Hélène Fleckinger
« De nouveaux problèmes surgissent, qui exigent de nouveaux moyens. La réalité se transforme ; pour la représenter, il faut changer de modes de représentation. », Bertolt Brecht 1
Le 22 novembre 1973. Contre l’avis de la commission de contrôle des films cinématographiques, le ministre des Affaires culturelles, Maurice Druon, prononce l’interdiction totale du film Histoires d’A, réalisé par Charles Belmont et Marielle Issartel 2. Les raisons avancées sont les suivantes : « Ce film comporte […] des images enregistrées d’un délit réellement commis et, en l’état du droit, sa diffusion constituerait une atteinte à l’ordre public. En outre, cette diffusion serait susceptible de constituer par elle-même une infraction aux dispositions en vigueur de l’article L 647 du Code de la santé publique et de l’article 317 du Code pénal » 3. L’avortement tombe en effet sous le coup de la loi de juillet 1920, et il est alors passible de lourdes amendes et de peines de prison allant de six mois à deux ans 4.
Sans visa d’exploitation, rendu « hors-la-loi », Histoires d’A circule néanmoins clandestinement. Montré au cours de projections sauvages, devant plusieurs centaines de milliers de spectateurs et spectatrices 5 en l’espace d’une année, il connaît une diffusion militante exceptionnelle, « qualité et sujet obligent » 6, et constitue un moment privilégié de la lutte pour la liberté de l’avortement. L’interdiction officielle d’Histoires d’A favorise paradoxalement la mobilisation et offre « une audience nationale à une machine de guerre soutenue par tout un mouvement » 7. Son parcours et son impact, « rare sinon unique dans l’histoire du cinéma militant français » 8, se révèlent hors du commun. Issu de la conjoncture militante, Histoires d’A la renforce en retour, et la transforme in fine, non seulement par sa confrontation à la censure, mais encore par la force de ses choix politico-esthétiques.
Un film dans la bataille de l’avortement
Histoires d’A naît de la volonté des membres du Groupe Information Santé 9, de « pousser l’action plus loin en faveur de l’information sur l’avortement, et […] de faire un film qui soit intégré à cette action de groupe » 10. Le GIS rassemble, dès 1972, de jeunes médecins maoïstes ayant pris leur distance avec un certain ouvriérisme, issus en partie du Secours Rouge et inspirés par les analyses de Foucault sur les rapports entre « savoir et pouvoir ». La question de l’avortement s’inscrit logiquement dans leur lutte contre le pouvoir médical, pour la subversion des rapports entre médecins et patient·es et la restitution aux « usager·es » de la médecine, de leur pouvoir sur leur corps et sur leur santé.
Pierre Jouannet, l’un des fondateurs du GIS, qui a introduit la méthode Karman en France 11, avait déjà été filmé par les actualités Pathé en train de pratiquer un avortement par aspiration et les militant·es avaient récupéré les rushes, que Marielle Issartel avait ensuite montés. Mais après quelques projections, le document était devenu inutilisable. Il convenait donc de le remplacer et de filmer un nouvel avortement dans une perspective d’information et de pédagogie militante. C’est tout naturellement que les médecins du GIS se tournent vers Charles Belmont et Marielle Issartel pour leur demander de réaliser « une bande de démonstration » 12. Militantes maoïstes, les cinéastes font eux-mêmes partie du GIS depuis le tournage de Rak 13 et ils ont précisément commencé à réfléchir à un film sur les femmes.
Histoires d’A est tourné en seulement douze jours, aux mois d’avril et mai 1973, et monté en trois mois à partir d’environ dix heures de rushes. Le Planning familial donne 10 000 francs de l’époque, ce qui permet seulement de payer la pellicule, les cinéastes et les techniciens travaillant bénévolement. Au départ, le film ne devait être qu’un court métrage, mais il se transforme finalement en long métrage « par la force du matériel accumulé » 14, passant des quinze minutes initialement prévues à quatre-vingt minutes, sans que la production économique ne soit pour autant reconfigurée. Si le projet prend une nouvelle dimension, c’est parce qu’il apparaît nécessaire aux cinéastes d’informer de façon plus complète et de ne pas séparer le problème de l’avortement de celui de la contraception et du combat plus global pour l’amélioration des conditions de vie. « Chaque jour de tournage nous ramenait au même point, expliquent les cinéastes. Développer davantage. Faire que s’expriment les femmes les plus directement touchées. Les immigrés, les handicapés, les isolés, les marginaux […] Ceux qui n’ont pas droit à la parole » 15.
La démarche s’affirme d’emblée comme militante et didactique : soutenir et populariser la lutte en faveur de l’avortement libre et gratuit, en élaborant un instrument de connaissance et de combat. L’enjeu est de montrer, images et témoignages à l’appui, que « l’avortement est un acte simple et sans danger quand il est pratiqué dans de bonnes conditions » 16, que c’est la clandestinité qui l’a rendu dramatique (clandestinité sur laquelle s’appuie l’image dominante, entretenue par l’État, d’un avortement-boucherie) et qu’il est possible de le vivre « tout autrement, pratiquement sans risque et sans douleur, dans une relation nouvelle avec le médecin » 17. « À partir de cette pratique limitée aux avortements, déclarent en effet les militants du GIS, nous voulons changer les rapports entre praticiens et patients, et essayer ainsi d’ébaucher une autre médecine » 18. Dans Histoires d’A, la médecine d’État, celle qui « répare » pour reproduire la force de travail au lieu de prévenir et qui soutient une idéologie nataliste, est directement visée : « On nous tient dans une espèce d’aliénation par rapport au savoir médical qui est très dangereuse… », déclare Joëlle Brunerie.
La séquence clé du film, celle représentant un avortement de façon didactique, est donc logiquement placée dès le début. La technique d’aspiration, connue depuis plus de dix ans dans d’autres pays, est alors ignorée en France, et la filmer doit permettre « de démythifier cet acte, de le dédramatiser, sans pour autant vouloir lui faire prendre la place de la contraception » 19. Montrer dans son intégralité (soit seize minutes, temps de discussions préparatoire et postérieure à l’acte compris) l’« image d’un avortement dédramatisé, rendu simple et presque banal » c’est en effet proposer une « image déculpabilisante » pour les femmes, qui doit faire penser et dire : « pourquoi pas ici, et maintenant, la liberté d’avorter ? » 20.
Histoires d’A s’inscrit dans une perspective de réappropriation de leur corps et de leur sexualité (dissociée de la procréation) par les femmes elles-mêmes, dans la mouvance du Mouvement de libération des femmes, et plus précisément de la tendance « lutte de classes » 21 :
[…] la société et ses lois disposent de nous, de notre corps, et cela a assez duré. C’est à nous de décider de mettre ou non un enfant au monde. Nous sommes les premières concernées dans notre corps et dans notre vie de tous les jours. Alors il n’est plus question pour nous de nous taire. Nous voulons sortir de la clandestinité, de la honte et de l’humiliation 22.
Le film refuse de poser le problème de l’avortement en termes de « morale » et de « conscience humaniste », et se place sous l’égide de Wilhelm Reich, à travers cette célèbre phrase, reproduite sur l’affiche : « On ne mendie pas un juste droit, on se bat pour lui ». Le film se présente comme un instrument de combat nécessaire, à la veille de la discussion de la loi à l’Assemblée nationale, « afin de contrebalancer, dans l’opinion, la fausse information officielle de règle en ce domaine comme en tant d’autres » 23.
