Quelques éclats entre devoir et mémoire

Serge Hajlblum

Histoire

Une histoire d’enfant, jeune, en consultation : il vient parce qu’il ne tient pas en place. Appelons-le Aurélien.

Un petit symptôme qui encombre l’ordinaire de la vie quotidienne: un de ces riens qui, à force, énerve, inquiète, voire même provoque des colères, insupportable renvoyant à l’insupportable au cœur des amours et tendresses filiales.

N’aurait été l’intelligence des parents qui sont venus consulter un psychanalyste pour ce presque rien.

Une longue consultation : et rien ni ne passe ni ne se passe. Le jeune garçon reste calme, très attentif au dialogue avec sa mère. Et, au bout du rien, je m’entends dire, certainement à prendre acte d’un non-lieu de l’entretien : s’il ne tient pas en place c’est, peut-être, qu’à sa place, il n’y est pas. Une forme d’énigme, un je ne sais quoi venant, peut-être, bousculer le presque rien.

Quelque temps plus tard son père vient. Seul. Encore un long entretien. Nous bavardons : avec son intelligence et son humour, son amour et sa tendresse pour ses deux enfants, ses nombreuses absences, ses voyages, nécessaires, de par le monde. Bercé par le rythme de sa parole, les images de tous ces cheminements, je m’imagine une carte du monde sur laquelle se dessinent ses parcours : traits qui se croisent, forment un filet tendu sur la planète; et, à un moment de mon vagabondage, un léger décrochage, comme un trou qui se figure du côté du Proche-Orient.

Est-ce à cause de cet écart ? Une phrase du père à propos de son fils : « quand il va chez ses grands-parents ». Je coupe: « pourquoi, ils habitent loin ? » Et le père de me répondre du tac au tac, dans cette forme d’esprit que je reconnais comme familière et faisant fond à ce qu’on appelle l’humour juif : « ils ont fait le parcours des juifs à Paris, d’abord vers la rue des Rosiers, ensuite vers les Grands Boulevards, enfin dans les beaux quartiers ». « Pourquoi, vous êtes juif ? » « Ça c’est une autre histoire ».

Le plaisir de la conversation de basculer dans des bribes de cette autre histoire; Varsovie, l’évasion du ghetto et, finalement, la France: des bribes, du peu, parce que la volonté a été imposée de n’en jamais parler et que le père n’en avait attrapé que des miettes glanées ici et là.

Et puis alors, pour l’aujourd’hui de ce temps de la consultation; les repas du petit-fils chez les grands-parents qui lui proposent de choisir entre de multiples mets préparés spécialement à l’occasion de ses visites : et l’enfant, quasi rituellement, de demander ce qu’il y avait de pas préparé, ce qu’il élaborait comme manquant à sa place sur la table dressée comme autel du nourrir, ce rien que la manne recouvrait, indiquait et cernait tout à la fois.

La volonté de silence, de se faire une histoire autre, de couper et reléguer un moment de vie, s’oppose de prime abord à une mémoire, s’oppose, par inversion, à ce que, de nos jours, on appelle le devoir de mémoire.

Sil y a une mémoire, nécessaire comme développement d’un savoir, dans quelle mesure s’accommode-t-elle d’une forme de devoir ?

Entendons-nous bien : il est hors de propos de mettre en question la nécessité de tout l’ensemble d’archives, traces, témoignages d’images, d’écrits ou de récits… mais il faut bien poser quelques repères permettant de situer cette dimension injonctive du « oublies versus souviens-toi » produisant le sujet comme déplacement ininterrompu.

C’est l’enseignement auquel nous force Aurélien. Pris entre le devoir de silence et cette mémoire d’effacement qui, dans sa geste, fait traces et donne épaisseur au silence, il lui est impossible de se tenir en place, c’est-à-dire en cette place assignée par ce qui se configure alors de silence soutenu et provoqué par l’effacement incessant de la mémoire convoquée par la dimension injonctive de cet effacement. De cette manière, ne pas tenir en place, c’est et ne pas cesser d’effacer et ne pas cesser de ne pas effacer 1.

