Rencontre avec Laurent Cormier, délégué CNC auprès du Cosip
Marie Dolez, Michael Hoare
Laurent Cormier travaille au Compte de Soutien à l’Industrie Audiovisuelle depuis 1996. Au mois d’avril 1999, il a fait le point avec nous sur l’évolution des aides et les changements proposés dans leur attribution.
Préambule sur le sens des chiffres
En 1996, sur presque 1200 heures de documentaire aidé, dans la production qu’on pourrait classer « locale », vous avez deux chiffres, Total Câble : 99 heures, Télé Locale Hertzienne : 98 heures. Puis France Trois Régions compte pour 69 heures.
Si on regroupe ces trois éléments-là, et qu’on considère que France 3 Régions joue en partie le rôle d’un lieu de création régionale, on comptabilise 270 heures, donc quand même significatif, presque un cinquième de la production totale.
Sur 1997, on arrivait à 1153 heures de documentaire, donc une baisse de 3 %. Mais ceci n’indique pas une tendance parce qu’en 1998, le chiffre repart à la hausse. L’évolution d’ensemble reste plutôt ascendante. Il y avait des difficultés pour les stations hertziennes locales puisque Huit Mont Blanc a arrêté ses émission au courant de l’année, donc le total a été un peu moins important que les années précédentes. Par contre les stations du câble ont bien continué à travailler. On avait 112 heures de documentaire financées par les chaînes locales du câble – Marseille, Épinal, Angers etc. – qui ont reçu 18 millions du compte de soutien représentant 10% du total attribué au documentaire. Pour les hertziennes locales, il y avait une douzaine d’heures seulement de commandées. Ce qui était très marginal.
Parmi les chaînes locales hertziennes, il y a Aqui TV, qui est peut-être la plus dynamique maintenant, TéléToulouse, Télé Lyon Métropole. Et puis il y avait Huit Mont Blanc qui est maintenant arrêté. De temps en temps on voit passer Antilles Télévision – en 1997, ils sont venus pour une heure de programme – mais c’est assez rare.
Et en 1998, les chiffres sont en hausse. En documentaire, on a aidé 1463 heures de programmes, une augmentation de 22% par rapport à vos chiffres de 1996.
Cette hausse est imputable d’une part à de nouvelles cases sur un certain nombre de chaînes en documentaire : M6 fait plus qu’avant, France 3 aussi, les chaînes thématiques ont sensiblement produit plus que les années précédentes. Planète, Odyssée, Seasons, Voyage, Canal Jimmy, toutes ces chaînes-là ont commandé. Pour vous donner un ordre de grandeur, pour les chaînes thématiques, en 96, on avait aidé 84 heures, et en 1998 on en a aidé 235. C’est une progression assez sensible. Les chaînes locales, elles, sont passées de 123 heures en 96 à 146 en 98.
Autrement, sur les autres chaînes, à France 3 le chiffre passe de 189 à 228 heures, et à Arte c’est de 171 à 235. Bref, ça progresse aussi.
Donc le secteur documentaire en France est florissant pour l’instant.
Le secteur qui progresse en France, c’est le documentaire, tout à fait. La fiction est plutôt stable, l’animation progresse aussi mais avec une progression des coproductions étrangères qui comportent des parts minoritaires françaises. Donc même si le volume de production augmente, la part qui revient à la France a tendance à diminuer. C’est une évolution beaucoup plus dangereuse. En documentaire, la production progresse et elle reste très franco-nationale, pour l’instant.
Et sur les sociétés de production, lesquelles sont les plus importantes ?
Sur les sociétés de production, on avait un petit peu plus de sociétés, 327 sociétés en 97, on était à 313 en 96. Par ordre de volume horaire, MC4, les Films d’Ici et lo Productions en troisième place. C’est vrai qu’Io a explosé en 96, mais ça s’est un peu tassé après.
