gravité du visage de mes parents et de leur ami de toujours, Klaus Röhl, le père des filles. Ils attendaient des coups de fil mystérieux, s’énervaient à propos de petits bruits prétendument entendus dans le récepteur du téléphone, et au contraire, regardaient sans un mot ces hommes aux manteaux élégants et sombres qui affichaient un air d’indifférence en se relayant la nuit devant notre maison, sous la lumière blafarde des réverbères.

Plus tard l’un d’eux accompagnera mes amies à l’école.

J’avais huit ans.

La mère des deux filles, Ulrike Marie Meinhof, était une vieille amie de la famille, elle était partie lutter pour un monde meilleur, un monde plus humain, mais on nous disait qu’elle était partie avec d’autres – méchants ceux-là et qui l’abuseraient –, Ulrike Marie Meinhof avait fait kidnapper ses propres enfants.

Des inconnus, à bord d’une voiture, les avaient enlevées et amenées à l’autre bout de l’Europe dans un camp de baraques, quelque part au pied de l’Etna en Sicile. Elles y furent séquestrées pendant quatre mois par d’autres inconnus sans jamais voir leurs parents, ni avoir de leurs nouvelles.

Ulrike Marie Meinhof, co-fondatrice et surtout cerveau de la Fraction Armée Rouge – plus communément appellée Bande à Baader-Meinhof – première théoricienne de la violence en Allemagne depuis la guerre, responsable, au moins morale, de plusieurs attentats aveugles et sanglants dans les années à venir, se trouvait au même moment dans le désert jordanien et s’entraînait avec ses camarades au maniement du fusil, du révolver ou de la dynamite, sous le contrôle de membres de l’OLP.

La Fraction Armée Rouge, avec son approbation – forcée diront certains – avait décidé de transférer les filles d’Ulrike Meinhof dans un orphelinat palestinien où elles devaient changer de noms et devenir de futures combattantes anti-israéliennes. L’OLP n’avait accepté qu’à la condition que les enfants changent définitivement d’identité et ne voient plus leurs parents. Un ami de leur père, grâce aux indications d’un transfuge du groupe, les avait finalement libérées, dans des conditions aventureuses, au risque de sa vie. Il les avait interceptées entre Palerme et Rome d’où elles devaient s’envoler pour Beyrouth ou Amman.

Je me souviens aussi, quelques années plus tard, en 1973, avoir fait du patin à roulettes avec les filles, dans les avenues interdites à la circulation du fait de la crise du pétrole. Nous chantions les tubes des Beatles pour chasser la tristesse qui nous accablait. Bettina et Regine venaient de revoir leur mère, l’espace d’à peine une courte entrevue.

Pourchassée par toutes les polices du pays pendant deux ans, Ulrike Marie Meinhof avait finalement été arrêtée. En prison, elle n’avait pu cacher son état de santé à ses filles maintenant âgées de dix ans. Elle était maigre, affaiblie et presque défigurée par les multiples grèves de la faim entreprises tant à des fins politiques que pour dénoncer les conditions de détention atroces dont elle, ainsi que les autres membres du groupe, étaient victimes.

Elle avait offert un livre d’enfant sur lequel elle avait hâtivement griffonné:

Alle Macht des Volk ! = Tout le Pouvoir au Peuple !


Dans ces années déterminantes, autour de 1968, nos deux familles – celle de mes parents et celle d’Ulrike et de son mari – n’en formaient bien souvent qu’une seule. Nous, les enfants, ne voyions alors, dans les nombreux chassés-croisés amoureux entre les couples, qu’une occasion d’être ensemble pendant les vacances d’été que nous passions sur les plages de la très « chic » île de Sylt, au nord de Hambourg.

Les adultes discutaient de choses « importantes », de la guerre du Vietnâm d’abord, mais aussi du passé de l’Allemagne ou de nouvelles méthodes pour une éducation anti-autoritaire des enfants. Intellectuels de gauche issus de la bourgeoisie libérale, ou nouveaux venus dans le sérail, ils buvaient du champagne dans les cabines de plage, en attendant la révolution depuis longtemps imminente, et qu’Ulrike appelait de ses voeux avec autant de ferveur que de conviction.


