Lettre aux producteurs

À l'attention du SPII et de l'Uspa

Mesdames et Messieurs les producteurs,

Jusqu’à présent nous travaillions ensemble. Aujourd’hui, en voyant vos réactions mitigées et ambiguës nous nous demandons si vous avez véritablement lu le protocole du 26 juin et si vous en avez bien compris l’enjeu.

Dans vos communiqués, vous parlez de certaines avancées. Par exemple, dans la lettre du 8 juin 2003, le SPI fait référence à l’accord FESAC 2000. Mais l’accord fonctionnait sur une logique calendaire que le protocole du 26 juin renie totalement.

Vous prétendez que cet accord pérennise les annexes 8 et 10. C’est faux. Il constitue au contraire un licenciement massif des professionnels de notre secteur.

D’une part, nos annexes étaient protégées par la loi du 2 février 2002, et ce jusqu’à conclusion d’un accord entre les partenaires sociaux. Un rejet de ce protocole ne mettait donc aucunement nos annexes en péril.

D’autre part, en fait de pérennité, selon Danielle Rivec (CFDT) les annexes 8 et 10 sont appelées à être renégociées en 2005. Mais comme ce protocole n’offrira aucune solution au déficit actuel, c’est une mort programmée de ces annexes qui aura lieu en 2005.

Vous demandez, avec le Ministre de la Culture, que tous les éléments de contrôle concernant les employés et les salariés ne restent pas lettre morte. Ces déclarations ne manquent pas de sel au moment où le gouvernement, sur pression du Medef, s’apprête à démanteler le corps des inspecteurs du travail

Vous déplorez que certaines mesures ne correspondent pas à la réalité de nos métiers. Mais nous le déplorons depuis de nombreuses années avec des conditions de travail et des salaires que nous avons supportés en vous faisant confiance. Et, c’est bien là ce qui nous empêche de comprendre votre silence sur cet accord dont l’absurdité et iniquité sont manifestes dès que l’on prend la peine de l’étudier.

Enfin, vous dites que la fragilisation des salariés intermittents engendrera mécaniquement une nouvelle augmentation du coût du travail. Mais vous êtes bien en dessous la vérité : les conséquences de cet accord, pour un grand nombre d’entre vous, seront purement et simplement catastrophiques si vous voulez continuer votre travail de producteur et ne pas être réduits à l’état de prestataire des diffuseurs, comme c’est déjà souvent le cas aujourd’hui.

Avec l’amputation des durées d’indemnisation que prévoit le nouvel accord :

  1. Sur quelles bases vont désormais se négocier les salaires des artistes, des techniciens, et des réalisateurs ?
  2. Qui va payer le développement et la préparation des projets ?
  3. Quelles conséquences auront les réformes conjuguées du Cosip et du système d’indemnisation-chômage des intermittents ?
  4. Pensez-vous que les sociétés de télévision vont combler le tarissement de cette source importante de financement de la production française que représentait le système d’indemnisation antérieur ?
  5. Pensez-vous que ces nouvelles donnes vont vous permettre de subsister et d’éviter la disparition des plus faibles d’entre vous ?

Concernant les projections et les applications de ce nouveau protocole, nous vous invitons à vous procurer les études réalisées par la coordination et à assister aux nombreuses réunions d’information organisées actuellement (jeudi 17 à la salle Olympe de Gouge, Paris, et vendredi 18 au cinéma le Panthéon, avec le SRF).

Ce protocole est une machine à exclure les professionnels. Pensez-vous faire les films sans nous ?

Pour apaiser la fronde actuelle et avant que cette tension ne produise un divorce irréparable, les techniciens et les réalisateurs apprécieraient de savoir que les producteurs partagent leurs inquiétudes pour l’avenir de la liberté de création et sont conscients des ravages que va provoquer cette nouvelle donne à tous les niveaux.

Cela commence par la dénonciation ferme de cet accord absurde et inégalitaire, à nos côtés.

Fait à Paris le 16 juillet 2003

Techniciens et réalisateurs de la Commission audiovisuelle
Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France

Addoc Association des cinéastes documentaristes


Publiée dans La Revue Documentaires n°18 – Global/local, documentaires et mondialisation (page 188, 3e trimestre 2003)