Images Plus

Rencontre avec Dominique Renauld

Michael Hoare

Je suis directeur d’Images Plus, télévision située à Épinal, département des Vosges, depuis décembre 1993. Auparavant, je m’occupais du département Formation Aide à la Réalisation avec pour objectif de permettre à tout le monde d’utiliser les moyens vidéo.

Images Plus est née en 1990 et desservait trois communes à l’origine. Aujourd’hui, nous diffusons sur dix communes de l’agglomération d’Épinal à destination d’environ 16 500 foyers câblés, avec un taux de pénétration de 56 %.

Au niveau de sa structure juridique, Images Plus est une association 1901 qui regroupe les différentes communes desservies. Le budget annuel est d’un peu plus de cinq millions de francs pour vingt salariés. Les ressources proviennent des communes pour environ 35 %, des deux câblo-opérateurs (Lyonnaise Câble et Est Vidéopole) pour 20 %, le reste provenant d’un autofinancement via la publicité, le parrainage et la prestation de services.

L’engagement sur la coproduction de documentaires originaux

Lorsque j’ai pris les fonctions de directeur à Images Plus, il y avait un dossier sur une coproduction avec Yenta qui n’était pas totalement abouti. J’ai rencontré François Chilowicz. Nous avons discuté du documentaire sur lequel Images Plus était engagé, c’était un documentaire sur Jean Saltel, un écrivain et poète vosgien. Dans la conversation, François Chilowicz m’a fait part d’autres projets qu’il avait dans les Vosges et ailleurs. Il m’a parlé un peu du documentaire et des problèmes qu’il rencontrait, comme d’autres producteurs, pour trouver des diffuseurs. À partir de là, nous avons discuté de ce que pouvait être l’apport et l’intérêt d’Images Plus à avoir ce type de programme. Et comme à ce moment-là on avait besoin de programmes autres que notre propre production, nous nous sommes rapidement accordés pour essayer de développer ces productions. C’était en 1994, année où j’ai également rencontré Dominique Pailler d’lo Productions.

Je me suis engagé dans les documentaires pour plusieurs raisons. La première partait du constat de l’état du documentaire en France et des difficultés qu’avaient certains producteurs de trouver les moyens pour réaliser des films, et notamment pour des projets émanant de jeunes réalisateurs. Et dans la mesure où en tant que chaîne locale je pouvais permettre à certains documentaires de se développer, c’était quelque chose qui me semblait intéressant, qu’une télévision locale joue un rôle dans la production documentaire en France me semblait quelque chose d’important, et pour les télévisions locales et pour le documentaire.

Le deuxième point, c’était par rapport au personnel qui travaillait à Images Plus ; c’était de se dire que le travail sur d’autres formats, sur d’autres types d’écriture pouvait être intéressant, pouvait offrir une ouverture pour le personnel.

Images Plus a toujours été un lieu de passage et de formation pour son personnel. Ils travaillent surtout dans des formats news. Le documentaire long, c’était un nouveau format, une nouvelle écriture qui pouvaient leur être proposés. Dans les projets de départ, Images Plus était également un lieu de proposition de documentaires. On pouvait amener des projets.

Le troisième point, c’est que même par rapport aux documentaires en tant que tels, par rapport à ce qu’ils racontent, par rapport à cette ouverture sur le monde qu’ils constituent, sur ce qui nous entoure, sur les gens qu’on peut côtoyer ou qui sont loin de nous mais qui peuvent nous parler, ce type de programme me semblait intéressant à diffuser sur Images Plus, d’autant que dans les services de base distribués à Épinal, il n’y avait ni Planète ni à l’époque Odyssée. La proposition documentaire pour les abonnés au câble étaient relativement limitée. Je me disais que c’était une opportunité.

Pouvez-vous me donner une idée du nombre d’heures par semaine ou par année que vous avez programmé ? Il y avait une montée en puissance ?