Aurélien vient quelque temps après le rendez-vous du père. Je ne sais s’ils se sont parlé, ni comment. « J’ai quelque chose à te dire : j’ai fait un cauchemar. » Comme il n’arrive pas à le dire en mots, je lui propose de le dessiner. Il commente son croquis ainsi : il y a un ciel tout brouillé et là — en bas à gauche de la feuille : un grand rectangle avec des traits — y’a des tas de cadavres, et là — en bas à droite de la feuille : un petit rectangle avec une forme — y’a un mort.

Le cauchemar réalise le désir de débrouiller, de séparer le père mort de ce tas de cadavres gisant dans le silence imposé à la mémoire. Alors il est possible de soutenir ceci : pour les repas chez ses grands-parents, il voulait le plat non pensé, non préparé, manquant et sur la table et dans l’imaginaire, séparé de tous ce tas arrangé, par exemple sur quelque table — fosse commune du nourrir. Désir de séparer pour enfin se soutenir, se tenir dans la dimension de la fonction paternelle, dans la fonction de mort non identifiée à la production du cadavre dont il n’était pas sans savoir.

Aurélien savait. Trop.
… il faut maintenant désapprendre… 2

Vision ?

Une autre médiation, monumentale 3 : Shoah (le film), a fait plus que date, acte au regard et monument au regard d’une sorte de dilution de la shoah dans l’ensemble ainsi nommé : la seconde guerre mondiale 4.

Si l’ensemble des neuf heures du film met à plat une parole (se) faisant (d’une) image évidée, aussi de toute cette imagination des trémolos et repentances 5 , il n’en reste pas moins qu’il fabrique et donne à savoir une réalité à partir d’une théorie du témoignage comme mise à plat valant document pour archive. C’est cette théorie — en même temps théorie du savoir — qu’il est possible de mettre en battement avec d’autres effectivités de témoignages se proposant sous d’autres formes qui, précisément, sont omises 6 dans le film.

Il s’avère ici nécessaire de lire un des témoignages de K. Tzetnik dont les écrits débordent largement le cadre de ce mode d’archivisme en ce qu’ils vont, in fine, ouvrir la dimension du sujet, en ce sens très précis où il n’y est plus question d’un sujet qui témoignerait en tant que personne, mais où le témoignage fait effet de sujet qui revient sur le fait du témoignage même et le constitue comme acte débordant le récit d’archives. K. Tzetnik écrit, en témoignant et de cinq séances de narco-analyse au LSD conduites à Leyde en 1976 et de sa position de témoin : « Mais je savais bien que si je n’écrivais pas à la troisième personne je n’écrirais pas du tout. Et voici qu’ici, sans m’en apercevoir, pour la première fois, et dès la première ligne : “Je, je , je…” Comment ne m’en étais-je vas encore aperçu ? […] » 7. Le sujet surprend le moi et introduit un autre mode de témoignage dans lequel la position de sujet ébrèche la dimension imaginaire de la personne.

Toute aussi essentielle est aussi la forme de témoignage de Marek Edelman 8 qui traverse ses souvenirs de l’insurrection du ghetto de Varsovie. Je vais en extraire deux moments, parmi d’autres possibles. Tout d’abord, dans ce moment d’interview par Hanna Krall, on peut lire, entre autres, ceci : « Andrzej Wajda voulait faire un film sur le ghetto [de Varsovie]. Il dit qu’il utiliserait des images d’archives et qu’Edelman devrait tout raconter, face à la caméra. Il le raconterait dans les lieux où les choses se sont passées. Par exemple, dans l’abri du 18 de la rue Mila. Aujourd’hui, avec la neige, des enfants y dévalent un monticule sur leur luge. Ou devant l’entrée de l’Umschlagplats, près du portail ». Et cette proposition de se conclure ainsi : « Wajda pourrait faire son film dans ces lieux-là. Mais Edelman dit qu’il ne dira rien devant la caméra, car il n’a pu raconter tout ça qu’une seule fois et c’est déjà fait ». Wajda propose donc un ensemble de trois éléments : primo, des images d’archives concernant ces lieux — et, par incidence, il faut souligner que s’il existe des images concernant ces lieux juste avant et après l’insurrection du ghetto, il n’existe, à ma connaissance 9 quasiment aucune image d’archives concernant ce lieu en ce moment précis de l’insurrection -; secundo, des images de ce que sont, ici et maintenant, ces mêmes (?) lieux ; et tertio, une narration filmée. M. Edelman refuse : pas au nom de l’image, ce n’est pas ça qui est rapporté, mais au nom de ceci qu’il a déjà raconté, c’est le terme des traducteurs. Il pose ainsi qu’il a dit, et qu’un dire — qui n’est pas une narration — ne se répète pas en tant qu’il porte une dimension de vérité non identifiable à quelque réalité.