Impulsé par le GIS et réalisé en son sein par deux cinéastes qui en font partie, Histoires d’A peut être considéré comme interne au mouvement : « L’important pour nous, soulignent les cinéastes, c’était de ne pas arriver de l’extérieur pour “voir comment ça se passait”, mais d’aborder des problèmes que nous vivions déjà de l’intérieur […] surtout au niveau individuel » 24. Il ne s’agit pas pour autant d’une réalisation collective. Le film demeure le produit de deux individualités, dont le cinéma est la profession, et qui ont opéré des choix personnels en conformité avec la lutte collective :
Ce n’est donc pas un film collectif, nous l’avions déclaré clairement dès qu’il fut question de tourner. Le contrôle du mouvement s’est borné à quelques réunions préparatoires très générales, et à des discussions serrées et précises à la fin du montage. En fait, ce film est l’expression d’un mouvement qui se reconnaît parce que nous en faisions partie 25.
Dans Histoires d’A, la question de l’avortement est néanmoins politisée dans la lignée des analyses du GIS : « L’avortement c’est interdit […] parce que les riches au pouvoir ont besoin d’une constante force de travail. Il faut bien que les ouvrières aient des enfants » 26. Le film ne se contente pas de montrer un avortement, il le relie à tout un système d’oppressions, et en particulier, à l’oppression spécifique des femmes (exploitation sexuelle, images de « La Femme » donnée par les médias, oppression familiale, etc.) et à la lutte des classes. Le film dénonce en effet « l’inégalité sociale » et « le trafic financier » 27 qui font qu’une femme, selon ses moyens, peut se faire avorter en toute sécurité à l’étranger, éventuellement même en France, ou bien se retrouver contrainte à l’avortement clandestin au prix d’angoisses et de souffrances insupportables et au risque d’y perdre la vie. La séquence relatant en détail l’avortement s’insère au milieu de multiples témoignages : Aïcha, atteinte de sclérose en plaques et en grève de la faim pour protester contre le sort réservé aux handicapés ; des femmes algériennes, entourées de leurs enfants et qui témoignent de leur quotidien ; une jeune femme pensionnaire d’un sinistre « foyer-pilote » pour mères célibataires ; une jeune concierge qui raconte « toutes les vacheries » que son mari lui fait subir et qui « voudrai[t] bien que le monde se renverse un petit peu »… Les cinéastes soulignent : « nous pensions que l’avortement et la contraception ne pouvaient être isolés de leur contexte social, économique et sexuel » 28. Il leur apparaissait essentiel
que l’avortement soit resitué dans tout un contexte d’action sociale : non seulement la sexualité, la médecine, la santé, l’éducation, mais aussi les travailleurs immigrés, les handicapés physiques… Aïcha, dont l’interview ouvre et ferme le film, étant la synthèse vivante de tous ces problèmes, rejetée à la fois par les syndicats et les mouvements gauchistes, n’a trouvé pour seul moyen de survie que cette action marginale d’une grève de la faim. Marginale sans être pour autant purement individuelle puisqu’elle a entraîné tout un petit groupe de ces gens marginaux. Ce qui est finalement le point de départ de tous les mouvements et de tous les combats, y compris celui concernant l’avortement 29.
Histoires d’A travaille donc l’imbrication des oppressions, en s’intéressant particulièrement aux luttes qui, à l’image de celle des femmes, ont des caractéristiques communes de « marginalité par rapport aux revendications politiques des groupes politiques traditionnels » 30. Ceci avec la « volonté de se rassembler dans la lutte contre la spécialisation : femmes à la reproduction, lycéens à la “Kulture”, OS à la chaîne, handicapés à la mendicité, médecins à la réparation » 31. Histoires d’A s’ouvre ainsi sur les images d’une manifestation commune, et non spécifiquement féministe, avec ce commentaire en voix off :
Qui sont les gens qui sont descendus dans les rues de Paris au début de l’année 73, alors que les gens raisonnables s’occupaient des élections ? Tous des irresponsables : des gamins, des bonnes femmes, des étrangers et des infirmes, tous ceux à qui on refuse la parole. Contre l’armée qui envahit le Larzac, fabrique de si beaux hommes et de si belles bombes, contre la morale de nos pères qui maintient les femmes dans l’esclavage et la maternité obligatoire, contre le racisme, les brimades et les menaces qui renforcent l’exploitation des travailleurs immigrés : tous des marginaux, à peine évoqués dans les programmes électoraux et pourtant la force vive de ce printemps 73.
La confrontation à la censure
Si Histoires d’A est issu d’une certaine conjoncture militante qu’il entend renforcer, la confrontation avec la censure modifie sensiblement son parcours et son impact. Dans un premier temps, le film ne devant être qu’un court-métrage, il était « destiné à une diffusion dans les circuits d’information déjà concernés, une diffusion parallèle donc, expliquent les cinéastes. Et c’est en nous rendant compte du volume que prenait le film que s’est présentée à nous la possibilité d’une diffusion commerciale » 32. Déjà à l’échelle militante, les cinéastes ne doutaient pas de l’ampleur que la diffusion pourrait prendre, en raison du sujet abordé : « dès le départ, le problème traité était d’une telle importance pour l’ensemble des gens, et le mouvement dans lequel il s’intégrait tellement large, que même dans un cadre de diffusion militante nous savions que nous atteignions des possibilités de réception énormes » 33. Mais l’occasion de sortir le film en salles, en raison de son nouveau statut de long-métrage, est apparue comme une aubaine, car elle devait démultiplier le champ d’action :
La diffusion commerciale et la diffusion militante ne devaient pas se contredire, mais plutôt se compléter. Sauf dans un cas exceptionnel comme celui d’Histoires d’A qui a bénéficié d’une énorme publicité, on touche beaucoup plus de gens par les circuits commerciaux, et de ceux qui n’iraient pas forcément à une projection militante. Mais là, en revanche, on peut toucher plus profondément, mener une enquête, articuler le film à une action locale et, par la pratique du débat, rompre l’isolement des salles obscures 34.
L’idée de sortir Histoires d’A en salles, rare pour des films dits militants, semblait évidente aux cinéastes. L’exploitation commerciale permettrait de rembourser une partie des frais engagés, mais surtout, Charles Belmont souhaitait, avec ces gains commerciaux, subventionner un centre d’orthogénie 35. En outre, puisqu’il s’agissait de sortir l’avortement de la clandestinité, Histoires d’A ne pouvait pas demeurer lui-même un film clandestin. En ce sens, le film prolongeait la stratégie du « fait accompli » 36 théorisée par le GIS, puis le MLAC et qui consistait à placer les pouvoirs publics et l’Ordre des médecins devant la nécessité de changer la législation qui, de fait, n’était plus appliquée :
Depuis deux ans, des femmes luttent en plein jour pour faire reconnaître leurs droits. Le droit d’interrompre une grossesse non désirée sans risque pour leur propre vie. Le droit de choisir leur maternité ou pas de maternité. Elles ont rendu la loi de 1920 caduque. Elles ont imposé un état de fait 37.
Instrument de lutte en faveur de l’avortement libre et gratuit, Histoires d’A trouve donc sa place aux côtés d’autres actions d’éclat. Ainsi le manifeste des 343 femmes déclarant avoir avorté 38, publié en avril 1971 dans Le Nouvel Observateur, ou celui, lancé à l’initiative du GIS, des 331 médecins déclarant pratiquer des avortements et aider des femmes à avorter, publié en février 1973 dans le même journal. Si Histoires d’A évoque aussi une stratégie du « scandale », « qui consiste à afficher publiquement que l’on transgresse la loi » 39, la demande de visa d’exploitation ne résulte pourtant pas d’une volonté de se confronter à la censure pour faire un « coup médiatique ». L’interdiction devient certes une sorte de publicité gratuite et l’impact du film se trouve décuplé par la censure car elle cristallise l’attention sur lui, mais ces effets n’ont pas été anticipés et recherchés pour eux-mêmes.