Plus tard, nous eûmes treize, quatorze ans. Je n’oublierai jamais le speaker du journal télévisé annonçant, avec une satisfaction mal dissimulée, ce à quoi tout le monde s’attendait, mais s’était toujours refusé à croire vraiment : le « suicide » d’Ulrike Meinhof.

Et le lendemain, diffusée à des millions d’exemplaires par la presse à scandale comme par les journaux « bien pensants », cette photo inhumaine montrant Ulrike Marie Meinhof gisant dans son sang, le cou déchiré par la corde meurtrière, le visage horriblement défiguré.

Morte.

Elle avait rompu tout contact avec ses enfants deux ans auparavant.

2. Ulrike Meinhhof

Ulrike M. Meinhof est née le 7.10.1934 à Oldenburg, petite ville d’Allemagne du nord. Ses parents meurent tôt et elle est élevée par une universitaire, Renate Riemeck. L’environnement est vaguement hostile à la dictature nazie, mais n’ose pas la résistance ouverte. L’éducation est sévère, le milieu religieux.

Politiquement engagée pendant ses études supérieures, elle rencontre Klaus Rainer Röhl, fondateur de cabarets politiques et éditeur de journaux de gauche. Ils se marient et ont deux filles jumelles, Bettina et Regine.

Plus tard, journalistes connus et aisés, ils acquièrent une villa cossue à Blankensee, le quartier « chic » de Hambourg.

De 1960 à 1964, Ulrike Meinhof est rédactrice en chef de l’hebdomadaire Konkret, auquel elle collaborera jusqu’en 1969, et qui – édité par son mari et largement financé par l’Allemagne de l’Est – est devenu « Le » journal de la gauche extra-parlementaire et des étudiants de la génération de 1968. Le journal est néanmoins très critique vis-à-vis du bloc socialiste auquel il reproche d’ailleurs moins sa politique répressive que le faible niveau de vie de ses citoyens. Konkret défend pourtant une ligne nationaliste visant à la réunification de l’Allemagne.

Ulrike Meinhof travaille aussi comme journaliste indépendante pour d’autres journaux. Ses reportages la mènent dans les bas quartiers des grandes villes, marqués par l’injustice, la pauvreté et la violence. Animée d’un profond idéal de justice, elle s’intéresse surtout aux marginaux. Elle réalise ainsi un téléfilm traitant des problèmes rencontrés par des jeunes de milieux défavorisés dans une maison de redressement.

Le film, très critique, est jugé factieux et ne sera jamais diffusé à la télévision.

Grâce à son intelligence remarquable, à l’argumentation brillante et incisive de ses articles et à l’acuité particulière de ses critiques, Ulrike Meinhof devient l’une des journalistes allemandes les plus en vogue.

Elle divorce en 1967 et part à Berlin où les nombreux groupuscules d’extrême-gauche sont particulièrement actifs.

« Macht kaputt, was euch kaputt macht » – « Détruisez ce qui vous détruit » est le mot d’ordre de l’époque.

Ulrike Meinhof, comme une partie importante de la gauche, est déçue par l’échec de la « révolution » de 68. Sa pensée se radicalise. Elle théorise la violence. Ses articles sont intitulés:

Réplique par la Violence, Incendie Volontaire,
La Lutte dans les Métropoles, De la Protestation à la Révolte

etc.