Ce qui est très frappant dans un autre moment de son interview par Hanna Krall : « S’il y avait eu des drapeaux, dit-il, eux seuls, les insurgés, auraient pu les planter, or ils ne l’ont pas fait. Ils l’auraient fait volontiers, si seulement ils avaient eu un peu de tissu rouge et un peu de blanc. Mais ils n’en avaient pas “ — Sans doute est-ce quelqu’un d’autre qui les a mis. Peu importe qui. — Ah bon ?, s’étonne-t-il, c’est fort ”. Cela dit, il n’a jamais vu aucun drapeau. Ce n’est qu’après-guerre qu’il a appris leur existence. — Mais c’est impossible. Tout le monde les a vus ! — Puisque tout le monde les a vus, c’est certainement qu’ils y étaient. Quelle importance, d’ailleurs. Ce qui compte c’est que les gens les aient vus » 10.

Il y a un dire vrai, qui, de poser du sujet, peut s’opposer à un récit quant à une réalité relevant plus d’une vision, personnelle ou pas. Qu’on n’aille pas lire à cet endroit un jugement de valeur en ce que l’un vaudrait plus ou moins que l’autre : mais se dégage un autre type de témoignage et de mémoire dans lequel le vu, s’il s’accorde et se noue aux fictions du narratif, s’avère absolument discordant d’avec un dire. Si aucun ne peut être posé comme certitude, leurs divers devenirs, monumentaux dans le vu 11 parole interrogative par le dire, accentuent leur disjonction.

Donc deux expériences du dire diamétralement opposées, qu’il est tout à fait possible de subsumer dans ce que M. Edelman conclut : « Quelle importance, d’ailleurs » , qui introduit une position de sujet bien différente de celle d’un récit, d’une personne. Qu’est-ce qui importe ? Entre ce que les personnes voient de ce qu’elles disent, entendent ce que d’autres disent qu’elles ont vu… de ce qu’elles disaient, c’est dans un principe du on-dit ramassé dans une sorte de rumeur qui mettrait en scène une disparition — se reporter à l’ancienne rumeur d’Orléans mettant en scène, rendant visible la disparition de femmes dans des boutiques tenues par des juifs — ou une apparition — ici les exemples sont maints et variés — qu’est-ce qui importe sinon de se tenir en écart du collage du vu et du parler (entendre).

Chez K. Tzetnik, le sujet surprend le moi qui écrivait jusqu’alors à la troisième personne, en traversant des séries de visions : il porte témoignage jusqu’à un extrême qu’Hannah Arendt rejette ainsi : « Le procureur appela à la barre un écrivain, bien connu de part et d’autre de l’Atlantique sous le nom de K-Zetnik — mot d’argot signifiant : détenu d’un camp de concentration — et auteur de plusieurs ouvrages sur Auschwitz ayant trait aux bordels, aux homosexuels et autres histoires présentant un intérêt humain. Il commença, comme il le faisait généralement en public, par expliquer pourquoi il avait adopté ce nom. Ce n’était pas un “nom de plume”, dit-il. “Je porterai ce nom jusqu’à ce que le monde prenne conscience de cette crucifixion d’une nation entière… comme jadis l’humanité s’est éveillée après la crucifixion d’un seul homme”. Puis ce fut une petite excursion dans les astres : l’étoile qui influe sur notre destin comme l’étoile de cendres d’Auschwitz, est devant nous, elle irradie notre planète ? » 12. Chez Marek Edelman, c’est dans le peu d’importance accordée aux significations — à ce qui serait des réalités — que du sujet trouve sa place au titre d’un dire, une fois.

