De fonds en compte

Les systèmes d'aide au documentaire

Yves Janneau

Les systèmes d’aide dont peuvent bénéficier les films documentaires sont au nombre de cinq, et sont fort différents les uns des autres par leurs objectifs et les montants des subsides qu’ils octroient.

1. Le GREC, Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques, distribue des bourses pour aider la réalisation d’un premier film. Depuis sa création, en 1969, ce sont 39 documentaires qui ont été aidés, soit une moyenne de 2,4 films par an. Cette structure très particulière ne peut toutefois être vraiment considérée comme une aide à la production professionnelle.

2. L’AIDE AU COURT MÉTRAGE : c’est une subvention du CNC, accordée sur avis d’une commission. Le tableau ci-dessous établi d’après les chiffres réunis par René Prédal (Cinémaction : Le documentaire français) montre que 1985 a vu une remontée du nombre de documentaires aidés, après quatre années de dégringolade :

AnnéeNombre films aidésdont documentairesProportion
1980682131 %
1981631320 %
1982701115 %
1983681012,5 %
198471811 %
1985631320 %

3. L’AVANCE SUR RECETTE, destinée aux long-métrage, dont les documentaires ne sont pas exclus, mais qui ne leur est accordée pratiquement qu’après tournage. Au maximum, trois documentaires en bénéficient chaque année. En 1985, ce sont Raymond Depardon pour Empty Quarters (600 000 F), Jean Schmidt pour Les GobeLunes (1 300 000 F), Gérard Vienne pour Orang Outan (2 400 000 F), qui en ont bénéficié.

4. Le FONDS DE CRÉATION AUDIOVISUELLE, mis en place en 1979, mais en pleine activité de 1983 à 1985 (34 millions de francs cette année-là), était mobilisable après avis favorable d’une commission et permettait à un auteur et à un producteur de démarcher auprès des chaînes en apportant un projet déjà financé aux 2 / 3 : 1/3 sur fonds propres ou préventes, 1/3 au Fonds. En 1984, ce sont 31 documentaires (37 h de programme) et en 1985 30 films (29 h de programme) qui ont pu être ainsi produits.

Les chaînes de service public ont ensuite cessé de jouer le jeu, rendant le système inutilisable. À l’heure actuelle, le Fonds de Création ne dispose plus que de 20 millions de francs.

Le FONDS AUDIOVISUEL INTERNATIONAL, Cofinancé par la Culture et les Affaires étrangères, continue de fonctionner, sur le modèle du Fonds de Création.

5. Le COMPTE DE SOUTIEN, préfiguré jusqu’en 1986 par le FONDS DE SOUTIEN AUX INDUSTRIES DE PROGRAMME, est le dernier-né des systèmes d’aide et remplace les deux Fonds (de Création et de Soutien). Le Fonds de Soutien était destiné à aider les productions diffusées sur les « nouveaux réseaux », Canal +, SLEC, etc. En 1984, 47 documentaires, en 1985, 66 en ont bénéficié.

En 1986, le Compte de Soutien a joué pour 41 documentaires, apportant 18,2 millions de francs, ce qui n’est pas négligeable mais nettement inférieur aux 35 millions annoncés par Jérôme Clément pour l’année 1987 (Cf. Documentaires n° 1).

À la différence des Fonds, le Compte ne peut être mobilisé qu’après montage du plan de financement et engagement d’une chaîne de le diffuser. Il vient alors en appoint (maximum 200 000 francs pour un 52 mn), sous forme de subvention non remboursable.

Ce rapide état des lieux sera développé dans l’étude de marché que nous réalisons à la demande du CNC, avec tableaux, pourcentages et modes d’emploi, mais d’ores et déjà nous avons à formuler nos propositions et nos revendications. Si nous encourageons le GREC dans son soutien aux premiers films, nous espérons que l’Aide au Court Métrage continuera le redressement opéré en 85, en prenant en compte la spécificité des productions de documentaires, d’une durée généralement plus longue que les courts métrages de fiction; l’aide de 90 à 100 000 F qui est allouée est nettement insuffisante à ces réalisations. N’insistons pas sur la difficulté actuelle à monter la production de longs métrages documentaires; une session spéciale de la Commission pourrait sans doute être consacrée à ces projets qui n’osent même plus pointer le bout de leurs synopsis !

Le Fonds de Création était sans doute le système d’aide le plus satisfaisant ; nous regrettons son extinction en constatant qu’il suffirait que chaque chaine nationale publique ou privée, diffuse QUATRE documentaires de création aidés par an pour que la trentaine de films produits avec le Fonds soit « consommée ». Nous demandons donc que cette mesure apparaisse aux cahiers des charges de l’ensemble des chaînes. Quatre films par an étant évidemment un strict minimum…

Une commission composée pour moitié de représentants des chaînes et pour moitié de professionnels et de représentants de l’État pourrait être chargée de la sélection de cette trentaine de projets annuels.

Le Compte de soutien est aujourd’hui le principal système d’aide ; la part qu’il réserve au documentaire est par trop congrue. Exclu de l’aide automatique, qui ne concerne que les fictions et les films d’animation, il est cantonné dans l’aide sélective; si les documentaires y représentent 61 % des projets retenus, ils ne bénéficient que de 24 % du montant des aides accordées. Sans espoir de bénéficier jamais de l’aide automatique : un producteur de documentaire est un éternel « nouveau producteur » ! Les effets pernicieux de ce système se font déjà sentir : si une vingtaine de projets venait en commission d’aide sélective (composée de trois représentants de l’État et de six professionnels de l’Audiovisuel) à chaque session mensuelle, en 1986, il n’y en a plus aujourd’hui que cinq… Que les chaînes continuent dans ce sens et c’est la fin du documentaire de création. Nous tirons donc une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Nous proposons des modifications aux règles de fonctionnement du Compte de Soutien.

1. Que les documentaires diffusés classés en catégories 1 et 2 par la Scam ouvrent droit au Compte automatique pour de nouveaux projets documentaires.

2. Que l’aide sélective soit accordée à des projets de documentaires de création dont les producteurs garantissent la bonne fin et la diffusion, sur des chaînes hertziennes, des réseaux câblés, ou des satellites, français, francophones ou européens ; ou encore sur des réseaux culturels non-commerciaux (Bibliothèques, Vidéothèques, Intermedia, CNDP, etc.). La reconnaissance de la SEPT comme diffuseur nous semble une nécessité immédiate.

Ces mesures permettraient de relancer la production, donc de créer les conditions d’amélioration des documentaires, de favoriser les coproductions européennes, et de faire pression sur les chaînes françaises pour redonner aux productions indépendantes accès aux écrans.


Note : Le 9 août 1976, une lettre du Premier Ministre à TF1 fixait à 150h le quota minimum de diffusion de documentaires d’auteur. En 1978. TF1 programmait 168h25 de documentaires français en première diffusion… A2 en diffusait 196h50, et FR3 107h03…


  • Le Peuple Singe
    1989 | France, Indonésie | 1h27 | 35 mm Réalisation : Gérard Vienne

Publiée dans Documentaires n°2 | Première série (page 6, Mars 1987)