Malgré ou plutôt à cause de l’avènement de la social-démocratie en 1969, « compromise » par trois ans de coalition avec la droite dirigée par un chancelier ancien membre du parti nazi, Ulrike Meinhof considère que la démocratie n’est plus à même d’amener la transformation d’une société inerte et sclérosée. Elle demande: « Comment changer avec des mots une société dans laquelle les mots ne valent plus rien ? »

Quelques temps plus tard elle tente de prendre le pouvoir à Konkret, toujours dirigé par son ex-mari, pour y imposer une ligne « dure ». Après l’échec de cette tentative, elle détruit avec quelques radicaux, l’intérieur de la villa qu’elle partageait autrefois avec Klaus Röhl. Ses propres amis commencent à s’éloigner. « Elle joue avec le feu. »

1970 : la « libération » d’Andreas Baader, condamné pour avoir mis le feu dans un grand magasin (fermé) de Francfort – Ulrike Meinhof l’avait défendu dans un article intitulé: « Il vaut toujours mieux incendier un grand magasin que l’exploiter ! » – tourne au bain de sang. Plusieurs policiers sont grièvement blessés. Le groupe fuit en Allemagne de l’Est, puis en Jordanie où les plus durs forment le premier noyau de la Fraction Armée Rouge. Ulrike Meinhof en devient le cerveau. La FAR se veut l’avant-garde de la Révolution et prône la guérilla urbaine, censée provoquer un état policier en Allemagne qui déboucherait nécessairement sur une insurrection populaire.

Le kidnapping de ses enfants échoue. Ulrike Meinhof n’accède pas aux demandes publiques et privées – ses amis, sa mère adoptive – qui lui sont faites de renoncer au terrorisme. Le groupe rentre clandestinement en Allemagne.

1970-1972: Les attentats commis par la FAR mettent l’Allemagne à feu et à sang, et créent une hystérie collective proche de la psychose, savamment entretenue par les politiciens de tous bords et orchestrée par la presse, qu’elle soit populaire ou sérieuse. Habitée par des idéaux socialistes et chrétiens, voulant à tous prix être conséquente, la lutte d’Ulrike Meinhof pour un monde plus juste et plus humain s’est perdue jusqu’à devenir elle-même inhumaine.

1972: Recherchée par toutes les polices d’Europe, Ulrike Meinhof est la dernière des cinq chefs historiques de la FAR à être arrêtée.

1972-1976: Pendant deux ans, dans des conditions qu’Amnesty International dénoncera comme de la torture, Ulrike Meinhof est détenue dans une aile désaffectée de la prison, où elle est privée de tout contact humain, hormis avec ses avocats. Sa cellule est isolée acoustiquement. Le seul bruit perceptible est celui d’un néon allumé 24 heures sur 24, provoquant une infection oculaire. L’état psychologique d’Ulrike Meinhof, comme celui des autres détenus, se détériore. Mais ni l’opinion publique, ni la gauche, secouées par les attentats toujours plus sanglants des successeurs du groupe, ne peuvent plus s’émouvoir du sort des détenus.

Le procès de la FAR débute. Certains vont jusqu’à affirmer qu’Ulrike Meinhof, physiquement affaiblie par de multiples grèves de la faim, pendant lesquelles les médecins de la prison la nourriront de force, pense même désavouer ses actes passés. Rien ne le prouvera…

Le 8 mai 1976, Ulrike Marie Meinhof « se suicide » dans sa cellule surveillée 24 heures sur 24. Une commission d’enquête internationale met en évidence de nombreuses contradictions dans l’acte du décès et met ouvertement en doute la version officielle du suicide. Aucun des cinq chefs historiques de la FAR ne survivra. Tous meurent dans des conditions similaires: « suicide » dans leurs cellules.

Quelques jours plus tard, les funérailles d’Ulrike Marie Meinhof manquent de tourner à l’émeute.

3. Les fragments de la mosaïque – le film

Le film sera un voyage. Un voyage dans le passé, dans mon propre passé aussi. Dans la mémoire surtout, là où elle est douloureuse. Voyage à travers l’Allemagne, aux « endroits-clefs » de la vie d’Ulrike Meinhof, à travers ces lieux dont l’atmosphère est toujours comparable celle qui a influencé sa vie et déterminé sa lutte.