Je soutiens, en tant que spectateur et lecteur, que si ces témoignages n’apparaissent pas dans Shoah (le film), c’est que l’effet sujet est non pas omis, mais refusé parce que signifié par avance de manière à parer toute élaboration d’un dire qui ébrécherait cette fiction d’un récit qui ajusterait le vu et l’entendu. C’est dans un tel ajustement que germent toutes les falsifications 13.

Flashes. Jochen Gerz

Mettre en œuvre le jeu entre le voir et le dire, provoquer l’écart dans ce collage, tel est, dans un certain sens, le travail de Jochen Gerz où ce qui est donné au voir ne cesse de disparaître, d’une manière ou d’une autre, pour laisser place à ce qui ne cesse de se ré-interroger, de se dire et de s’inscrire, de quelque manière que ce soit ; le monument aux morts de Biron est vivant en ce que s’ajoutent au monument même, et pourront toujours s’y ajouter, même et surtout en-dehors de l’espace prévu, réservé au monument, des plaques écrites des réponses à la question, que pensez-vous de la guerre ? Les 127 plaques couvrant le monument — réplique exacte de l’ancien monument aux morts — sont écrites des réponses des 127 habitants de plus de 18 ans habitant Biron : les autres réponses, à venir, seront écrites des réponses que les jeunes donneront à cette question posée par les anciens. Art de mémoire, art de la parole et de la vie, art de la signature. C’est dans le même esprit d’une question « WHY » qu’il a présenté son projet de monument à la Shoah pour Berlin et qu’il a réalisé le repavement de la place du château de Sarrebruck.

Nul ne voit. Chacun peut savoir.
De l’illégal à l’officiel de l’invisible.
Est-il une signalétique qui dise ce sur quoi le passant marche ?

Par exemple, le Monument (Mahnmal) invisible, dont le titre final est 2160 pierres 14. Pour ce monument, il s’agissait de repaver en partie la place du château de Sarrebruck avec des pavés ayant chacun en suscription tournée contre terre 15 le nom d’un cimetière juif existant au début du Ille Reich. Pour ce faire, Gerz a choisi, en premier lieu, d’aller au plus loin dans l’illégalité avec ses étudiants de l’école des beaux-arts de Sarrebruck. Cet acte illégal — aucune autorisation n’ayant été demandée au parlement régional dont ce château est actuellement le siège après avoir été celui de la gestapo du Land de Sarre — prenait sens de ce que le racisme était, et est toujours dans certains lieux, légal. En un second temps, il s’est agi, en demandant à chaque communauté juive d’Allemagne, de faire la recension des cimetières, d’en établir la liste, de les dénombrer et de retourner cette liste à toutes les communautés juives : de la faire savoir. Et, dans un troisième temps, de contraindre le législateur, par une délibération suivie d’un vote au cours du travail de construction, de donner son accord pour un tel monument invisible.

On se promène, on s’aime, on festoie, on boit, on bavarde, on pisse même sur ce pavement dont le passant ne sait ni ne voit que parmi les 8000 pavés de la place, 2160 sont écrits de noms de cimetières. Et quand bien même on le saurait, et ça se sait aujourd’hui… mais plus tard ? Nul ne sera jamais à même de savoir sur quel pavé il marche. Mais cette question, sur quoi/qui marche-t-on, importe.

Tout ce travail de la disparition pour contrepoint le parler, le dire qu’il suscite. Il s’agit moins de montrer la disparition que d’en provoquer un ensemble, évidemment jamais clos, de paroles rendant à la disparition et son effectivité et son actualité. Il ne s’agit donc plus de montrer et de voir, pas plus que d’entendre, mais il est question d’une suscitation au parler et au dire : la provocation de la disparition trouve sa réponse dans une obligation à en dire.

