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À cause de l’acuité de son regard, à cause de son courage à dire ce qu’il y avait, sur l’essentiel, à voir et à vomir dans notre société d’images. Il nous manque aussi à cause de sa modestie – son humilité bien rare qui consistait à nous dire de quelle expérience de vie – de quelle souffrance, de quelle recherche – sa pensée prenait racine, en même temps qu’il nous la déployait. À cause de sa disparition, nous verrons moins clair. Sa mort est une victoire temporaire des ombres contre lesquelles il se battait – la manipulation des masses par des produits audio-visuels interposés, la pollution du langage et de l’éthique cinématographiques, la disparition du public comme sujet actif, le Sida. Face aux tourbillons d’irrationnel qui obscurcissent le monde et dont il a pu décrire quelques-uns des signes et des symptômes, la seule fidélité que nous pouvons avoir envers lui et envers sa mémoire est de continuer à nous battre pour la lumière.
Publiée dans La Revue Documentaires n°6 – Histoire et mémoire (page 98, 1992)