De la valeur d’une minute
Si j’ai bien compris ce que Yves Jeanneau explique dans son livre 1, pour un film de 52 minutes, un point de Cosip représentait une valeur, à coefficient 1, de 260 000 francs.
Oui. 240 000 francs. Ça dépend de la valeur de la minute à l’époque où il a écrit son livre. Aujourd’hui c’est plutôt 240.
Aujourd’hui 240 000 francs l’heure de programme. Alors quelles sont les modifications proposées dans la répartition, parce qu’à ce moment-là, un film bénéficiait d’un coefficient 1 si le diffuseur apportait plus que 500 000F, d’un coefficient 0,85 pour un apport diffuseur de 300 à 500 000, et en dessous de 300 000, un coefficient de 0,7.
Il y avait en dessous un coefficient de 0,25 pour les séries qui faisaient plus de cinq heures. Les modifications envisagées visent d’une part à installer un coefficient 0,5 entre le 0,25 et le 0,7 pour combler l’écart entre ces deux coefficients qui était un peu brutal. Ce coefficient 0,5 s’appliquant aux séries longues d’un coût de production supérieur à 500 000 francs l’heure. C’est difficile de traiter à 0,25 des séries longues qui coûtaient 800, 900 000 francs l’heure. L’apport du Compte de Soutien n’est plus vraiment significatif. Donc on a choisi de le doubler pour ces séries-là. Et puis ce coefficient 0,5 serait utilisé aussi pour les projets dont l’apport des chaînes serait à 100% en industrie.
C’est là où on entre dans le vif du sujet par rapport aux chaînes locales qui font des apports au plan de financement de100% industrie. À ce moment-là, œuvre sera traitée au coefficient 0,5. Ça ne veut pas dire que le CNC n’aidera plus ce genre de film-la. On les aide d’une manière un peu différente.
Nous estimons qu’il faudrait que les chaînes de télévision mettent de l’argent frais dans la production des œuvres à tous les niveaux. Alors un petit peu de cash ou beaucoup de cash selon l’importance de la chaîne, mais financer des films uniquement avec des apports en industrie n’est pas l’objectif du système mis en place. Cela revient à dire que ces films-là ne se font qu’avec l’argent du Compte de Soutien, ce qui n’est pas dans la logique d’un mécanisme de soutien à la production.
Face à ça, il y a deux arguments. Il y a l’argument d’une part que l’apport en industrie n’est pas un apport nul. C’est quand même un investissement que les chaînes mettent à la disposition des producteurs et qui a une longue histoire dans la production en France, que ce soit chez France 3 ou Ina. Et le deuxième argument, c’est qu’un coefficient 0,5 réduit en fait l’aide par heure à environ 100 000 francs ce qui fragilise encore plus des montages qui sont déjà extrêmement fragiles.
Oui, ça diminuerait l’aide. Au prix de la minute d’aujourd’hui, ça ferait une aide pour un 52 minutes de 118 000 francs au lieu de 166 000 francs. Les arrêtés sont encore en préparation, il n’y a rien de signé encore. Et le coefficient 0,7 demeure en place. Simplement pour pouvoir l’appliquer il faudra qu’il y ait un minimum de 1000 francs de cash à la minute apporté par la chaîne de diffusion. Donc 60 000 francs de l’heure en cash par la chaîne de télévision.
On sait que les chaînes de télévision locales n’ont pas d’argent.
On sait qu’elles n’ont pas d’argent frais. C’est sûr qu’elles n’ont pas 60 000 francs l’heure. Mais on constate aussi que le volume produit avec ces chaînes de télévision locale est sans rapport avec leurs capacités réelles de fournir des moyens techniques de tournage ou de montage. Donc il y a des films qui se font sans les apports promis des chaînes, mais uniquement avec l’argent du compte de soutien, ce qui n’est pas une situation que nous souhaitons voir pérenniser. Donc on essaie de trouver un moyen terme entre ces différents facteurs pour régulariser cette situation.