Alors, s’il est possible de penser que le devoir de mémoire entendu comme travail de disparition anime le travail de Jochen Gerz, cela nous oblige à une tierce solution, eu égard au double sens de l’injonction de mémoire/oubli. Tel est ce qu’on peut saisir du monument de Hambourg 16. « Une colonne de douze mètres à section carrée (Im x Im), recouverte d’une épaisseur de plomb sur laquelle les passants sont invités à graver leur signature, et qui descend progressivement dans le sol à chaque fois que la surface accessible est entièrement recouverte par les signatures. À la fin, à la dernière signature, le monument aura disparu. » 17

Et ce travail fait cruauté 18 en ce qu’il ne cesse de remettre au jour la violence de la mémoire évadée de son cantonnement au savoir. La question ainsi posée n’est pas tant de savoir, de fabriquer un autre savoir, mais d’en produire un jeu comme mémoire effective. Jusque dans la violence déchaînée : Jochen Gerz et Esther Shalev-Gerz ont été surpris par la violence qui s’est inscrite sur le monument, comme en guise de signature, alors qu’ils pensaient que les passants allaient signer sur le plomb. L’effacement est inscription, marque, et nul n’en a jamais terminé de le re-marquer. L’effacement est l’écriture et la signature.

A mettre en œuvre la mémoire comme devoir, on la transforme nécessairement en monument voué à sa dissolution dans la décence du visible et la bienséance de l’audible.

Mais il est des civilités intenables et dans le corps, et dans la parole, et dans l’image.

Quel jeu ? Une exposition au musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris, sur le thème Yiddish ? Yiddish ! Le visiteur entre, passe la cour, prend son billet, monte les escaliers, va dans l’exposition permanente et, à un moment, se rend compte qu’il marche sur une moquette plutôt ocre où est inscrit, à intervalles réguliers, le mot Yiddish : il suit ce qui lui semble une indication, comme un fléchage, n’en finit pas de marcher sur le mot, et à force arrive à la fin, cherchant toujours le lieu d’exposition consacré au Yiddish, sait qu’il n’a fait que marcher sur le mot qu’on lui a fait piétiner, et le Yiddish et le mot Yiddish…

Á quelques pas de là, à Paris, au 52 rue René Boulanger, il est un lieu vivant : la Bibliothèque Medem*, fondée en 1928, soigneusement cachée pendant la Shoah, pour laquelle des hommes sont morts, avec un fond de plus de 20 000 titres d’ouvrages écrits en Yiddish…

La Bibliothèque Medem a été fondée en 1928 par une poignée d’immigrants juifs du Bund, elle ouvrit tout d’abord ses portes au premier étage d’un café, avec un fonds initial de 300 ouvrages. Son ambition: dans la grande tradition des mouvements révolutionnaires juifs d’Europe orientale, elle s’était donné pour but de mettre la culture à la disposition de la jeunesse ouvrière.

Au fil des ans, le fonds s’enrichit. La bibliothèque suit la production culturelle yiddish du monde entier. S’y côtoient les classiques de la littérature yiddish et les plus grands écrivains traduits en yiddish (Zola, Maupassant, Rabindranath, Tagore, Dostoïevski…)

Pendant l’Occupation, les 5 000 ouvrages de la bibliothèque sont dissimulés dans la cave de l’Arbeter Ring, et échappent ainsi à la destruction. À la Libération, la bibliothèque retrouve sa vocation de bibliothèque populaire.

Depuis les années 70, sa nouvelle fonction s’est fait clairement jour. La Bibliothèque Medem est devenue un centre d’étude et de formation, la principale adresse à Paris pour la transmission de la culture yiddish.

A l’heure actuelle, avec ses 20 000 livres et périodiques, la Bibliothèque Medem est la plus grande bibliothèque yiddish d’Europe.

