Hara Kazuo et ses « documentaires d'action »
Jeffrey Ruoff, Kenneth Ruoff
« Je fais des films pleins d’amertume. Je hais la société traditionnelle. » Hara Kazuo 1
L’armée de l’Empereur s’avance (Yukiyukite shingun, 1987), film hautement original et fortement sujet à controverse, a marqué l’entrée d’un talent d’importance dans le monde du cinéma international : celui du documentariste japonais Hara Kazuo. À la sortie de ce film, la Guilde Japonaise des Réalisateurs a remis au cinéaste le prix du Meilleur Nouveau Réalisateur. Pour un documentaire, le film a fait un nombre d’entrées anormalement élevé au Japon, où il a aussi été l’objet d’un commentaire critique considérable, notamment une compilation de cinquante-cinq articles, rédigés par différents critiques et parus à l’origine dans diverses publications 2.
L’armée de l’Empereur s’avance a pour protagoniste un vétéran de la guerre du Pacifique, Okuzaki Kenzo, qui s’efforce d’établir l’inventaire des crimes de guerre commis par les soldats japonais durant l’occupation de la Nouvelle Guinée pendant la seconde guerre mondiale, crimes allant du meurtre au cannibalisme. Okuzaki met l’empereur Hirohito sur la sellette durant toute la durée du film, s’en prenant ainsi à l’un des plus forts tabous du Japon (Okuzaki s’était déjà rendu tristement célèbre au Japon en attaquant l’empereur à coups de billes avec un lance-pierres en 1969). C’est pour cette raison que le film de Hara n’a jamais été diffusé à la télévision japonaise et que les plus grandes sociétés de production ont eu peur de se charger de sa distribution 3. Cette œuvre provocatrice n’était pas le premier film de Hara, ce n’était pas non plus la première fois qu’il se trouvait au centre d’une polémique.
La première réalisation de Hara, Goodbye CP (Sayonara CP, 1972), tournée en collaboration avec un groupe d’individus atteints de paralysie cérébrale, a choqué les spectateurs en étalant les infirmités à l’image; ce portrait sans concession que Hara offre des handicapés a poussé les critiques à accuser le cinéaste de sadisme. Deux ans plus tard, on le traitait de masochiste à la sortie de Mon éros très privé (Kyokushiteki erosu koiuta 1974), film qui raconte sa relation orageuse avec son ex-femme, féministe militante. Un autre documentaire de Hara (Zenshin shösetsuka, A Dedicated Life 1994) étudiera de façon intime les relations sexuelles du nouvelliste Inoue Mitsuharu.
En s’attaquant à des sujets tabous, les films de Hara soulèvent, de façon délibérée, bon nombre de questions morales sur la représentation et la responsabilité. Au contraire de la plupart des documentaristes, Hara collabore étroitement avec ses sujets lors de la réalisation de ses films. Il préfère tourner des « documentaires d’action », des films qui font la part belle à la narration, aux confrontations dramatiques et à des individus qui se battent contre l’adversité. Hara explique que ses personnages ont pour modèles des super-héros comme Batman et Superman 4. Comme son compatriote, Imamura Shöhei, pour lequel il a travaillé comme second opérateur, Hara fait le portrait de la société japonaise contemporaine et raconte son histoire à travers la vie de radicaux, de laissés-pour-compte et de marginaux.
Les droits civils à l’ordre du jour : Goodbye CP
Goodbye CP s’attaque aux tabous qui entourent la représentation des infirmes, en particulier la honte associée à la différence physique. Dans une rue du centre de Yokohama, le personnage principal, Yokota Hiroshi, fait fièrement l’étalage de son corps nu. Hara met en relief ce genre de scène, disant : « Il est difficile de regarder le corps des handicapés, c’est donc ce que je voulais montrer » 5. Hara permet aux handicapés de parler d’eux-mêmes en tant que participants plutôt que victimes ; Yokota déclare : « La pitié, je m’en passe ». Goodbye CP n’encourage pas le spectateur à éprouver une sympathie facile pour les handicapés, mais le force plutôt à faire face à sa propre peur et à ses propres appréhensions. Comme ce devait être le cas pour les films que Hara réaliserait plus tard, le tournage de Goodbye CP a soulevé une polémique considérable 6.