Par ailleurs, nous sommes conscients du fait que ces chaînes locales permettent à des jeunes réalisateurs et auteurs, à des petites sociétés, de faire des films de conviction, des films d’opinion qui ne se feraient pas avec des grandes chaînes traditionnelles. Les films que font lo ou d’autres sociétés ne sont pas des films qu’on verra sur France 2 ou France 3.
En même temps, nous avons nos contraintes de gestion du Compte de soutien. Il y a des règles assez précises qui existent sur les apports faits par les chaînes de télévision, sur l’apport du compte de soutien, et là il y a trop de difficultés à traiter selon les mêmes règles de gestion une production faite pour une chaîne locale et une production faite pour une chaîne thématique ou une chaîne hertzienne classique. Il n’y a pas de raison qu’un film soit fait à 100% avec l’argent du compte de soutien et un autre film soit fait avec un financement plus équilibré et plus classique. Donc on n’interdit pas les apports en industrie. On souhaite que ces apports soient réels. On a compris que dans un certain nombre de cas, ce ne l’était pas. Mais en même temps, on baisse le niveau d’intervention. Et comme on sait bien que c’est un vivier de création, on ne veut pas non plus le rejeter complètement du compte de soutien, ce qu’on pourrait légitimement faire après tout. Sachant que dans un certain nombre de cas, ces films-là sont faits dans des conditions acrobatiques, on pourrait dire, non, ça n’entre pas dans le compte de soutien, ce qu’on n’a jamais fait.
Est-ce que vous vérifiez si les apports en cash sont réels, parce qu’il y a certainement des façons de tourner…
On vérifie si l’apport est visé dans les contrats qui sont signés. Quand il y a un apport en cash, il y a un échéancier de paiement etc. Maintenant, si le contrat n’est pas respecté du tout et s’il se passe autre chose, le jour où il y aura des contrôles, ces sociétés-là seront mises à l’index.
Aujourd’hui on fait des recoupements. On demande que les contrats soient précis. On précise les matériels qui sont employés etc. mais parfois les producteurs eux-mêmes nous disent : mais non, je ne suis pas allé chercher la caméra ou le banc de montage de telle chaîne parce que je n’en avais pas besoin, j’en ai un chez moi. On est compréhensif là-dessus. On sait que ça marche comme ça et que ces films ne peuvent se faire que dans ces conditions-là. En même temps, on ne veut pas que ce type de production prenne une ampleur indéfinie. Ces dernières années, les chiffres ont commencé à grimper, grimper. En voyant que lo productions était le premier producteur de documentaires en France en volume d’heures avec des films qui étaient fait uniquement dans ces conditions-là, il était légitime de se poser des questions. Et les producteurs eux-mêmes se posaient la question. À l’époque, le Spi nous disait : mais attendez, il y a peut-être un danger quand même, il faut faire attention à ce que les équilibres ne soient pas rompus…
Oui, mais les producteurs sont divisés là-dessus.
Ils sont divisés là-dessus, ce qui est normal, parce que le compte de soutien fonctionne sur la base d’une dotation budgétaire globale qui est répartie entre tous les producteurs, entre tous les films qui sont produits et diffusés. Si certains films se font dans des conditions complètement différentes des autres, et qu’ils ont accès aux mêmes systèmes de soutien, il y a un problème d’égalité de traitement entre les différents acteurs. Donc c’est normal que certains nous interpellent en disant : moi j’ai un financement, certes je ne fais pas tous les films que je veux, mais je bataille pour avoir de l’argent des chaînes, pour avoir de l’argent par ci, par là. D’autres à côté font les films qu’ils ont envie de faire peut-être, mais le financement se fait dans des conditions à la limite de ce que permet la réglementation. Est-ce bien équitable tout ça ? C’est ça le fond du problème.