L’Allemagne où, selon le mot de Wim Wenders, « les âmes mortes errent dans les supermarchés », où les vieux démons, dans un pays qui se veut exemplaire de modernité et ne cesse de s’enfler de sa réussite, ressurgissent à chaque tournant de l’histoire.

Aujourd’hui, alors que les autres fondateurs de la FAR sont plus ou moins oubliés, le souvenir d’Ulrike Meinhof hante toujours une génération parvenue entre-temps au pouvoir.

Mais l’image de cette femme est restée figée: assassin et sorcière communiste pour les uns, elle reste pour d’autres la victime – presqu’une martyre – d’un idéalisme généreux, qui, acculée au désespoir, s’est fourvoyée dans le terrorisme.

Ulrike Marie Meinhof n’était sans doute ni l’un ni l’autre. Qu’elle fût un monstre ou une héroïne n’est pas ce qui nous intéresse.

Accompagnés par ceux qui ont connu les multiples facettes de sa personnalité, mais qui le plus souvent se sont tus, nous essaierons de comprendre ce qui s’est réellement passé. Témoignages qui seront autant d’éclairages successifs, voire contradictoires, autant d’opinions parallèles ou antagonistes. Le film sera fait d’allers-retours entre un passé récent, historique et médiatisé, et la mémoire intime de ceux qui ont été les proches d’Ulrike Meinhof. C’est la somme de ces vérités souvent opposées et non la « Vérité définitive » du personnage, c’est ce voyage à travers lieux et mémoires qui fera la trame du film. Récit d’une recherche, enquête en profondeur sur le drame d’une femme et d’un idéal finissant par sombrer dans l’horreur.

Qui a été cette femme frêle, amie fidèle, douloureusement intelligente et d’une rare lucidité ? Qu’est-ce qui en cette femme sensible fascinait nombre de contemporains avant qu’elle ne devienne une terroriste honnie et pourchassée par tout un pays ? Faut-il chercher dans une éventuelle « fêlure » psychologique les origines de cette fracture radicale ?

Nous interrogerons ses propres enfants, Bettina et Regine, aujourd’hui âgées de trente ans. L’une est journaliste, l’autre médecin.

Mon père, Peter Koulmasis: intellectuel cosmopolite, écrivain et journaliste, dont l’histoire se confond avec celle du siècle. Vieil ami d’Ulrike, il est de vingt ans son ainé. Rarement pour ne pas dire jamais d’accord avec les opinions politiques de celle-ci, il lui reste pourtant fidèle. Quand elle disparaît dans la clandestinité, il abrite ses deux filles et risque de perdre son poste de responsable à la radio-télévision nationale, car ce geste le fait soupçonner de sympathie avec les terroristes.

Ma mère, Danae Koulmasis, née la même année qu’Ulrike Meinhof. Journaliste activement engagée dans un combat réel: la résistance contre la « dictature des colonels » en Grèce (1967-1974). Ulrike admire sa beauté et son tempérament méditerranéens. Danae admire la rigueur de la pensée de son amie allemande et l’accord qu’elle réussit le plus souvent à réaliser entre ses actes et ses pensées – et ce bien avant son engagement terroriste.

Renate Riemeck, sa mère adoptive. Historienne, du fait de ses opinions de gauche, elle est frappée d’interdit professionnel à la faculté. Dans un appel désespéré publié par les grands journaux, elle demande à Ulrike de renoncer au terrorisme. Celle-ci ne lui répondra qu’avec haine et mépris.

Klaus Rainer Röhl, son mari. Il est l’un des acteurs de la génération de 68, mais il roule en Porsche ou en Jaguar. Inconséquent mais attachant, il quitte sa femme en 1967 pour Danae Koulmasis.

Peter Rühmkorf, poète et romancier, ami de longue date des deux familles. Son autobiographie Die Jahre, die ihr kennt – Les Années que vous connaissez – célèbre en Allemagne, brosse le portrait le plus juste de cette génération. Ses témoignages, explications politiques et psychologiques du « dérapage » d’Ulrike Meinhof sont particulièrement éclairants.

