À Marie-Christine Peyrière

Celle qui déchiffrait les images

Née le 26 juin 1959, Marie-Christine affirme très jeune un goût boulimique pour la lecture et l’écriture, ce qu’elle concrétise dans des études supérieures de Lettres (khâgne à Montpellier), puis en obtenant un diplôme de journaliste au Celsa/Paris Sorbonne. C’est au journal La Dépêche et à Libération qu’elle publie ses premiers articles. Sa curiosité du monde fut grande, sillonnant l’Europe, et découvrant tour à tour l’Afrique (en particulier le Burkina-Faso, le Mali), l’Asie (Bali, Les Philippines), ou l’Amérique Latine (le Mexique), pour y confronter le passé et le présent, celui des guerres mondiales et celui des colonisations. Résistante, elle le fut, accompagnant luttes féministes, combats contre le sida et batailles contre les pouvoirs établis. Plus tard, bien qu’affaiblie par la maladie, elle deviendra érudite des luttes en faveur de la planète et du climat ; résolument radicale.

Son attention portait vers l’ailleurs, vers l’autre, vers l’œuvre, ce qu’elle interroge dans son mémoire de Dea à I’Ehess, L’héritage du regard, contribution à une anthropologie de la réception à partir de l’étude d’expositions et de commémorations, et dans l’ouvrage mené collectivement avec R. Bachollet, J.-B. Debost et A.-C. Lelieur : Négripub, l’image des noirs dans la publicité (Somogy, 1992) ou en réalisant des expositions : Les noirs, Tètes d’affiches, Nanterre (1985), co-initiée avec J.-B. Debost ; Musée Noir (1991), Ousmane Sow (1992) au Musée Fabre de Montpellier.

Cependant son travail le plus constant fut réservé au cinéma : dès les années 80, Marie-Christine produit une analyse pionnière sur le « film du film », le making of, puis se tourne vers le cinéma africain. Elle découvre Bamako, Ouagadougou, Accra et leurs festivals. Devenue proche d’Idrissa Ouedraogo, elle gardera des liens précieux avec les artistes africains, cinéastes et musiciens.

Quand s’ouvrent les Etats généraux du film documentaire de Lussas, ses préoccupations la portent durablement dans le champ du film documentaire : elle est en charge de programmations et d’ateliers, en particulier celui sur documentaire et musique qu’elle mène avec Yann Lardeau. C’est alors qu’elle s’investit dans la Revue Documentaires (du n° 8 au n° 12) en intégrant le comité de rédaction.

Dès son analyse fine du film Point de départ, accompagnée d’un entretien avec Robert Kramer, ses contributions sont sensibles, singulières. Elle écrit en « Cinéphile du documentaire », selon l’expression qu’elle propose dans le numéro 9 de la Revue, consacré au « documentaire à l’épreuve de la diffusion ». Passionnée des débats dans les domaines des sciences sociales et de la psychanalyse, elle milite pour élargir le champ d’étude du documentaire aux images numériques, aux médias de masse et aux installations vidéo, ce qu’elle analyse au sein de nombreuses formations à l’image ou dans le cadre de l’Agence du court métrage.

Mais son travail essentiel reste celui de l’écriture. Au tournant du siècle, elle se rapproche des artistes du Fresnoy : son ultime article publié dans la revue Pointligneplan sous la direction d’Érik Bullot est en ligne (http://pointligneplan.com/document/cinq-lettres-damour-frontieres-interieures/). Elle y analyse les films de Vincent Dieutre, Vivianne Perelmuter et Bojena Horackova sous le titre Lettres d’amour, frontières intérieures. La décennie qui suit sera celle de l’exploration de ces frontières intérieures, au risque d’une solitude radicale : sa manière de porter haut, malgré les tourments de l’âme et du corps, sa liberté.


Publiée dans La Revue Documentaires n°28 – Disparition(s) (page 189, Mai 2017)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.028.0189, accès libre)