Un vivier de création
Notre avis c’est que du point de vue d’un soutien à la création en France, ça fonctionne pas si mal en fait. C’est une grande ouverture aux jeunes, aux inexpérimentés et aux marges de la production, et on pourrait difficilement imaginer un autre système qui permettrait une telle diversité et relative liberté.
C’est un vivier, c’est très clair. C’est pour ça que, je vous dis, on ne rejette pas ces dossiers-là, mais le problème reste entier.
Mais vous êtes conscients que si vous demandez aux chaînes locales câblées de mettre 52 000 francs cash sur chaque production, vous n’allez pas avoir 200 films produits dans ces conditions-là.
On est d’accord, mais il y en a qui se font, qui se feront.
Ça va se réduire à 12, 15 par an.
Un petit peu plus sans doute. Les stations régionales de France 3, elles, pourraient mettre un peu de cash. Elles le font dans un certain nombre de cas, parfois plus que les 60 000 francs. Il y a quand même quelques possibilités. C’est vrai qu’il y a peut-être un certain nombre de films qui ne se feront pas ou qui se feront différemment ou mettront plus de temps à se faire.
Oui, mais la difficulté, c’est la menace d’étouffer l’ensemble d’une couche de l’économie. Parce que – on est d’accord – c’est une économie marginale, c’est une économie pour les gens qui sont prêts à accepter 20 ou 25 000 francs pour réaliser un film. Dans les faits, vous leur demandez de les faire pour 10 000 francs.
Il y a deux problèmes. D’une part, la différence entre 160 000 francs et 110 000 francs d’aide CNC ça équivaut, pour ce genre de production, à couper le budget en argent frais d’un quart. Sauf cas exceptionnel, les 60 000 francs que vous demandez aux chaînes, ils ne les ont pas. Donc le type de contrat qu’lo signait avec Images Plus où ils signaient pour 10, 20 films, les films seront réalisés dans des conditions telles que bien peu de producteurs trouveront un intérêt à les faire.
Le résultat sera forcément moins de films, que ce soit par les engagements des chaînes, ou par l’intérêt des producteurs, donc moins d’espace pour la recherche, l’expérimentation.
Ça va être plus misérable encore. Il y a quand même un danger de dérive dans les conditions professionnelles du travail.
Oui, ou à ce moment-là, certaines sociétés en produisent un petit peu moins pour mieux financer ceux qu’ils font. C’est possible.
L’argent du Cosip, est-ce l’argent de l’État ou l’argent des chaînes de télévision ?
Si on va jusqu’au bout du bout, la question de fond c’est : pourquoi ces chaînes-là n’ont-elles pas davantage de financement. L’économie de la production doit venir des chaînes de télévision, ce n’est pas l’État qui doit produire des films.
Par les chaînes de télévision, non ? Cet argent est une taxe sur les chaînes de télévision. Est-ce que c’est illégitime que cet argent-là serve en partie à financer un vivier de création ?
Non, pas du tout. Sauf qu’en réalité, il s’agit de films qui sont faits à 100% avec l’argent de l’État. La vocation de l’État n’est pas d’être producteur de télévision.
Il faut aussi voir pourquoi il n’y a pas d’autres sources d’argent pour ces films. Et la question de fond c’est : pourquoi ces chaînes-là ne peuvent-elles pas mettre un peu d’argent frais ? Donc on retombe sur les problèmes posés dans le rapport parlementaire récemment soumis sur le financement des télévisions locales. Quand la publicité pour la distribution locale sera-t-elle ouverte à ces chaînes-là afin qu’elles puissent enfin atteindre un équilibre de fonctionnement ?