Comme le tableau le récapitule, Histoires d’A obtient un visa d’exploitation le 30 octobre 1973 (avec interdiction aux mineur·es de moins de dix-huit ans 40). Mais, procédure extrêmement rare, il est renvoyé une seconde fois devant la commission de contrôle, à la demande du ministre des Affaires culturelles, Maurice Druon. Le 20 novembre, la commission confirme son avis favorable 41, mais son rôle n’est que consultatif. C’est donc directement par décision ministérielle qu’Histoires d’A est interdit le 22 novembre 1973, l’affiche étant elle-même auparavant censurée pour « mauvais goût, exhibitionnisme de la maternité, seins agressifs » 42.
Maurice Druon semble avoir cédé à la pression des associations hostiles à l’avortement et notamment à l’action délatrice de « Laissez-les-vivre », qui publie une lettre ouverte au Garde des Sceaux, dans le journal La Croix du 10 novembre 1973. L’association y demande l’interdiction du film : « Il importe en tout cas que le peuple français sache que si de tels films en faveur de l’avortement sont projetés sur les écrans de France, ce sera avec l’approbation du ministère de la Justice qui aura décidé de ne pas faire appliquer la loi, laquelle l’interdit formellement 43 ». Les cinéastes soulignent le paradoxe : « Le délit d’avortement n’est plus puni, mais l’image du délit rend nerveux les ministres » 44 ; « pour le gouvernement, ce qui est scandaleux, c’est l’image de la réalité de l’avortement » 45. Ils dénoncent la « manœuvre magique qui consiste à voiler l’image pour tenter de supprimer le fait » 46.
Avant que l’avis de la deuxième commission ne soit rendu et que ne soit officialisée l’interdiction totale, les auteurs-producteurs 47 et le distributeur Claude Nedjar 48 décident néanmoins de procéder à la sortie d’Histoire d’A, à la date initialement prévue, le 15 novembre 1973, au cinéma Jean Renoir, dans le 17e à Paris, avec le concours de la propriétaire de la salle, Simone Lancelot 49. Diffusé sans visa d’exploitation, le film est saisi par la police après dix minutes de projection. Conformément à l’article 22 du « Code de l’industrie cinématographique », les réalisateurs-producteurs, le distributeur et l’exploitante, pris en flagrant délit, risquent une amende pouvant s’élever jusqu’à 200 000 Francs, une saisie du matériel et la fermeture de la salle. Le 22 novembre, quarante-cinq minutes après le début de la projection au cinéma Nef de Grenoble, la police charge violemment, sans sommation, blesse plusieurs personnes dont une grièvement, et saisit le film. Deux heures plus tard, 2 500 personnes, regroupées à l’appel du MLAC, défilent dans la ville et exigent la diffusion du film et la liberté de l’avortement et de la contraception. Le 27, des manifestations et une grève des lycéens sont organisées en faveur d’Histoires d’A, qui est projeté par la Ligue des droits de l’homme. Le 28, le préfet de l’Isère interdit la projection du film et fait encercler par la police le théâtre de Grenoble où elle devait avoir lieu. Le film est finalement projeté à la Bourse du travail, à minuit, après une longue manifestation dans la ville. Le même jour, les sénateurs et députés, parmi lesquels François Mitterrand et Gaston Deferre, voient le film dans la salle Médicis du Sénat, et la projection est suivie d’un débat. Les 30 novembre et 1er décembre, huit projections sont organisées à la Faculté de Jussieu-Paris VII. On refuse du monde, mais la police est invisible : le pouvoir n’est pas disposé à une épreuve de force avec les étudiant·es. Le 4 décembre, le film est projeté à Cherbourg, à Caen, à Angers, projeté et saisi à Tours, interdit à Lyon, montré à Montpellier devant 2 000 personnes. Le 5, alors qu’une projection avait été décidée par le MLAC et « Choisir » dans une salle de la mairie du VIe arrondissement de Lyon, la mairie est entourée par la police quand le public arrive. Le 14, à Rouen, le film est vu par plus de 2 000 personnes lors d’un meeting du MLAC. Le 15, le film est projeté à Marseille devant 2 500 à 3 000 personnes. Le 17 décembre, une projection est organisée par L’Express et annoncée dans l’édition du jour, mais dix-sept inspecteurs viennent saisir la copie, en vain. La projection se déroule mais Françoise Giroud, directrice du journal, est amenée au poste de police en pleine nuit. Le 23 mai 1974, le film est montré à Cannes, en marge du festival, au sein d’un « festival populaire » organisé par le PSU. Les CRS prennent d’assaut la salle et évacuent le public avec violence. Mais ils se sont trompés de salle, et ce sont les spectateurs et spectatrices d’un film sur le Vietnam qui ont en fait été violentés.
Histoire d’une censure
30 octobre 1973 : Histoires d’A est visionné par la commission de contrôle des films cinématographiques. Elle se prononce pour la délivrance d’un visa d’exploitation avec interdiction aux moins de dix-huit ans.
10 novembre 1973 : Le journal La Croix publie une lettre ouverte de l’association Laissez-les-vivre au Garde des Sceaux qui demande l’interdiction du film en déclarant que l’autoriser serait contraire à la législation.
13 novembre 1973 : Maurice Druon, ministre des Affaires culturelles, un représentant du ministère de la Santé et un autre du ministère de la Justice visionnent le film.
14 novembre 1973 : À la veille de la sortie du film à Paris, les distributeurs reçoivent une lettre de Dominique Le Vert, directeur du cabinet au ministère des Affaires culturelles, qui stipule que le film, non seulement montre « les images d’un délit réellement commis », mais encore constitue un délit par lui-même en tant qu’acte de propagande en faveur de l’avortement. Le film n’obtient donc pas de visa d’exploitation.
15 novembre 1973 : Le film sort néanmoins commercialement au cinéma Jean Renoir à Paris, devant 300 personnes : des particuliers, des journalistes, des militant·es du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire), des représentant·es de la CFDT et de diverses organisations. Dix minutes plus tard, la police intervient et saisit la copie.
20 novembre 1973 : La commission plénière de la commission de contrôle visionne de nouveau le film et confirme son premier vote.
22 novembre 1973 : Le film est projeté au cinéma Nef à Grenoble. La police intervient et 2 500 personnes se regroupent et manifestent pour le droit à la libre information.
27 novembre 1973 : Les distributeurs d’Histoires d’A font savoir que Maurice Druon, « cédant aux pressions du ministère de la Santé et de Laissez-les-vivre dont Messieurs Foyer et Lortat-Jacob sont les plus fermes soutiens, a interdit la projection du film à tout public, passant outre à deux avis favorables de la commission de contrôle cinématographique ».
Les projections sauvages se multiplient…
7 octobre 1974 : Dans une lettre adressée à Claude Nedjar de Nef Diffusion, Michel Guy, secrétaire d’État à la Culture, déclare être disposé à accorder un visa d’exploitation au film.