Nous avons commencé par un documentaire par mois. Nous avons signé des conventions pour douze documentaires sur l’année. Et c’est vrai qu’ensuite nous sommes montés en puissance et avec le système des rediffusions, multidiffusions plus l’apport des autres chaînes locales appartenant à Label, nous sommes passés à un documentaire par semaine en multidiffusion.

Après les premiers contacts avec Chilowicz et Pailler en 1994-1995, pouvez-vous parler de l’évolution ?

C’était tout de même, pour eux, travailler avec une autre économie d’échelle. Il est certain que les budgets consacrés au documentaire signés par Image Plus n’avaient rien à voir avec certains budgets proposés pour d’autres documentaires. Il y a eu des ajustements qui ont été faits assez rapidement. Au départ, pour simplifier les choses, il était prévu quinze jours de tournage, quinze jours de montage par film. Très rapidement, nous nous sommes aperçus, en voyant les résultats, qu’il ne fallait pas rester dans ce cadre-là. Certains projets avaient besoin d’un peu plus de temps, d’un peu plus de moyens. Des ajustements ont été effectués, surtout de leur part, pour essayer de trouver d’autres sources de financements pour que les projets puissent véritablement se développer dans de meilleures conditions. Parce que c’est vrai que dans la première série de douze, il y a eu des films ratés, c’est clair. Il y avait quelques films pas très bons, d’autres honnêtes mais déjà un ou deux bons films.

Et, aujourd’hui, vous coproduisez à quel rythme ?

Nous sommes aux alentours d’une vingtaine de documentaires par an, mais avec une grande diversification de sociétés de production. Au départ, nous avons travaillé quasi exclusivement avec Yenta et lo, ensuite sont arrivées La Lanterne, Gloria Films, La vie est belle, et aujourd’hui je reçois quasiment un dossier par jour. Ce qui pose tout de même un problème de temps pour lire et étudier les dossiers.

Le documentaire original correspond à quel pourcentage de votre programmation ?

Notre production propre par semaine, c’est entre six et sept heures, et le documentaire c’est cinquante-deux minutes. À côté, il doit y avoir une heure en plus de programme extérieur.

Les changements des règles et l’apport en argent frais

Parlons de cette modification des règles du Cosip. L’aide à 0,7 reste en place pour les diffuseurs qui mettent un million de francs la minute en cash dans le plan de financement, pouvez-vous le faire ?

Nous ne pouvons pas, non. Nous souhaiterions pouvoir le faire.

L’effet de cette baisse à 0,5, ça va être quoi ?

Ça va être une baisse de la production. Il y a certains films qui ne pourront plus se faire, ou qui se feront beaucoup trop mal. C’est-à-dire, on se rend compte quand même avec les années que s’il n’y a pas un minimum de moyens, le film ne peut pas se faire correctement. Cette baisse va avoir surtout cette conséquence-là. Cela n’entraînera donc pas la mort des télévisions locales, mais peut-être la chute de certaines sociétés de production. Je trouve cela dommage. Il est clair que certains films ne pourront plus se faire.

Vous ou votre association, vous n’avez pas été consultés sur cette réforme ?

Non. Nous n’avons que très peu de rapports directs avec le CNC.

La possibilité d’augmenter les ressources des chaînes locales, notamment par l’ouverture à la publicité de grande distribution, qu’est-ce que vous en dites ?

Je dis que nous aurions tout intérêt à y aller. Tout le monde s’accorde pour reconnaître l’importance des télévisions locales là où elles existent. Les télévisions locales jouent un véritable rôle au niveau de l’information locale, au niveau du pluralisme de l’information, au niveau de la citoyenneté. Toutes ces télévisions connaissent une audience forte parce qu’elles répondent à des besoins non satisfaits par ailleurs. Maintenant, il est certain qu’au niveau des financements, si Images Plus a réussi jusqu’à présent à avoir un taux d’autofinancement assez important, il n’est pas sûr qu’on puisse continuer de la même façon à maintenir ce taux d’autofinancement. Et la clarification de nos rapports avec la grande distribution serait la bienvenue. Je ne sais pas si, concrètement pour Images Plus, cette ouverture nous apporterait beaucoup plus d’argent. Mais cela rendrait les rapports beaucoup plus simples et clairs.