Là-dessus, il y a eu de multiples discours, rapports, réunions etc. Le CSA réclame l’ouverture de la pub pour la distribution locale depuis des années. Mais il y a toujours le lobby de la presse écrite régionale qui freine le plus possible tout en essayant de rentrer dans les capitaux des différentes sociétés de production d’une part et des télévisions locales d’autre part. Récemment, le CSA a ouvert un grand appel d’offres pour relancer des télés locales. Peut-être serait-ce l’occasion de remettre le problème sur le tapis. Notre position, c’est que la production doit être financée par les chaînes de télévision avec l’aide du CNC, mais ce n’est pas le rôle du CNC de subventionner le coût total des programmes pour les chaînes locales. Si on veut que les chaînes de télévision locales fassent de la production, il faut leur donner les moyens de faire de la production. Donc ça passe par l’aménagement du système réglementaire et l’ouverture de la pub pour la distribution, entre autres. C’est un des éléments clefs.
Dans ce cas, est-ce qu’il n’est pas prématuré de baisser le Cosip ? Est-ce qu’il ne vaut pas mieux attendre qu’un équilibre soit trouvé par les chaînes locales, puisque apparemment une réflexion est en cours.
Ça fait dix ans que cette réflexion est en cours. Par contre les équilibres du Cosip sont de plus en plus difficiles à maintenir.
C’est-à-dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour soutenir l’ensemble des demandes ?
Non, mais la valeur de la minute n’arrête pas de baisser. Si on fait un rapport entre nos dotations budgétaires et le nombre de films diffusés l’année précédente, ça nous donne un prix à la minute en fait. Et cette minute n’arrête pas de baisser depuis cinq, six ans. Demandez à Yves Jeanneau le tarif de la minute il y a six ans. C’est un nombre à cinq chiffres. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. C’est à quatre chiffres et ça n’arrête pas de baisser régulièrement. Cette année pour la première fois, on l’a maintenu par une gestion budgétaire plus rigoureuse et, en modifiant le curseur dans la répartition des budgets entre cinéma et télévision, on a pu avoir un peu plus d’argent pour la télévision. Mais ce n’est pas un exercice qu’on pourra renouveler éternellement. Il y a des limites forcément à l’attribution du soutien. Puisque la taxe n’évolue pas beaucoup, la recette des chaînes hertziennes commence à stagner, les recettes publicitaires et d’abonnement aussi. On a un espoir du côté des chaînes thématiques, mais ces chaînes thématiques se développent lentement.
Le développement des émissions de flux
Apparemment les jeux et les feuilletons vont pouvoir toucher le Cosip aussi dans les modifications prévues.
Toutes les séries de fiction sont éligibles au compte de soutien, elles l’étaient déjà depuis le début. Pour les jeux, on a prévu dans un futur décret, la possibilité d’aider au développement, non pas à la production mais uniquement au développement, des projets d’émissions très scénarisées, très sophistiquées qui ne constituent pas des œuvres. Là-dedans on peut faire entrer des jeux, des sketches par exemple. On peut imaginer que Les guignols de l’info auraient pu, à leur démarrage, être aidés par ce système. C’est une aide sélective sur un dossier qui passe en commission et qui est apprécié par les professionnels avant d’être aidé. Elle ne génère pas de soutien automatique derrière, c’est uniquement au niveau du développement.
Sinon, les règles restent les mêmes, le Cos soutient la fiction, le documentaire et l’animation.
Tout à fait. On n’ouvre pas le compte de soutien aux jeux, aux émissions de flux. Ce n’est pas une brèche dans le compte de soutien, c’est une ouverture pour aider au développement de certaines émissions qui n’étaient pas aidées auparavant.
Certaines personnes n’ont pas trop regardé le contenu de la disposition et sont parties sur des schémas un peu alarmistes. L’idée, c’est vraiment de donner à un certain nombre de sociétés la possibilité de développer, à moindres frais pour elles, des projets ambitieux qui peuvent avoir des carrières internationales sur des types d’émission qui sortent des genres habituels. Mais c’est uniquement ça, ça ne va pas plus loin.
Alors ce décret sur la nouvelle configuration, la 0,5 etc., on peut l’attendre pour quand ?