16 octobre 1974 : Le chef de cabinet de Michel Guy, Hubert Astier, confirme l’accord du visa d’exploitation, sous réserve d’une interdiction de représentation aux mineurs de moins de dix-huit ans. À la même date, une seconde lettre autorise l’exploitation du film avec une interdiction aux mineurs de dix-huit ans. L’interdiction est donc levée et la diffusion commerciale commence officiellement.
« Le 28 novembre 1973, résument les cinéastes, les projections d’Histoires d’A commençaient en dehors des circuits de salles et, avec elles, une énorme partie de cache-cache nationale, où les gendarmes sont les voleurs, et le butin souvent surprenant (ici : Français si vous saviez, là : La Famille en Chine, ailleurs : un classique de ciné-club ; ce qui contribuera, nous l’espérons, à l’instruction des flics qui nous harcèlent » 50. Les projections sont souvent très houleuses, les saisies et les arrestations fréquentes et musclées. Alors qu’une ou deux projections ont lieu chaque jour, le déploiement des forces est systématique et persévérant. Ainsi, « même interdit, […] Histoires d’A n’est pas un film clandestin » 51. En 1974, neuf copies 16 mm circulent en France et plusieurs copies 35 mm en Belgique où le film est sorti commercialement malgré l’interdiction à l’exportation et les pressions diplomatiques. Les cinéastes ont par ailleurs donné une copie 16 mm à un groupe de militant·es allemand·es, une autre en Espagne, une autre encore en Italie (qu’Isabella Rossellini diffuse dans des usines de femmes), et une autre enfin à la Cinémathèque d’Alger.
« Qui n’a pas vu Histoires d’A ? » 52, interrogent les cinéastes avec malice, dans l’ouvrage qu’ils publient chez Stock dès 1974, sous l’impulsion de Guy Braucourt qui a lui-même suivi et raconté les aventures et mésaventures du film, dans une sorte de feuilleton, pour la revue Écran. Histoires d’A fédère en pleine lutte pour la liberté de l’avortement et les réseaux militants s’en emparent massivement. Il est montré dans des facultés, des maisons de jeunes, des salles municipales, des salles privées louées pour l’occasion, des foyers de jeunes travailleurs. Progressivement des projections sont également organisées dans les entreprises : Renault, la Sécurité sociale, l’URSSAF, les Allocations familiales, Olivetti… Les établissements scolaires essaient souvent de montrer le film mais y réussissent rarement. Ce sont surtout les réseaux du Planning familial et les comités du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception), créé en avril 1973 53, qui prennent en charge la diffusion du film, qui est « destiné d’emblée aux publics populaires des quartiers, qui n’étaient pas forcément des habitués des salles de cinéma » 54. Mais, fait très remarquable, Histoires d’A est soutenu par la totalité des organisations politiques et syndicales de gauche. À l’exception du PCF et de la CGT, même s’« il ne faudrait pas confondre les appareils avec les militants ; comme il […] faut rester lucide sur l’unité qui s’est faite autour du film » 55 et distinguer soutien formel et soutien actif, très minoritaire. Chaque diffusion est une aventure en soi, mais toutes et tous s’organisent pour assurer le bon déroulement de la projection et pour protéger les copies existantes, celles-ci étant rendues éminemment précieuses par le refus du laboratoire Éclair de tirer de nouvelles copies en raison de la censure.
L’interdiction du film est finalement levée le 7 octobre 1974 56, mais, à quelques semaines de la discussion de la loi à l’Assemblée nationale, le contexte est tout autre. En outre, l’exploitation en salles sera tout de suite interrompue par des intimidations et des violences de groupes d’extrême droite. Qu’est-ce qui a donc fait le succès de la diffusion militante d’Histoires d’A ? Certes, la confrontation à la censure a favorisé sa publicité : « C’était très glamour car un film interdit, ça attire » 57. Mais elle a eu un autre effet paradoxalement positif : elle a imposé la constitution d’un public, en nécessitant son organisation — matérielle mais aussi politique. C’est ce que note très justement Serge Daney dès la fin de l’année 1974 :
Un « public » a dû se cotiser, se protéger, bref se constituer pour que le film puisse simplement être vu et discuté. Pour la première fois depuis longtemps, un film a pu organiser son public. En ce sens, Histoires d’A est, au sens fort, un « film d’organisation », non en ce qu’il répercute des analyses élaborées ailleurs par et dans des organisations politiques, mais en ce que sa vision, son appropriation ont posé des problèmes d’organisation : entrée dans l’illégalité, affrontements parfois violents. Histoires d’A permet de poser une question qui est au cœur de tout projet de cinéma militant : l’espace de la projection cinématographique comme espace conflictuel, à conquérir — à la limite comme espace militaire.
Ou encore : dans quelles conditions on passe d’un public — celui qui est conditionné, mis en scène en vue de la consommation de films, piloté par les ouvreuses et gavé d’esquimaux — à un autre, un public qui saurait qu’un film « de lutte », pas plus qu’une idée juste, ne tombe du ciel. Car il a fallu que les militants, que tous ceux qui ont diffusé Histoires d’A, s’emparent d’un contenu qu’ils possédaient déjà (qu’il est juste de lutter pour le droit à l’interruption volontaire de grossesse) mais aussi d’un contenant : l’objet-film, cassable, volable, périssable, cher. La diffusion de cet objet, la lutte pour sa diffusion, n’a pas seulement popularisé les idées du MLAC, elle a aussi appris aux diffuseurs improvisés deux ou trois choses nouvelles : qu’un film pouvait, dans certaines conditions, fonctionner comme un « organisateur » 58.
Pour mettre en place des projections, des forces se sont en effet regroupées avec un but immédiat, ce qui a pu conduire à la prolongation d’une action militante. « Beaucoup de groupes MLAC se sont créés à l’occasion de la projection d’Histoires d’A » 59, note Jean-Yves Petit, membre du GIS. Le film a aidé les militants à s’organiser et la grande détermination du public à le voir a renforcé la dynamique. Il répondait en effet à la vive préoccupation des gens de s’informer sur les possibilités d’avorter. C’était une des premières fois que l’on pouvait voir à l’écran un avortement 60 et cela n’intéressait pas qu’un public militant ou politisé. Le film répondait aux questions concrètes que se posaient les gens : la méthode Karman, le fonctionnement et le déroulement de l’aspiration, l’absence de douleur, le rôle joué par les « intermédiaires, les centres d’orthogénie, les actions du GIS et du MLAC… Mais si, à partir du problème concret que posait l’avortement dans la vie quotidienne, la diffusion du film a permis d’élargir la lutte à des femmes et des hommes qui ne connaissaient pas auparavant le GIS et le MLAC, Charles Belmont note que cet ancrage a souvent occulté l’analyse politique globale que propose film :
Quand le film était projeté, il y avait une telle curiosité, une telle demande par rapport à l’acte d’avortement, que, malheureusement, parfois les débats tournaient exclusivement autour de : quelles adresses, problèmes techniques posés par l’avortement, etc. […] Très souvent, on était obligé de répondre à une demande 61.
La Charte du MLAC 62, par exemple, avait des objectifs beaucoup plus larges que l’avortement libre et gratuit, mais les demandes urgentes d’avortement étaient telles que les questions de l’oppression sexuelle et de la lutte des classes étaient souvent ignorées lors des débats.
Histoires d’A a néanmoins très largement dépassé les objectifs qu’il s’était fixé à l’origine. Il a incontestablement servi la mobilisation en faveur de l’avortement libre et gratuit, et même celle contre la censure cinématographique 63, l’interdiction prononcée par Maurice Druon ayant joué un rôle de catalyseur.
