Le réaménagement du compte de soutien

Introduction du débat

Annie Tresgot

L’aide à la production est gérée par le Centre national de la Cinématographie. Elle est accordée différemment suivant que le film est destiné au cinéma ou à la télévision.

Au cinéma

Le film documentaire destiné au grand écran relève du régime général. Une taxe parafiscale est prélevée sur les recettes dans les salles et constitue le Fonds de soutien à l’industrie cinématographique. Chaque billet vendu génère pour le producteur du film un crédit qu’il pourra réinvestir dans une prochaine production (tous genres confondus), sous condition de présenter un dossier technique et financier conforme aux réglementations en vigueur. C’est le soutien automatique.

L’autre forme d’aide est bien connue. C’est le soutien sélectif sur scénario, avance sur recettes pour les longs-métrages, subvention pour les courts-métrages.

Pour de multiples raisons, très peu de documentaires sont encore produits de cette façon et diffusés en salle.

A la télévision

En 1986, le CNC a mis en place un organisme destiné à soutenir financièrement la production de programmes de télévision qui s’appelle maintenant le Cosip (Compte de soutien aux industries de programmes de l’audio-visuel). Le processus s’inspire au départ du système d’aide au cinéma, mais le Cosip, lui, est alimenté par une « redevance » des diffuseurs ( chaînes de télévision et câbles ayant plus de 100 000 abonnés). Il est destiné aux producteurs indépendants qui co-produisent avec les diffuseurs.

Les postulants doivent justifier de l’accord d’un diffuseur et faire agréer le montage financier de leur projet par la commission du COSIP, moyennant quoi ils bénéficient, après la première diffusion du programme, d’un crédit automatique à réinvestir dans une prochaine production télévisuelle selon le même processus.

Ce mécanisme de soutien automatique s’applique aux films de fiction et d’animation. Pour les documentaires, s’est posé dès le départ le problème de la définition du genre. En effet, la masse de programmes assimilables, de près ou de loin, au documentaire (actualités, direct, magazines, sport etc.) risquait de ruiner le Cosip. Seuls les documentaires « de création » étaient donc retenus par la commission du Cosip, sur étude des dossiers. Il s’agissait d’un soutien sélectif; aucun documentaire, jusqu’à fin 1992, n’engendrait, à la diffusion, de crédit de réinvestissement automatique.

Les documentaristes se sont émus de cette injustice. La SRF et la Scam ont créé en commun une commission qui a travaillé avec les représentants du CNC au réaménagement du Compte de soutien, de façon à faire bénéficier de l’automaticité les documentaires de création.

Le CNC a posé d’emblée le principe du réinvestissement rapide, par les producteurs, des crédits générés par la diffusion de leurs films, afin d’assurer une rotation normale du compte automatique. Or, une spécificité du documentaire de création est d’être souvent produit par des sociétés artisanales, qui élaborent longuement les films et produisent peu. La nouvelle réglementation risquait de favoriser les « grosses » sociétés, au volume de production important. Les discussions avec le CNC ont porté pour beaucoup sur la préservation de cet aspect capital de la production documentaire. Les points retenus sont essentiellement les suivants :

  1. Pour chaque société de production, accès au Compte de soutien automatique dans des conditions « raisonnables », c’est-à-dire après première diffusion annuelle d’un nombre limité d’heures de documentaires de création générant un certain montant d’aide. Ces chiffres ont fait l’objet de laborieuses tractations. Le crédit plancher donnant accès au soutien automatique est fixé à 500 000 francs, c’est-à-dire plus ou moins deux heures trente de programme suivant les coûts de production.
  2. Possibilité pour les « petites » sociétés, d’associer leurs crédits respectifs sur une opération groupée. (L’apport propre du ou des producteurs ne peut être inférieur à 15 % du coût du film, ou de la part française.)
  3. Maintien du soutien sélectif sur dossier, pour toute société ne pouvant bénéficier du soutien automatique. Toutefois le montant du soutien sélectif est inférieur à l’automatique en raison du déficit de ce fonds.
  4. Maintien de l’exclusivité de l’aide aux seuls documentaires de création. Une définition est en cours d’élaboration.
  5. Perméabilité des genres (fiction, animation et documentaire) dans le cadre de l’aide automatique.
  6. En cette première année de soutien automatique aux documentaires les diffusions de 1992 seront prises en compte. Pour les sociétés n’atteignant pas le plancher de 500 000 de crédits générés un rattrapage est prévu si elles totalisent 6 heures de premières diffusions sur 1990, 1991, 1992.

La Commission de Bruxelles a accepté ces réformes dans la mesure où le système a été « européanisé » par l’attribution de points aux divers éléments du film selon leur nationalité (arrêté du 21 mai 1992).

Enfin l’aide sélective à l’écriture financée par le CNC hors Cosip peut être maintenant assortie d’une aide au développement des projets.

Annie Tresgot, Société des réalisateurs de films (SRF)


Publiée dans La Revue Documentaires n°7 – La production (page 9, 1993)