Ce sont des arrêtés qui dépendent d’un décret qu’on est en train de modifier concernant notamment les chaînes thématiques. On modifie le décret 95 pour assouplir certaines dispositions concernant les chaînes par satellite : l’apport du diffuseur ne serait plus de 25% mais de 15%. Et dans le cadre de ce nouveau décret, on a des arrêtés d’application qui prévoient les coefficients d’aide au documentaire, à la fiction etc., et donc ce sera dans ces arrêtés qu’il y aura le coefficient 0,5. Mais le décret a été soumis pour avis à Bruxelles donc on attend cet avis avant de pouvoir sortir le texte. Là, ce sont des délais que nous ne maîtrisons pas complètement.
Mais on peut supposer que cette année 1999, il sera appliqué. (NDLR en février 2000, il n’est toujours pas appliqué)
Oui, c’est envisageable.
Nous, notre souci, c’est qu’à l’intérieur de cette production, on arrive à garder ces petits espaces de liberté et de création ouverte et peu chère.
On les garde, mais on les finance un petit peu moins. Il n’est pas question de les supprimer. Par contre, il y a peut-être un autre mécanisme à mettre en place. C’est vrai que pour ce genre de film-là, on a réfléchi à un moment donné à un fonds pour un premier film de réalisateur, premier film d’auteur ou autre, mais c’est très difficile à qualifier, à déterminer. Peut-être faudrait-il imaginer un autre système d’aide pour ces productions d’un type particulier avec un système sélectif qui soit fait pour eux.
C’est l’ancienne idée d’un Fonds de Création sans diffuseur, ou d’un renforcement du service recherche de l’Ina. Mais ce serait forcément plus restrictif.
En partie ça se fait déjà via le Grec ou des organismes comme ça, mais ce sont des gouttes d’eau. Il faudrait un système plus important pour ce type de production. C’est vrai que le Compte de soutien s’appelle le Compte de soutien à l’industrie des programmes. Ce n’est pas un hasard. Ça veut dire qu’on a vocation à aider l’industrie, les sociétés qui se développent, qui ont une grosse activité avec les grandes chaînes.
Même l’industrie a besoin de recherche.
Effectivement, peut-être ça supposerait un système moins mécanique que celui qu’on a, un peu plus sélectif, plus incitatif et qui soit à côté des règles traditionnelles du compte de soutien. On peut imaginer de mettre ça en place une fois modifié ces coefficients. Une réflexion est possible.
C’est à voir, parce que le côté semi-anarchique du système actuel n’est pas si mauvais pour la création. Faire tout passer par une commission de sélection revient à mettre en place encore un goulet d’étranglement bien à la française où ce sont les professionnels déjà établis qui décident à qui on donne le droit de créer.
Ce n’est pas forcément la solution non plus, c’est vrai. Mais notre problème, c’est que nous distribuons l’argent public, donc on est soumis à des règles, à des cadres bien définis et on ne peut pas s’en écarter trop. C’est toujours le même problème.
On doit assurer l’équilibre d’ensemble du budget. Mais cet équilibre doit être retrouvé dossier par dossier. Le contrôle de gestion ne se fait pas que dans les entreprises privées. Ça se fait aussi à l’intérieur de l’État, à l’intérieur du CNC. Donc dossier par dossier, il faut qu’on puisse justifier l’aide qu’on donne au regard du plan de financement et du devis. Et sur un certain nombre de cas, on se rend bien compte qu’on a de plus en plus de mal à rester à l’intérieur de ce système.
Propos recueillis le 11 avril 1999 par Michael Hoare et Marie Dolez, relu et corrigé par Laurent Cormier le 15 novembre 1999.
- Jeanneau, Yves, La production documentaire, histoire d’une renaissance, Éditions Dixit, Paris, 1997.
- Cosip : COmpte de Soutien aux Industries de Programmes
Publiée dans La Revue Documentaires n°15 – Filmer avec les chaînes locales (page 131, 2e trimestre 2000)