« Montrer comment sont vraiment les choses »
La force d’Histoires d’A, et sa capacité à organiser un public, ne se résument pourtant pas à une conjoncture marquée par la censure. Elle résident aussi dans ses choix politiques et esthétiques, ce qui donne raison à Serge Daney : « […] il faut faire ce que personne n’a pensé à faire : parler de la forme d’Histoires d’A ». Il est vrai que cette question n’a été que rarement soulevée, se trouvant occultée par les difficultés liées à la diffusion clandestine du film. Sa réception concerne d’abord sa dimension politique 64 et il faut admettre que la priorité est alors à la lutte immédiate et concrète, et non pas aux analyses cinématographiques. Serge Daney note avec justesse :
Pour beaucoup de ceux qui l’ont vu, soutenu, diffusé, comme du reste pour ceux qui l’ont méprisé ou interdit (de François Maurin à Maurice Druon), Histoires d’A ne semble tirer ce pouvoir d’organisation que du fait qu’il a été interdit. Et il n’aurait été interdit que parce qu’il aborde un sujet tabou : l’avortement. Autrement dit, pour tous le film n’est qu’un prétexte.
Cette idée, qui n’est pas neuve, est la croix du cinéma « militant ». Elle revient à ne voir dans un produit artistique qu’un moment neutre, un relais sans épaisseur dans la popularisation d’idées élaborées ailleurs. Dans cette optique, il suffirait qu’un film permette un débat, donne l’occasion d’une prise de parole, à des militants de faire connaître leurs thèses ou passe leur ligne, pour que le film ait rempli sa mission, toute sa mission. Il serait au débat ce que l’avant-programme est au film : mise en préparation, avant-goût, mise en attente. Le film ne serait que la carotte spéculaire qui permet de « faire passer » le débat. Combien de fois avons-nous entendu cette phrase fatidique : « Le film n’a pas d’importance en lui-même, il ne fait qu’amener le débat » ? Comment s’étonner de l’éternelle pauvreté du cinéma militant après cela 65 ?
Si la question formelle a été si peu évoquée à propos d’Histoires d’A, c’est probablement aussi parce qu’une conception bien peu dialectique domine les pratiques militantes du cinéma : le « contenu » primerait sur la « forme ». Une dichotomie que dénonçait pourtant déjà Bertolt Brecht : « Par ici les formalistes ! — Par ici les “contenuistes” ! C’est quand même un peu trop simple et métaphysique » 66 ! « Ce serait pure folie de dire qu’en art il ne faut attacher aucune importance à la forme et à l’évolution de la forme » 67. Au contraire, selon Brecht :
En art, la forme joue un grand rôle. Elle n’est pas tout, mais elle a une si grande importance qu’en négligeant la forme d’un ouvrage, on le réduit à néant. Ce n’est pas une chose extérieure, quelque chose que l’artiste ajoute au contenu, elle appartient si bien au contenu qu’elle se présente souvent à l’artiste comme le contenu lui-même ; car, au moment de la création d’une œuvre d’art, certains éléments formels surgissent le plus souvent à son esprit en même temps que la matière et souvent avant elle 68.
Charles Belmont et Marielle Issartel contestent également avec vigueur cette opposition binaire entre « contenu » (les luttes) et forme (l’expression cinématographique) : « Tout de suite les questions de forme se sont posées. Les questions de forme étaient complètement liées au contenu » 69. Par exemple, dès le début, les cinéastes ont fait le choix d’une pellicule noir et blanc. Il s’agissait en effet de dédramatiser l’avortement et d’« introduire de la distance avec le sang » 70 : la pellicule couleur était donc exclue 71. Charles Belmont et Marielle Issartel se définissant à la fois comme militants et cinéastes et revendiquant cette double appartenance, Histoires d’A a justement permis de « réunir [leur] idéologie, [leur] volonté d’action et [leur] métier » 72. Il n’était donc pas question d’ignorer les enjeux esthétiques, même si l’urgence et les conditions économiques ont parfois influé sur leurs choix 73.
C’est bien pourquoi Histoires d’A demeure l’un des films militants les plus vus, connus mais aussi reconnus. À la fin des années soixante-dix, alors que sonne l’heure des bilans et qu’il est souvent reproché au cinéma dit militant « sa médiocrité esthétique » 74, son triomphalisme, son dogmatisme 75 et « son penchant pour la logorrhée » 76, non seulement Histoires d’A est épargné, mais plus encore, il est cité en contre-exemple. La parole — et d’abord celle des femmes — est certes au cœur d’Histoires d’A, mais elle s’enracine dans un vécu sensible et conscientisé (ces femmes ne sont ni « des acteurs écrasés [ni] des victimes plaintives » 77, même si leur degré de politisation est variable) qui évite l’écueil du dogmatisme comme de la logorrhée. Déjà dans Rak, Charles Belmont faisait du quotidien toute sa matière filmique, et entendait « traiter des sujets concernant directement les gens » afin de « rédui[re]au maximum le décalage entre le film et la vie personnelle » 78. Histoires d’A prolonge cette démarche. C’est un film en effet très construit du point de vue du montage et « [l]es problèmes n’y sont pas exposés selon une organisation rationnelle mais en fonction d’une logique affective » 79.
Ce qui nous importait […], c’est que le film se développe non pas autour d’un commentaire articulé, mais au rythme de sa propre pulsation, qu’il existe non par le pouvoir des mots ou par leur analyse, mais qu’il permette de retrouver quelque chose de plus affectif et de plus personnel, reflétant, en fait, l’esprit et l’évolution du mouvement dans son action et dans ses luttes. Il était essentiel que l’on comprenne que personne n’a la bonne parole, et que le militant qui dispose de sa méthode d’analyse marxiste n’a pas forcément raison tout seul, et, en tout cas, pas davantage que les femmes directement concernées et engagées dans la révolte… 80
Les cinéastes ont, par exemple, évité de faire du film un long exposé sur la contraception, mais c’est en fait la question qui revient constamment. On parle ainsi des résistances à la contraception, on en vient au planning familial, à la question des mères célibataires, au couple qui prétend que la pilule rend frigide, etc. Le but du « montage affectif » était de « susciter un bond qualitatif de la vision sensible jusqu’à la compréhension intellectuelle » 81. Les cinéastes souhaitaient à la fois éviter le recours aux cartons et réduire le commentaire au minimum 82.
Ce n’est pas par hasard, si l’on voit après que certaines femmes aient accouché dans un centre parisien, d’autres femmes sortir d’une usine. Cela signifie : « Que vont devenir toutes celles qui n’ont pas eu la possibilité d’avorter ? » Voilà comment nous avons fonctionné au montage. Il n’était pas question pour nous de refuser l’analyse mais de lui donner une chair 83.
