Les Ateliers Varan

L’enseignement du documentaire

À l’origine, le cinéma était documentaire: il avait été inventé pour examiner les mouvements et les fonctionnements de la vie (Muybridge, Marey, Lumière). Quand cette invention fut détournée vers les studios (souvent pour notre plus grand bonheur), le cinéma documentaire a, quant à lui, poursuivi inlassablement l’exploration du réel, relatant les aventures vécues, faisant découvrir des civilisations et des univers inconnus ou plus simplement montrant le quotidien environnant.

Il assumait à la fois un rôle informatif, pédagogique et expérimental tout en étant aussi un spectacle (Flaherty, Vertov, Grierson).

Après la guerre apparaît le « cinéma direct », tendance du documentaire dont nous nous réclamons. Rouch, Perrault, Rouquier, S. Clarke, Wiseman, Leacock et toute une génération de documentaristes à l’ORTF et à l’INA continuent à filmer la vie et l’imaginaire de leurs contemporains. Le cinéma direct est de toutes les expérimentations. Ses techniques et sa démarche ont inspiré un certain cinéma de fiction dont : Rossellini et le néo-réalisme italien, la Nouvelle Vague, le Cinéma Novo brésilien, Kramer et Cassavetes aux États-Unis…

Aujourd’hui, par les nouveaux réseaux de diffusion et grâce aux satellites, les images circulent de plus en plus vite. Mais trop souvent la concurrence et la surenchère font que les médias traditionnels ne s’attachent qu’à l’événementiel ou à la surface des choses. Beaucoup de réalités sont ainsi ignorées ou laissées pour compte.

De plus, la production et la diffusion télévisuelle, avec ses moyens propres, imposent un mode de travail, une esthétique et un point de vue sur le monde. Progressivement, l’œil, le regard et le point de vue de cinéaste sont écartés.

A Varan, nous parions encore sur un cinéma documentaire basé sur une vraie relation entre filmeur et filmé et sur un travail cinématographique de terrain, permettant aux spectateurs d’entrer plus intimement en contact avec la réalité vécue et d’avoir la distance nécessaire à la réflexion.

Le projet Varan réunit des réalisateurs, des techniciens de l’image, du son et du montage, ainsi que des producteurs qui défendent cette idée du cinéma documentaire.

Ils partagent leur temps entre le travail professionnel et l’organisation de cours et de centres à l’étranger, où ils transmettent leurs expériences et leurs pratiques respectives.

Ces stages sont organisés tant à Paris qu’à l’étranger, et visent à la création dans différents pays (Bolivie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Afrique du Sud, Philippines, Laos) , d’ateliers autonomes de formation et de production de cinéma documentaire.

De jeunes vidéastes, venus d’horizons divers, s’y approprient les outils audio-visuels, pour traduire et communiquer par l’image, une réalité quotidienne, une identité culturelle.

Ils deviennent ainsi les témoins de la vie, de son évolution et des transformations de leur pays.

Immergés dans leur réalité, ils nous rapprochent, le temps d’un film, des hommes et des femmes qu’on aperçoit en ombres fugitives sur nos écrans, à l’occasion d’un coup d’état, d’une révolte, d’un massacre, d’une catastrophe naturelle ou d’une guerre.

A travers sa base parisienne, Varan constitue déjà un réseau d’échanges, de circulation et de diffusion de ces images et une occasion pour les stagiaires et les membres des différents ateliers de se rencontrer.

Au fil des années, les Ateliers Varan se sont affirmés comme de véritables laboratoires, où des techniques, des idées et des démarches sont expérimentées dans le domaine de la réalisation documentaire.

À Paris jusqu’à présent, seule la pratique de l’enseignement a été développée. C’est pourquoi la nécessité d’une production spécifique émanant du groupe s’est imposée depuis à peu.

Des membres de Varan, d’anciens stagiaires auxquels sont associés d’autres réalisateurs intéressés par cette démarche, réalisent des films dans le cadre et l’esprit d’un travail d’atelier. Un nouvel espace de réalisation et de réflexion sur le documentaire se met en place.

Non-Lieux est le premier film d’une série consacrée à des réalités françaises, réalisé par les Ateliers de Réalisation Documentaire Varan.


  • Non-lieux
    1991 | France | 1h10 | Vidéo
    Réalisation : Mariana Otero, Alejandra Rojo
    Production : Yumi Productions, La SEPT

Publiée dans Documentaires n°2 (page 13, Mars-avril 1991)