Je discutais avec un de vos collègues qui disait que c’était dangereux de se mettre en état de dépendance vis-à-vis d’un bloc de financeurs de ce type-là.

Bien sûr, mais cela peut être aussi dangereux de se mettre à la merci de ce bloc de financeurs que sont les collectivités locales. Les collectivités locales ont tout intérêt à ce que les télévisions locales trouvent leurs propres sources de financement. La grande distribution n’est pas présente par une seule enseigne dans les différentes communes. Nous pouvons travailler avec plusieurs groupes. Maintenant, c’est certain que nous ne sommes pas toujours en position de force ; mais je ne vois pas comment nous pouvons faire autrement. Si les collectivités doublaient les subventions qu’elles nous octroient, nos rapports avec elles pourraient être plus difficiles aussi.

Il y a d’autres propositions financières, une baisse du taux de la TVA, on est à 20,6 %. Et si nous pouvions nous aligner sur la presse locale, cela serait un bonheur. Il y avait aussi l’idée d’un fonds de développement, à l’instar de ce qui se fait dans la radio où il existe un fonds pour des radios à faibles ressources publicitaires. Le CSA a donné un avis plutôt favorable. Maintenant, c’est le gouvernement et le parlement qui trancheront.

Dans la nouvelle loi sur l’audiovisuel, il y a déjà une avancée. II n’existait pas encore de texte de loi donnant la possibilité aux collectivités locales de financer un canal local. Nous étions dans une zone floue. Après la première lecture, cet amendement a été accepté. C’est déjà une avancée, une reconnaissance.

Quels rapports avec les producteurs et réalisateurs

J’ai très peu de rapports avec les auteurs directement. J’ai plus de rapports avec les producteurs. Pour moi, ce sont des rapports de confiance qui doivent s’établir. Je le dis, je l’ai déjà dit aux producteurs et à certains auteurs qui m’appellent : être commanditaire de documentaires n’est pas mon métier. Le documentaire est arrivé comme ça. C’est sûr que je peux avoir un regard sur ce qu’on me propose. Mais, en lisant un dossier, en n’ayant aucun contact avec le réalisateur, j’ai du mal à me faire une idée de ce que va devenir le projet. Ce sont des discussions avec les producteurs qui défendent leurs films qui m’aident à déterminer des choix.

Est-ce que cette idée, qui était belle au départ, de contact entre votre personnel et les réalisateurs, s’est réalisée comme vous l’imaginiez ?

Non, ça a marché dans les premières années et après ça s’est fait plus rare. Il y a du personnel qui est parti en tournage, j’ai du personnel qui a fait de la postproduction. Maintenant, nous continuons à le faire, mais d’une manière beaucoup plus ponctuelle. C’est vrai que dans le développement des télévisions locales dont tout le monde connaît les problèmes de financement, nous n’avons plus autant de temps à consacrer à tout ça.

Sur l’ensemble du travail que vous avez fait depuis six ou sept ans maintenant, quel bilan tirez-vous ?

De notre côté, je suis satisfait, parce que je pense que cette collaboration, ce partenariat avec différentes maisons de production a permis à certains films de se réaliser. Pour moi, il y a une nécessité de programmes aussi, mais à aucun moment, je ne cherche une exclusivité quelconque quant à la diffusion des films documentaires. Et ce que je souhaite le plus au monde, c’est que ces films trouvent une deuxième vie, voire une première, avec des diffusions beaucoup plus larges. Dans la série de films qui ont été réalisés avec la participation d’Images Plus, il y a quelques films qui ont eu une carrière intéressante et cela a permis à certains réalisateurs de se faire la main et maintenant d’avoir une carte de visite. Ce sont des points plutôt positifs.

Propos recueillis le 30 août 1999 et mis en forme par Michael Hoare.


Publiée dans La Revue Documentaires n°15 – Filmer avec les chaînes locales (page 111, 2e trimestre 2000)