Elle est régulièrement fréquentée par un public multiple : lecteurs dont la langue maternelle est le yiddish, enseignants, étudiants, chercheurs, historiens, journalistes, chanteurs, généalogistes.

www.yiddishweb.com


  1. Cf infra, à propos de Jochen Gerz.
  2. Charlotte Delbo : Auschwitz et après. Une connaissance inutile, p. 191, éd. de Minuit, Paris, 1970.
  3. Je reprends, mais en le détournant, ce qu’écrit Gérard
 Wajcman : « …de même, je crois, Shoah de Lanzmann n’est pas un document sur l’horreur, il appartient, en tant que film, à la Shoah. Ce sont là des “monuments” qui, d’une certaine façon, font partie de ce qu’ils “monumentalisent” », in L’objet du siècle, éd. Verdier, 11220 Lagrasse, 1998, chap. L’absence du XXe siècle.
  4. Ce qui était déjà promu dès le procès de Nuremberg : Par exemple: « Il est remarquable que les titres “crimes contre la paix”, “crime de guerre” et “crime contre l’humanité”, […] il est remarquable que cette trouvaille ne date que du tout dernier moment des travaux de la Conférence ». H. Meyrowitz, La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle, Librairie générale de droit et de jurisprudence, éd. R. Pichon et R. Durand-Auzias, Paris, 1960, p. 47.
  5. Signalons ici le débat que Derrida a réouvert avec W. Jankelewitch : le premier pose la question, qui a demandé pardon ? Et le second, qui peut accorder le pardon ? Dans le social d’aujourd’hui, on s’exprime beaucoup par repentance, mais on ne demande jamais pardon, c’est-à-dire qu’on ne laisse à personne, quel que soit son titre, la possibilité ou l’impossibilité de pardonner. La repentance est une manière littéraire de dire : s’cusez-moi !
  6. Peut-être pas volontairement. Mais, justement, la théorie sous-jacente à Shoah (le film) ne peut que produire une négation d’autres aspects qui ne font pas, eux non plus, appel au choc des photos.
  7. Surtout : K. Tzetnik 135633, Les visions d’un rescapé, trad. E. Spatz et M. Kriegel, éd. Hachette, Paris, 1987.
  8. Marek Edelman et Hanna Krall, Mémoire du ghetto de Varsovie, trad. Pierre Li et Maryna Ochab, éd. du Scribe, Paris, 1983. Ces citations sont extraites du chapitre « Prendre le bon Dieu de vitesse »
  9. Je me réfère là à l’ensemble des documents réunis au sein du film de F. Rossif De Nuremberg à Nuremberg.
  10. M Edelman,. op.cit.
  11. Je n’hésite pas à soutenir que Shoah (le film) est devenu — mais n’a-t-il pas été conçu et pensé ainsi ? — de l’ordre du monumental en ce sens de « Denkmal » : cf. infra à propos de J. Gerz. Mais ce qui est de l’ordre de l’image peut-il échapper à ce destin du monumental qui est une des formes du visible de la création : par un autre exemple, le dessin que remet l’Homme aux Loups à Freud ne s’inscrit-il pas lui aussi comme « Denkmal » ?
  12. Hannah Arendt.
  13. Je me réfère à Paroles à la bouche du présent. Le négationnisme : histoire ou plotique ?, sous la direction de Natacha Michel, collection Axolott, éd. Al Dante, Marseille, 1997.
  14. De fait, après cette interview dans Art Press, le titre est devenu 2164 pierres. Voir la photo de couverture de ce numéro.
  15. Il ne s’agit pas d’un retournement comme dans le cas d’une enveloppe retournée. Il n’y a pas le principe d’une dissimulation, mais d’une négativité monumentale (Mahnmal).
  16. Conçu avec Esther Shalev-Gerz.
  17. Cette lecture du travail de J. Gerz auquel il faut donc associer E. Shalev-Gerz, est basée sur son interview par Jacqueline Lichtenstein et Gérard Wajeman, Art Press, n° 179, ainsi que sur les sites internet, (par exemple http://www.galerie-anselm-dreher.com/Gerz_index.html) et sur ses ouvrages principalement édités à Actes Sud. La tour de Hambourg a disparu au bout de sept années.
  18. C’est ce que rapporte J. Gerz dans cette interview à Art Press de l’exclamation d’un représentant au parlement de Sarre.

Publiée dans La Revue Documentaires n°16 – Mémoire interdite (page 109, 4e trimestre 2000)