J’ai commencé à travailler en solo (réalisation/image/son) à l’apparition des caméras DV grand public. Nous les avons professionnalisées (conversion mini jack/XLR…) après tout sortes de tests avec plusieurs cinéastes (Christophe Otzenberger, Christian Poveda, Patrick Jan) dont certains étaient d’anciens photographes habitués à travailler seuls. Par ailleurs, nous étions tous déjà des opérateurs image. Les réalisateurs stricts qui se sont mis à l’image (souvent contraints) sont apparus plus tard.
Cette opportunité technologique coïncidait avec une diminution conséquente des budgets des tournages documentaires. Posséder sa propre caméra, c’est allonger le temps de tournage. Très vite, c’est devenu un moyen d’engager le tournage d’un projet avant même d’obtenir son financement. Dans certains cas, les images servent à “vendre” le projet à la chaîne TV (teaser, bande annonce), dans d’autres, c’est tout le film qui se fera sur le mode de l’autoproduction.
Le parent pauvre de ce mode de tournage est le son. Le décadrage provoque un dé-timbrage catastrophique. Le recours au micro HF cravate est un pis-aller et n’est pas toujours possible. L’image prend donc en considération les problèmes de son que les choix de cadre et de distance avec le sujet vont provoquer. Autre inconvénient : l’entretien filmé. Cadrer, surveiller le son et garder un contact visuel direct avec la personne filmée dont on sollicite la parole est épuisant et pas toujours satisfaisant.
De façon générale, le contrôle de tous les aspects techniques, sans oublier pour les tournages où il y a peu de budget, les problèmes de régie et d’organisation, font que les réalisations en solo sont malgré tout assez éprouvantes.
En revanche, la disponibilité et la complicité avec le sujet sont inégalées, la rapidité de déplacement, l’autonomie, l’économie… aussi.
Cependant, rien ne vaut un bon ingénieur du son et un bon opérateur image avec qui la réalisation noue des liens profitables à la réussite du film.
Certains films n’auraient pu se faire autrement, d’autres ont été en partie techniquement gâchés par ce mode de tournage. Quelque fois ce sont les mêmes.
Publiée dans La Revue Documentaires n°26-27 – Filmer seul-e (page 266, 2e trimestre 2016)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.026.0115, accès libre)