La référence à Brecht est explicite dans les déclarations des cinéastes : « […] nous ne prétendons pas montrer les choses vraies mais comment sont vraiment les choses » 84. Il est ainsi possible de repérer dans Histoires d’A une écriture « réaliste » du cinéma, en un sens brechtien 85. Dès Rak, Charles Belmont « ne se contentait pas de dénoncer les effets d’une situation mais remontait à ses causes » 86. Avec Histoires d’A, les cinéastes prolongent ce geste : ils ne voulaient pas donner « la parole aux gens de tous bords » pour se réfugier derrière une soi-disant objectivité et ils se sont lancés dans « un jeu de montage dialectique, où la compréhension ne vient pas d’un discours, mais d’un choc de séquences qui s’éclairent, d’un rappel soudain qui renvoie à autre chose, de décalages, d’une déstructuration chronologique » 87. Aussi leur est-il apparu « essentiel de garder les contradictions de chaque personne, [là encore] non par souci d’objectivité, mais pour montrer comment se combattent parfois dans la même phrase deux idées opposées, deux idéologies » 88. Si Madeleine raconte avant tout sa vie quotidienne de mère au foyer, elle dévoile également l’oppression que son mari lui fait subir :
[…] je suis toute seule et, quand il rentre, il n’est pas encore content […]. Il se croit plus haut, lui, il se croit le bon Dieu ! Et que moi, je suis une serpillière. Moi, je connais rien : toi, tais-toi, tu connais rien… Il veut rien savoir de moi. […] pourquoi c’est nous qu’on se tape tout ? Moi je me tape tout, et il trouve encore à dire que c’est sale 89.
Les cinéastes commentent :
Quand son mari rentre, il se venge sur elle. Il se venge de travailler comme OS alors qu’il est P2. Il se venge d’être une « forte tête » qu’on licencie en premier. Il se venge de rester souvent au chômage. Très révolté et politisé au-dehors, à la maison c’est lui qui est révoltant 90.
C’est ainsi que l’opprimé mâle devient oppresseur dans son propre foyer 91. De même, Charles Belmont et Marielle Issartel ne masquent pas le « racisme anti-rital » 92 d’un couple apparemment libéral, qui a favorisé l’avortement de leur fille, la mère ayant elle-même subi un avortement clandestin dramatique. Ils laissent aussi percevoir le paternalisme du médecin du GIS, Jean-Daniel Rainhorn, alors qu’il pratique l’avortement : quand il « s’est vu sur l’écran, il s’est trouvé, et nous l’avons trouvé — et les intermédiaires l’avaient bien dit — paternaliste et envahissant. L’intermédiaire n’existe plus ; elle est réduite au rôle d’hôtesse, d’assistante » 93. Certes, le médecin parut au contraire sympathique au public, mais les contradictions avec les principes et pratiques développés par le GIS n’ont pas été gommées. En cela, Charles Belmont et Marielle Issartel répondent bien à l’appel de Brecht : « Les artistes réalistes représentent les contradictions qui existent chez les hommes et dans leurs rapports réciproques, et montrent les conditions dans lesquelles elles se développent » 94.
Histoires d’A constitue une référence jusqu’à aujourd’hui 95. Si ce film se révèle exemplaire à plus d’un titre (diffusion exceptionnelle, impact politique, qualité esthétique…), c’est notamment par son articulation à la conjoncture, qui en fait un modèle de réussite du point de vue de l’efficacité militante, pour une fois rendue visible et lisible, même si toujours non quantifiable. L’intuition de Serge Daney est à cet égard saisissante :
Histoires d’A (1973). Film interdit. Pour la première fois un film rend compte au bon moment d’un phénomène important (la lutte des femmes pour la libre disposition de leur corps, pour le droit d’interrompre leur grossesse). La conjoncture crée le film, l’interdiction du film lui crée un public, le public doit s’organiser politiquement pour voir le film, le film crée la conjoncture. Et ses auteurs (Charles Belmont et Marielle Issartel) ? Avec vaillance, ils portent leur film comme le brûlot qu’il est 96.
Ce que révèle de façon éclatante le parcours du film, ce sont bien les potentialités d’un « art réaliste », c’est-à-dire d’« un art qui veut refléter la réalité et en même temps agir sur elle, la modifier, l’améliorer pour les grandes masses de la population » 97.
- Bertolt Brecht, Sur le réalisme, Paris, L’Arche, 1976, p. 118.
- Seules les projections privées (dans un domicile privé, devant vingt personnes maximum) sont officiellement autorisées.
- Dossier de la Commission de contrôle des films cinématographiques, visa d’exploitation n° 41828 (1974).
- L’avortement, la provocation à l’avortement ou la propagande en faveur de cet acte tombent sous le coup de la loi pénale par les articles 1 et 2 de la loi du 31 juillet 1920, inclus dans l’article 647 du Code de la santé publique. Les sanctions prévues pour la femme qui se fait avorter ou tente de le faire sont de six mois à deux ans d’emprisonnement et une amende de 360 à 7 200 francs de l’époque. L’avorteur, membre du corps médical, outre la condamnation pénale, se voit interdire définitivement ou temporairement (cinq ans minimum) l’exercice de sa profession. Toutes celles et tous ceux qui auraient, directement ou indirectement, agi dans l’intention d’aider la femme ou l’avorteur sont considérés comme complices. Les peines prévues sont en principe les mêmes que pour le délit lui-même.
- 500 000 spectateurs et spectatrices au total selon Marielle Issartel.
- René Frydman, L’irrésistible désir de naissance, Paris, PUF, 1986, p. 31.
- Charles Belmont et Marielle Issartel, Histoires d’A, Paris, Stock, 1974, p. 41.
- « Une expérience exceptionnelle : Histoires d’A. Entretien avec Charles Belmont et Marielle Isssartel », Cinéma d’aujourd’hui, n° 5-6, 1976, p. 117.
- « Le GIS, ou Groupe Information Santé, a été créé par des médecins maoïstes intéressés au problème de la santé lié à celui des conditions de travail. Le but du GIS (qui s’est élargi à des paramédicaux et usagers de la médecines) étant de participer aux luttes pour “l’amélioration des conditions de vie” en révélant le caractère social de la maladie et la dimension sanitaire de l’économie et du travail. Le GIS est ainsi intervenu directement auprès des mineurs, dans le Nord, appliquant cette idée gauchiste selon laquelle il faut militer sur son propre terrain, dans son secteur, plutôt que d’être parachuté au hasard des combats. » (« Propos de Charles Belmont et Marielle Issartel », Écran 73, n° 20, décembre 1973, p. 66). Sur l’histoire du GIS, voir Emmanuelle Reynaud, « D’autres problèmes sociaux, d’autres formes d’organisation politique, le cas de la santé », Rapport pour le Centre national de la recherche scientifique, Centre de sociologie des organisations, février 1978, p. 104-214.
- Écran 73, op. cit., p. 66.
- Le principe de cette méthode est d’aspirer le contenu de l’utérus, plutôt que de racler les parois de celui-ci. Elle est conçue par une commune populaire chinoise au début des années soixante, la technique s’améliorant progressivement. Parallèlement, les pays de l’Est l’adoptent, avant qu’elle ne soit introduite dans les pays occidentaux grâce à Karman. Ce psychologue de Los Angeles conçoit à son tour un matériel en plastique, extrêmement simple, qui permet d’interrompre une grossesse de moins de deux mois et demi, en quelques minutes, sans anesthésie générale (et donc sans hospitalisation), de façon très peu douloureuse et beaucoup moins traumatisante pour l’utérus que la méthode de dilatation et de curetage. Les risques immédiats et secondaires sont quasiment nuls. La rencontre entre Karman et Pierre Jouannet a lieu dans l’appartement de Delphine Seyrig, en présence d’une vingtaine de militantes du Mouvement de libération des femmes. Jouannet assiste Karman pendant l’intervention abortive et apprend ainsi l’usage des instruments. Voir Sandrine Garcia, « Expertise scientifique et capital militant. Le rôle des médecins dans la lutte pour la légalisation de l’avortement », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 158, 2005/3, p. 108.
- Entretien de l’auteure avec Marielle Issartel.
