Guy Tournaye
Le CSA vient de publier une étude menée par Patricia Boutinard-Rouelle, chargée de mission au service des autorisations et des analyses économiques, et consacrée à l’offre de programmes à caractère documentaire (c’est-à-dire documentaires, magazines et grands reportages) sur les chaînes de télévision française en 1989.
En 1989, les chaînes françaises diffuseurs en clair par voie hertzienne ont programmé 825 heures de documentaires proprement dits, 1348 heures de magazines et 128 heures de grands reportages et magazines d’information (toutes origines confondues, et rediffusions comprises). En ce qui concerne les premières diffusions d’émissions d’expression originale française, les chiffres chutent respectivement à 35,6, 420 et 82 heures. Quant au nombre d’émissions programmées à des heures de grande écoute (avant 22h30), il est négligeable. A titre de comparaison, on peut remarquer que le T.S.R. (Télévision Suisse Romande) programme en première diffusion quelque 786 heures d’œuvres à caractère documentaire, soit presque l’équivalent des 5 chaînes français en clair.
La SEPT avec 834 œuvres à caractère documentaire programmées en 1989 (1), dont 723 documentaires proprement dits, 111 magazines, et 265 premières diffusions d’expression originale française fait figure de « SAMU » du documentaire en France.
Quant à la chaine Planète, diffusée sur le câble, elle programme près de 800 heures par an de documentaires – avec, il est vrai, de multiples rediffusions.
Si on analyse, chaine par chaine, la part de volume horaire annuel des émissions à caractère documentaire dans l’ensemble du temps d’antenne, on obtient le classement suivant:
La SEPT avec 46% de sa grille consacrée aux documentaires arrive de très loin en tête, devant FR3 (26%), Antenne 2 (18,8%), M6 (12,3%), TF1 (8,75%) et la Cinq (1,9%).
A noter que les grands reportages et magazines d’information, en volume horaire, constituent la grande majorité de l’offre documentaire des chaines de télévision française, la SEPT mise à part. Les documentaires stricto sensu sont donc largement délaissés au profit de grands reportages et magazines d’information qui, selon les responsables de chaine, drainent une audience plus large, présentent des formats mieux adaptés aux grilles de programmation et sont plus légers à mettre en œuvre.
En ce qui concerne l’audience des œuvres à caractère documentaire, le livre de l’audience 1989 publié par Médiamétrie précise que les documentaires et magazines ne représentent que 9,48% des programmes consommés, bien qu’ils constituent 15,04% de l’offre des programmes.
La sous-consommation de documentaires et magazines fait écho à la surconsommation des films (3,95% de la TV offerte, 10,46% de la TV consommée).
Les documentaires stricto sensu diffusés sur FR3 chaque dimanche soir à 20h30 sur l’émission « Optiques », n’ont réalisé en moyenne que 3,61% d’audience foyer. À noter, toutefois, que l’alliance d’une actualité favorable et d’un sujet très fort peut entraîner une forte audience pour un film documentaire, programmé à 20h30. Ainsi De Nuremberg à Nuremberg a réalisé près de 22% d’audience foyer.
A l’exception de l’émission « Océaniques », et de quelques programmations ponctuelles, les œuvres à caractère documentaire sont le plus souvent reléguées en deuxième partie de soirée où elles réalisent des scores d’audience très variables. On constate que les grands reportages (« 52 à la Une », « Grandes reportages »…) réalisent en moyenne des audiences supérieures aux documentaires et aux magazines.
En revanche, et contrairement à ce que prétendent souvent les responsables de programmation, les magazines ne fidélisent pas davantage que les documentaires. Même s’ils réalisent des scores d’audience élevés, leur public demeure volatile.
Enfin, contrairement aux idées reçues, les catégories socio-professionnelles supérieures ou moyennes ne sont pas les plus consommatrices de programmes à caractère documentaire. Des émissions telles « 52 à la Une » ou « Reportages » disposent aussi d’une forte audience en milieu populaire. Globalement on constate que les documentaires à la télévision, loin de toucher une audience ciblée, concernent en fait le public habituel de la télévision.
Voilà quelques-unes des indications fournies par l’étude du CSA. On peut déplorer que celle-ci se borne à une description – détaillée certes – limitée à l’année 1989, sans véritable mise en perspective historique ni propositions pour soutenir un genre qui fait de plus en plus défaut à la télévision française.
Cette étude est disponible à la Documentation du CSA.
- Chiffre valable sur 7 mois, la SEPT n’ayant commencé sa diffusion qu’au cours de l’année 1989.
Publiée dans Documentaires n°4 (page 21, Août 1991)