Réponses de José Joilan

1- UNE DÉMARCHE ET/OU UNE DÉCISION

  • a- Toujours ? Oui.
  • b-c- C’est le résultat d’un besoin d’expression et de création. Je considère la caméra comme mon stylo.
  • d-e- Le contexte actuel fait que c’est de plus en plus rare de tourner avec d’autres.

2- TOURNAGE

  1. La toute première fois
    • a- Mon premier stage en entreprise. C’était dans un hôpital, service des enfants traumatisés crâniens. Mon tuteur a voulu me tester.
    • b- Camescope U-Matic, avec le magnétoscope dans une sacoche sur une épaule et la caméra sur l’autre.
    • c- Expérience extraordinaire ! Les regards des enfants. Moi, seul parmi eux dans une grande salle… Je ne devais pas les brusquer, respecter leur espace, prendre des images, les rendre beaux au-delà de leurs handicaps.
    • d- À l’époque, j’en avais fait mon premier montage et les parents m’avaient chaleureusement remercié de la VHS. Je viens d’en retrouver un exemplaire. Je vais peut-être le numériser.
  2. Différences et spécificités
    • a- Le tournage doit être cadré. Il faut trouver une symbiose ou imposer un fonctionnement si on est le responsable.
    • b-c- « Outil de résistance » Non, car depuis la fin des années 1990, elle s’est démocratisée avec le montage non-linéaire. L’outil de résistance est « l’intention » dans le tournage et le montage : dans quel but utilise-t-on cette petite caméra ? commercial, personnel, artistique ? Tout dépend de la façon dont on s’en sert.
  3. La caméra tourne
  1. Ce qui déclenche le geste de tourner :
    • a- Improvisation ou préparation ? Les deux + la confiance établie avec le sujet.
    • b- 1- Capter ; 2- Observer ; 3- Comprendre ; 4- Apprendre et au final à PARTAGER ! JAMAIS À VOLER.
    • c- Idée préalable ? D’abord une envie irrépressible, un leitmotiv inexplicable.
    • d- Prototypes isolés.
  2. Quelle relation avec l’autre (filmeur/filmé) ?
    • a- Empathie, recherche d’intimité.
    • b- Droit à l’image ? Autorisation tacite, confiance réciproque, but expliqué.
    • c- Sincérité.
    • d- Retournement ? Jamais. Mon image n’apporterait rien dans le film.

3- L’IMAGE

  • a- Cela dépend des conditions mais j’ai une caméra professionnelle.
  • b- Réglages : Le plus souvent possible.
  • c- Matériel : Seulement pour les films de commande.
  • d- Une esthétique ? Non. Un point de vue unique : Oui.

4- LE SON

  • a-b- Micro extérieur, mais j’adorerais avoir un HF. Mono, malheureusement.
  • c- Limite technique ? Je pense (sauf si l’on possède un HF).
  • d- Preneur de son ? Lorsque mes moyens me le permettent.

5- LA PRODUCTION

  • a- Autoproduction.
  • b- Décisions seul ? Toutes, mais je trouve peu de gens avec qui les partager. Pour mon dernier film, j’ai demandé l’avis à une vingtaine de personnes. Une seule m’a répondu.

6- LES RATAGES ET LES EXTASES

  • a- Ravissement ? Oui, souvent. À la limite de l’indécence.
  • b- Choisir entre la vie et le cinéma ? Jamais. La vie peut être du cinéma (cf. D. Gheerbrant). Par contre, des problèmes de sons…
  • c- J’ai l’impression de faire mon propre cinéma (toute modestie gardée).

7- MONTAGE ET ÉCRITURE

  • a- Monter seul ? Oui, l’un de mes plus grand plaisirs.
  • b- Retravailler le « direct » ? Temps que faire se peut. C’est essentiel. C’est à ce moment que cela devient du cinéma !!!
  • c- Le temps, la durée du film. Partir sur un 52’, ce n’est pas filmer pour un 26’.

8- FIN DE LA SOLITUDE

  • a- À la diffusion et lorsque je fais des films de commande.
  • b- Des partenaires ? Oui, mais dans d’autres domaines.

9- DIFFUSION

  • a- La relation au public est mon but ultime.
  • b- Présenter-vous vos films ? Si possible avec les protagonistes.

10- CONSÉQUENCES

  • a- Beaucoup d’incompréhension de faire cela sans être sûr de gagner sa vie, d’avoir un résultat… Beaucoup de temps, d’investissements, de doutes, et cela se répercute dans mon rapport aux autres et au monde en général.
  • b- Relation aux médias ? J’aime encore plus, même si je ne rentre pas dans les critères. Ils m’aident à développer mon esprit critique.
  • c- Ce choix apporte au cinéma. De toutes évidences, il n’y a pas qu’une seule écriture. Un « gradé » du CNC nous a dit un jour, lors d’une réunion sur la production documentaire, que nous étions des artisans, que nous ne faisions pas partie de l’industrie audiovisuelle. Peu de temps après, j’ai revu des films de Jean Rouch et de Chris Marker. Effectivement, je ne serai jamais réalisateur de Secrets d’Histoire… En filmant seul, j’ai trouvé ma place dans la société.

Publiée dans La Revue Documentaires n°26-27 – Filmer seul-e (page 238, 2e trimestre 2016)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.026.0115, accès libre)