- Film de fiction de Charles Belmont sorti en 1972, dans lequel des médecins du GIS étaient interviewés.
- Cinéma d’aujourd’hui, op. cit., p. 117.
- Histoires d’A, op. cit., p. 41.
- Bulletin spécial du Groupe Information Santé, Oui nous avortons !, 1973, p. 5.
- Oui nous avortons !, op. cit., p. 74.
- Comité pour la liberté de l’avortement et de la contraception, Libérons l’avortement, Paris, François Maspero, 1973, p. 4.
- Ibid.
- Histoires d’A, op. cit., p. 47.
- Voir Josette Trat, « L’Histoire oubliée du courant “féministe lutte de classes” », Femmes, genre, féminisme, Paris, Syllepse (« Les Cahiers de critique communiste »), 2007, p. 9-32.
- Oui nous avortons !, op. cit., p. 5.
- Histoires d’A, op. cit., p. 40-41. Un premier projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse (projet dit « Messmer-Taittinger-Poniatowski », très vivement critiqué par les militant·es du MLAC qui jugeaient cette loi « injuste, répressive, inapplicable et déjà caduque ») devait initialement être discuté à l’Assemblée nationale en décembre 1973, mais le parlement le renvoya en commission. C’est un nouveau projet de loi sur l’avortement qui est défendu par Simone Veil en novembre 1974 et qui est à l’origine de la loi autorisant l’IVG, promulguée le 17 janvier 1975.
- Écran 73, op. cit., p. 66.
- Histoires d’A, op. cit., p. 11. Ils déclarent par ailleurs dans un entretien : « c’est même une condition que nous avons posée au départ au GIS, car un film demande une responsabilité au niveau de l’organisation. Le travail a pris une forme plus collective à partir du moment où nous en sommes arrivés au stade d’une première continuité (si toutefois on peut parler de continuité dans ce genre de cinéma), à environ une heure trois quarts de montage : des gens du GIS sont alors venus, ont discuté avec nous non sur un plan cinématographique, ni forcément sur une image précise, mais sur le problème même de l’avortement, avec un certain nombre de questions tactiques qui se sont posées en fonction de l’impact du film, telles que volonté de dédramatiser l’avortement, nécessité de le faire admettre comme acte médical et même dans le cadre hospitalier, etc. » (Écran 73, op. cit., p. 66). Aujourd’hui, Marielle Issartel se souvient d’une discussion autour de la table de montage, pour écrire ensemble les phrases de commentaire du début et de la fin du film.
- Oui nous avortons !, op. cit., p. 5.
- Extraits des cartons à la toute fin du film.
- Histoires d’A, op. cit., p. 14.
- Écran 73, op. cit., p. 67.
- Jésus Labado, « Bilan d’un an de diffusion d’Histoires d’A », supplément à la revue Cinéthique, n° 17-18, 1974, p. 7.
- Histoires d’A, op. cit., p. 132.
- Écran 73, op. cit., p. 67.
- Ibid.
- Histoires d’A, op. cit., p. 10.
- Cela sera fait, un peu différemment, avec l’argent des projections militantes, explique Marielle Issartel : « D’habitude, ce sont les mouvements qui subventionnent les films, mais dans notre cas, c’est avec le film que nous voulions subventionner le mouvement ». (entretien cité)
- « La mobilisation massive menée sur plusieurs fronts par toutes les femmes et les hommes qui luttent pour la liberté de l’avortement dans toute la France devrait contraindre les forces de l’Ordre moral à accepter ce fait accompli. » voir Libérons l’avortement, op. cit., p. 4).
- Histoires d’A, op. cit., p. 29.
- Parmi ces femmes, on trouve des anonymes, mais aussi beaucoup de femmes jouissant d’une certaine notoriété dans le monde des lettres, des arts et du journalisme. Nombre d’entre elles – une sur dix environ – sont liées au cinéma.
- « Expertise scientifique et capital militant… », op. cit., p. 108.
- La répartition des votes est la suivante : 13 voix émettent un avis favorable avec interdiction aux mineur·es de 18 ans et 6 voix demandent une interdiction totale, auxquels il faut ajouter un bulletin blanc.
- Si la composition de la commission est largement différente (chaque membre de la commission a deux suppléants, ce qui permet, en cas de nouvel examen, de leur éviter de se déjuger), l’avis favorable est pourtant reconduit. La répartition des votes est cette fois la suivante : 12 voix (dont celle du président de la commission, Pierre Soudet) émettent un avis favorable avec interdiction aux moins de 18 ans et 12 autres voix se prononcent pour l’interdiction totale.
- Histoires d’A, op. cit., p. 27.
- La Croix, 10 novembre 1973.
- Histoires d’A, op. cit., p. 45.
- Histoires d’A, op. cit., p. 20.
- Histoires d’A, op. cit., p. 45.
- Les cinéastes sont les seuls et uniques producteurs d’Histoires d’A, avec leur société Riga Films, qui avait co-produit Rak et plus tard, produit seule Pour Clémence. Le film n’a coûté que 70 000 francs, explique Marielle Issartel, mais Charles Belmont s’est endetté auprès du laboratoire Eclair de 60 000 francs, sur ses fonds propres.
- Claude Nedjar, de Nef Diffusion, distributeur du film Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophuls, accepte, immédiatement après avoir vu le film, de prendre en charge les frais nécessaires à sa sortie (affiches, copies 35 mm, publicité), à Paris comme en province. Sans son engagement, la diffusion commerciale d’Histoires d’A aurait été impossible.
- Il faut aussi souligner le rôle auparavant décisif du directeur du CNC, qui aimait beaucoup les précédents films de Charles Belmont, et qui a anti-daté les dossiers d’agrément (les autorisations de tournage) pour que le film puisse obtenir un visa d’exploitation.
- Histoires d’A, op. cit., p. 20.
- Histoires d’A, op. cit., p. 43.
- Histoires d’A, op. cit., p. 17.
- Le MLAC regroupe des membres d’organisation, mandatés à titre personnel afin que les décisions puissent être rapides : Mouvement Français pour le Planning Familial, signataires des 331, GIS, MNEF, LO, LCR, Révolution, AMR, Syndicat des Travailleurs Sociaux, PSU, Centre Initiative Communiste, Confédération Nationale des Associations Familiales. Voir Monique Antoine, « Une histoire du MLAC », Le Féminisme et ses enjeux, Paris, Centre fédéral FEN/Edilig, 1988, p. 243-249 et Michelle Zancarini-Fournel, « Histoire(s) du MLAC (1973-1975) », Clio, n° 18, 2003, p. 241-252.
- Écran 73, op. cit., p. 67.
- Histoires d’A, op. cit., p. 30.
- La levée de l’interdiction est demandée avec tout un groupe de cinéastes militants. Voir le document « La fin de la censure politique en France ? » reproduit dans ce numéro.
- Marielle Issartel citée par Delphine Naudier, dans « Les Relais culturels du Planning familial (1956-1975) », Le Planning familial. Histoire et mémoire. 1956-2006, Rennes, PUR, 2007, p. 137.
- Serge Daney, « L’Espace politique (Histoires d’A) », La Rampe, Paris, Cahiers du cinéma, 1996, p. 52-53. Texte revu par l’auteur après une première publication dans les Cahiers du cinéma, n° 254-255, janvier 1974-décembre 1975, p. 33-36.
