Réponses de Dieudo Hamadi

1- UNE DÉMARCHE ET/OU UNE DÉCISION

C’est le résultat d’une décision : je n’étais pas en mesure de payer un chef-opérateur, ni un ingénieur du son en tournant mon premier film, alors j’ai décidé de filmer seul. J’ai déjà tourné en équipe réduite.

2- TOURNAGE

  1. La toute première fois
    • a- Dans des conditions difficiles : je n’avais pas de producteur, pas d’argent.
    • b- Une Sony Z7 et un micro accroché à la caméra.
    • c- Après coup, j’ai pensé que c’était le dispositif qui se prêtait au mieux à l’histoire du film.
    • d- Je les ai d’abord montés seul, ensuite avec une monteuse. Le film a été montré dans plusieurs festivals.
  2. Différences et spécificités
    • a- Plus de souplesse, plus de discrétion… Mais aussi beaucoup de fatigue, beaucoup de responsabilités.
    • b- La petite caméra est une belle opportunité pour faire des films vite et bien.
  3. La caméra tourne
  1. Ce qui déclenche le geste de tourner :
    • a- Improvisation ou préparation ? Je dirai, c’est un peu de tout ça : je me prépare sur une scène, j’improvise sur une autre, je réagis sans trop réfléchir sur une autre encore…
    • b- Je cherche tout ça… Cela dépend d’un film à un autre.
    • c- Je choisi d’abord un sujet, ensuite un ou des personnages à même d’illustrer au mieux ce sujet ; enfin je me définis une direction que je m’efforcerai de tenir jusqu’au bout.
    • d- Une construction continuée.
  2. Quelle relation avec l’autre (filmeur/filmé) ?
    • a- Jusqu’ici je n’ai filmé que des gens qui m’ont inspiré une certaine empathie.
    • b- Droit à l’image : Autorisation.
    • c- Sincérité.
    • d- Retournement ? Oui.

3- L’IMAGE

  • a- Petite caméra en manuel.
  • b- Réglages ? Oui.
  • c- Un pied.
  • d- Une esthétique ? Absolument. J’ai toujours du mal à cacher ma nervosité quand je filme. Et cela transparaît littéralement dans chaque plan que je tourne à la main. Au début, ça me gênait beaucoup, mais à la longue j’en ai fait une marque de fabrique.

4- LE SON

  • a- Un micro intégré couplé à un HF.
  • b- Stéréo.
  • c- Évidemment. De toute façon, on ne peut pas toujours tout faire tout seul dans ce métier.
  • d- Un preneur de son ? Quand j’ai un peu plus de moyens.

5- LA PRODUCTION

  • a- Dialogue avec un producteur.
  • b- Je choisi seul le sujet, les personnages, l’histoire du film. Je discute ensuite avec le producteur de ces choix. Il m’arrive parfois de rectifier des choses après ces discussions.

6- LES RATAGES ET LES EXTASES

  • a- Extase ? Oui, quand je me fonds complètement avec ma caméra dans la situation que je filme.
  • b- Je n’ai jamais eu à choisir entre la vie et le cinéma à cause de cette configuration. Mais je suis passé à côté de plein de « belles » séquences à force de tourner seul. Un jour par exemple, en plein tournage, j’étais sûr de capter LA séquence du film que je faisais, quand tout d’un coup la batterie m’a lâché. J’avais une batterie de réserve, mais à 100 m de là, dans une voiture. Personne pour aller vite me la chercher. J’ai alors couru et à mon retour, LA séquence du film était passée. Ratée.
  • c- Timidité.

7- MONTAGE ET ÉCRITURE

  • a- Monter seul ? Non.
  • b- Retravailler le « direct » ? Oui. Pas sur le commentaire, mais un travail sur le son et la chronologie.

8- FIN DE LA SOLITUDE

Quand j’ai de quoi payer d’autres techniciens.

9- DIFFUSION

  • a- Rapport avec le public ? Un rapport varié. Parfois jouissif, plaisant, parfois difficile, pénible.
  • b- Présenter vos films ? Seul.

10- CONSÉQUENCES

  • a- J’ai parfois du mal à communiquer.
  • c- J’ai acquis une forme de liberté, de savoir-faire. J’ai un peu perdu l’esprit d’équipe.

Publiée dans La Revue Documentaires n°26-27 – Filmer seul-e (page 209, 2e trimestre 2016)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.026.0115, accès libre)