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Marielle Burkhalter

Chers associés,

La Bande à Lumière étant la seule et unique expérience associative que je possède, je voudrais, au bout d’un an d’expérience au sein du CA, émettre quelques réflexions.

La Bande à Lumière, j’ai trouvé ça très sympa quand je l’ai rencontrée : une bande de joyeux copains unis par la même passion pour un type de documents: « filmer la réalité » — ce que je m’évertuais à faire dans mon coin depuis dix ans. Fonctionner en groupe représentait pour moi un rêve inaccessible. En effet, qu’avais-je à mettre en commun avec des maisons de production, des réalisateurs documentaristes reconnus et expérimentés ?

J’ai pensé qu’un enthousiasme partagé pour ce genre de documents pouvait être le ciment d’un groupe et qu’à faire éclore partout, comme cent fleurs, le documentaire, nous réaliserions ensemble, d’abord un 6 juin grandiose, ensuite un réseau de production et de diffusion.

Aujourd’hui, je crains d’avoir voulu entendre le chant des sirènes avec un vieil accent maoïste qui me rappelle de mornes désillusions. Je n’ai pas trouvé dans la préparation du 6 juin autre chose que la gestion, par un petit groupe, d’une subvention et une façon de gérer ce budget qui permet un contrôle étroit par ce même groupe de décideurs. Aucun budget n’avait été prévu pour une quelconque initiative. La majorité du budget était à l’avance allouée à des salaires (six personnes dont deux permanents), le reste allant aux frais de gestion de l’opération elle-même (catalogue, routage, secrétariat).

La situation des « bénévoles » était parfaitement insupportable, coincés entre des permanents à l’aise dans leurs fonctions et les « décideurs » surchargés et indisponibles qui déléguaient leur pouvoir aux permanents.

Cette année devait être celle d’une revanche par rapport au fonctionnement de l’année dernière : par un travail approfondi avec les régions, il ne s’agirait plus simplement de faire circuler des films, il s’agirait aussi de rencontres avec les faiseurs de films et leur public.

Il est important de soulever ce problème si cette année encore nous obtenons l’aide du CNC, car le peu d’affluence à la dernière AG révèle, je le crains, qu’il ne s’agit pas seulement d’une impression personnelle. Si l’opération du 6 juin, déplacée au 1er décembre 1987, est supposée démontrer que le « documentaire débarque », encore faudrait-il préparer ce débarquement et que les rivages soient noirs de monde. On ne peut y arriver qu’en mobilisant les gens — et nous avons vu qu’ils sont nombreux — qui veulent que ce type de film existe.

Peut-on réellement penser qu’il suffit d’embaucher de « bons permanents » pour résoudre le problème d’une mobilisation ? Ne peut-on espérer trouver à l’intérieur d’une association une façon de gérer un budget qui privilégie et soutienne les initiatives de ses adhérents ? Et que ces initiatives soient suivies de comptes rendus sérieux ? Ne peut-on trouver une forme intermédiaire entre donner un salaire à un permanent qui fait ce qu’il peut et coordonner la volonté d’agir d’un groupe ?

Cette question est très difficile à traiter, mais indispensable, faute de quoi l’association risque de n’être plus qu’un groupe de pression qui délègue le soin à des permanents de conduire sa politique.

Marielle Burkhalter, membre de La Bande à Lumière


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Publiée dans Documentaires n°2 | Première série (page 1, Mars 1987)