- « Bilan d’un an de diffusion d’Histoires d’A », supplément à la revue Cinéthique, n° 17-18, 1974, p. 5. « Même interdit, Histoires d’A joue parfaitement son rôle de prolongement d’une action militante ; il lui est même arrivé d’être le moteur de groupes débutants » (Histoires d’A, op. cit., p. 10-11).
- Dès 1971-1972, Carole Roussopoulos tourne la première version d’une bande vidéo intitulée Y a qu’à pas baiser, qui montre déjà un avortement pratiqué selon la méthode Karman. Une seconde version de dix-sept minutes est achevée en 1973. Mais les deux sont diffusés dans des circuits restreints (surtout lors d’évènements féministes ou dans des groupes femmes) en raison de la spécificité de leur support. Le court-métrage Liberté au féminin de Serge Poljinsky et Brigitte Almavy, tourné en 16 mm, date quant à lui de 1974. Dans les deux cas, on observe le même choix de filmer un avortement dans sa longueur, pour le dédramatiser.
- Cinéthique, op. cit., p. 5.
- On peut notamment y lire que « le MLAC se déclare solidaire de la lutte des travailleuses et des travailleurs pour leur émancipation contre l’exploitation, l’oppression et la répression dont ils sont victimes dans la société actuelle, de la naissance jusqu’à la mort » (Histoires d’A, op. cit., p. 144-147).
- Voir le tract d’appel du Comité pour la suppression de la censure, « Non à l’interdiction d’Histoires d’A ! », reproduit dans ce numéro.
- Voir l’enquête sociologique de Romain Leclerc, « Le Succès d’Histoires d’A, “film sur l’avortement”. Une mobilisation croisée de ressources cinématographiques et militantes (enquête) », Terrains et travaux, n° 13, 2007/1, p. 51-72.
- La Rampe, op. cit., p. 53.
- Sur le réalisme, op. cit., p. 92.
- Bertolt Brecht, Les Arts et la révolution, Paris, L’Arche, 1977, p. 150.
- Ibid, op. cit., p. 149.
- Entretien de l’auteure avec Marielle Issartel.
- Ibid.
- Dans Histoires d’A, la photographie (éclairages, cadres…) se révèle particulièrement soignée et on la doit au célèbre opérateur Philippe Rousselot. Devenu un grand professionnel, il a plusieurs fois été récompensé aux Césars et a même reçu un Oscar. La qualité du travail du preneur de son, Pierre Lenoir, mérite également d’être soulignée. Notons que Serge Poljinsky et Brigitte Amalvy font le choix contraire de la couleur dans Liberté au féminin.
- Entretien de l’auteure avec Marielle Issartel.
- L’urgence et les critères économiques ont par exemple contraint les cinéastes à adopter la forme documentaire pour les quatre-cinquièmes du film (seules quelques scènes de fiction ont été tournées), alors que, si cela avait été possible, ils auraient « sans doute poussé dans une voie de mélange avec la fiction qui aurait constitué davantage un pendant à la démarche de Rak » (Écran 73, op. cit., p. 66).
- « Les problèmes d’expression », dans Maison de la culture de Rennes, Cinéma et politique : Actes des Journées du cinéma militant de la Maison de la Culture de Rennes 1977-78-79, Paris/Rennes, Papyrus/Maison de la Culture de Rennes, 1980, p. 21.
- On reproche souvent au cinéma dit militant : « le triomphalisme, le suivisme, le volontarisme, le dogmatisme », « la profusion des cartons [qui] rend parfois les films fastidieux ou lourdement démonstratifs » (Guy Hennebelle, « L’irrésistible ascension du cinéma militant », Écran 74, n° 31, décembre 1974, p. 53).
- On lui reproche de « souffrir de loghorrée parce qu’il repose de façon trop exclusive sur des interviews ou encore sur le recours à un commentaire » (Éric Pittard, Cinéma et politique, op. cit., p. 21).
- La Rampe, op. cit., p. 54.
- Écran 72, n° 6, juin 1972, p. 65.
- Cinéma d’aujourd’hui, op. cit., p. 117.
- Écran 73, op. cit., p. 67.
- Cinéma d’aujourd’hui, op. cit., p. 117-118.
- Le commentaire, au début et à la fin du film, est une concession faite aux militant·es du GIS, et les cinéastes disent aujourd’hui ne pas en être très satisfaits.
- Cinéma d’aujourd’hui, op. cit., p. 118.
- Écran 73, op. cit., p. 66. Jean-Luc Godard, à l’occasion des Carabiniers (1963), prétend emprunter à Brecht la formule : « Le réalisme, ce n’est pas comment sont les choses vraies, mais comme[nt] sont vraiment les choses » (Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, Paris, Cahiers du cinéma/Éditions de l’étoile, 1985, p. 238). Si l’idée lui est en effet fidèle, il ne s’agit pourtant pas d’une citation exacte.
- Selon Brecht, « Réaliste veut dire : qui dévoile la causalité complexe des rapports sociaux ; qui dénonce les idées dominantes comme les idées de la classe dominante ; qui écrit du point de vue de la classe qui tient prêtes les solutions les plus larges aux difficultés les plus pressantes dans lesquelles se débat la société des hommes ; qui souligne le moment de l’évolution en toute chose ; qui est concret tout en facilitant le travail d’abstraction. » (Sur le réalisme, op. cit., p. 117).
- Cinéma d’aujourd’hui, op. cit., p. 117.
- Histoires d’A, op. cit., p. 12.
- Histoires d’A, op. cit., p. 47.
- Extrait de la bande son du film.
- Ibid p. 53.
- « Bien pris au piège, l’exploité-consommateur compense symboliquement ses manques en collaborant à l’ordre qui le maintient en servitude, il vit et il meurt dans l’irréalité perpétuelle de ce qu’il a fait, de ce qu’il désire et de ce qu’il a » (Tony Duvert, Le Bon Sexe illustré, Paris, Éditions de Minuit, 1973, p. 16).
- René Frydman raconte : « À la question : “Pourquoi la petite n’a-t-elle pas gardé l’enfant ?”, la mère répond : “Je ne voulais pas qu’elle se marie.” “Pourquoi ? Est-elle trop jeune ?” “Non, mais parce que lui c’est un Rital !”. Je tombais des nues. Je connaissais le racisme anti-noir, anti-arabe, mais anti-“rital”, non. Quelle contradiction ! Cette apparente tolérance, qui semblait reconnaître la libre disposition du corps de la jeune fille, s’accompagnait en fait d’une étroitesse de vue pour le moins déconcertante. » (L’Irrésistible Désir de naissance, op. cit. p. 31-32).
- Histoires d’A, op. cit., p. 85.
- Les Arts et la révolution, op. cit., p. 173.
- Y compris pour de jeunes réalisatrices comme Mariana Otero qui a intitulé son film Histoire d’un secret en hommage direct au film de Charles Belmont et Marielle Issartel, dans lequel cette dernière joue d’ailleurs un petit rôle. Voir Le Style dans le cinéma documentaire, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 71-137.
- Serge Daney, « Le Direct en six images », Cahiers du cinéma, n° 323-324, mai 1981, repris dans La Maison cinéma et le monde. 1. Le Temps des Cahiers 1962-1981, Paris, POL, 2001, p. 371.
- Les Arts et la révolution, op. cit., p. 170.
-
Histoires d’A
1973 | France | 1h25
Réalisation : Charles Belmont, Marielle Issartel
Publiée dans La Revue Documentaires n°22-23 – Mai 68. Tactiques politiques et esthétiques du documentaire (page 181, 1er trimestre 2010)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.022.0181, accès libre)