D’autres témoignages s’ajouteront à ceux-ci, amis, collaborateurs, éditeurs et chroniqueurs, politiciens, gardiens de prison ou instructeurs de l’OLP, compagnons de vie, de fuite, de lutte. Témoins connus ou inconnus du grand public.

Voyage donc, mais aussi images d’elle: les rares archives (attentats, funérailles, procès, prison) qui la concernent, d’autres témoignant plus directement de son travail – son téléfilm par exemple, s’il est encore accessible. Images complétées, dans la limite du possible, de photos de famille, de bandes super-8, de lettres, etc.

Ces approches multiples nous permettront de recomposer la mosaïque, de voir, sinon l’hypothétique vrai visage d’Ulrike Marie Meinhof, du moins de regarder bien au-delà des simplifications et falsifications qui défigurent toujours sa mémoire.

Où Ulrike Meinhof a-t-elle puisé cette force terrifiante ? Dans le fait de donner la mort et d’accepter de mourir pour une idée, de payer de sa vie cette Révolution tant souhaitée, n’y a-t-il pas une véritable volonté de Sacrifice ? Une violence en somme qui ne donnerait un sens à la vie qu’en la détruisant ?

Y aurait-il une composante spécifiquement féminine dans cette forme de violence que fut le terrorisme ?

Comment une femme – une mère attentive et tendre, d’après les témoignages unanimes de ceux qui l’ont connue – peut-elle admettre de faire kidnapper ses propres enfants pour les empêcher de « s’embourgeoiser » comme leur père, pis, pour en faire des combattantes dans un de ces camps palestiniens régulièrement soumis aux bombardements d’Israël ?

Ou vaut-il mieux chercher, au-delà des illusions et des combats de l’époque, une « qualité » particulièrement allemande dans la rigueur absolue de cette violence, quelque chose comme l’héritage exacerbé du romantisme révolutionnaire et de la culture allemande du dix-neuvième siècle ?

En cherchant à exhumer cette part, parmi les plus douloureuses de l’histoire allemande, en partant sur les traces d’Ulrike Marie Meinhof, c’est à récupérer un fragment d’histoire et d’identité perdue que le film s’attachera. Rendre à cette mémoire la place qu’elle occupe dans le présent de l’Allemagne, découvrir en quoi la déchéance des idéaux et la violence en elle-même conditionnent aujourd’hui encore les consciences, tel est notre propos.

« Pourtant nous le savions :
la haine contre la bassesse
défigure les traits.
Crier sa colère contre l’injustice
rend la voix rauque. Hélas !
Nous qui voulions préparer le terrain pour l’Amitié,
n’avons pas su nous montrer amicaux. »

À ceux qui naîtront après nous, Bertolt Brecht

Texte de projet, Timon Koulmasis


  • Ulrike Marie Meinhof
    1992 | 52’ | 16 mm

    Ulrike Marie Meinhof fut, de 1970 à 1972, date de son arrestation, le cerveau de la Fraction Armée Rouge, dite « Bande à Baader ». Avant sa période clandestine, elle eut deux filles et fut une journaliste célèbre. En 1976, elle se « suicide » dans sa cellule. Voyage à travers l’Allemagne moderne pour tenter de recomposer la personnalité complexe et l’image restée superficielle d’Ulrike Meinhof. Voyage à travers lieux et mémoires, le film sera fait d’allers-retours entre un passé récent – les années soixante-dix – historique et médiatisé, et la mémoire intime de ceux qui furent les proches d’Ulrike Meinhof. Timon Koulmasis connut Ulrike Meinhof alors qu’il était enfant, et ses deux filles, lorsqu’elle entra dans la clandestinité, furent recueillies par ses propres parents.

    Réalisation : Timon Koulmasis
    Production : Fabrice Puchault, Les Films du Village

Publiée dans La Revue Documentaires n°10 – Poésie / Spectacles de guerre (page 153, 1er trimestre 1995)