Le privé est politique : Mon éros très privé
Mon éros très privé examine des sujets comme les relations familiales intimes, la vie privée, la répartition des rôles selon l’axe féminin/masculin et la sexualité, sujets qui sont aussi devenus d’actualité dans les documentaires américains des années 70. Hara filme les activités de son ex-femme, Takeda Miyuki, féministe radicale qui, à la fin des années 60 et au début des années 70, a publié de nombreux articles traitant des problèmes spécifiques rencontrés par les femmes 7. Dans le film, Takeda a une liaison avec une femme, conçoit un enfant avec un soldat américain noir cantonné à Okinawa (au cours d’une conversation téléphonique, sa mère lui suggère de tuer l’enfant), établit une crèche pour les enfants de prostituées, distribue des tracts aux prostituées (ce qui vaut à Hara de se faire tabasser par des gangsters), devient membre d’une communauté féministe et travaille comme stripteaseuse dans un bar pour soldats américains, cela tout en se disputant avec Hara et sa maîtresse, Kobayashi Sachiko, opératrice du son et productrice du film. Comme Cochons et cuirassés (Buta to gunkan, 1961) d’Imamura, le film de Hara offre le portrait féroce d’une ville portuaire japonaise, corrompue par la présence de la marine américaine.
L’allure de confession de Mon éros très privé a beaucoup surpris les spectateurs au Japon, comme l’ont fait les expériences analogues aux États-Unis. Le documentaire de douze heures réalisé par Craig Gilbert, An American Family (1973), documentaire qui fait la chronique d’une année de la vie d’une famille en mettant en relief divorce et sexualité, a soulevé une polémique importante 8. Les premiers films féministes, comme Joyce at 34 (1972) de Joyce Chopra, Nana, Mom, and Me (1974) d’Amalie Rothschild et Not a Pretty Picture (1975) de Martha Coolidge, étudiaient les différences liées au sexe, l’avortement et le viol. Dans Diaries, 1971-1976 (1981), raconté à la première personne, Ed Pineus examinait la politique de la vie de tous les jours.
Comme Pincus et d’autres documentaristes américains influencés par le MLF, Hara, dans Mon éros très privé, cherche dans sa vie privée les preuves d’un changement au niveau social, disant : « À ce moment-là, on parlait beaucoup de l’impérialisme de la famille [kazoku teikokushugi] Un des sentiments les plus forts de l’époque était que l’impérialisme de la famille devait être détruit ». Hara laisse entendre que la structure de la famille japonaise reflète la structure de la société japonaise, que le « système familial » [kazoku seidol et le « système impérial » [tennösei] s’appuient l’un sur l’autre. « Je pensais que si je pouvais mettre ma famille devant la caméra, toutes nos émotions, notre vie privée, explique Hara, je me demandais si je pourrais briser les tabous sur la famille » 9. Le réalisateur a fait figurer l’année de sortie du film dans le titre original pour mieux accentuer ce contexte historique.
Hara fait remarquer, dans la voix off de Mon éros très privé, que « la seule façon de sauvegarder les relations familiales était de faire un film ». Ici, comme dans Sherman’s March (1985) de Ross McElwee, la réalisation du film permet de garder le contact intime avec les autres en offrant un prétexte à l’interaction. La caméra ne se contente pas d’enregistrer passivement la réalité, mais provoque certaines rencontres, une stratégie que Hara explore dans tous ses films. Hara explique: « Je ne suis pas le genre de réalisateur à filmer quelque chose qui est simplement en train de se passer (comme, par exemple, une manifestation dans les rues], j’aime mieux provoquer un événement que je peux ensuite filmer » 10. Les documentaires de Hara sont en fait des œuvres de collaboration, dans lesquelles il encourage ses sujets à mettre en scène leur propre vie devant la caméra, de la même façon que Jean Rouch le faisait dans ses fictions ethnographiques, Moi, un noir (1957) et Petit à petit (1969).
Hara fait lui-même plusieurs apparitions dans Mon éros très privé; quand nous le voyons pour la première fois, il est en train de pleurer, visiblement bouleversé par sa conversation avec son ex-femme. Durant tout le film, Takeda profère toutes sortes d’accusations, de nature fort personnelle, à l’égard du réalisateur. Elle affirme par exemple à Kobayashi : « [Hara] ne s’intéresse qu’à ton corps. Il n’est vraiment pas doué au lit ». Takeda va même jusqu’à mettre en question la viabilité du projet filmique et la compétence de Hara en tant que réalisateur, thème récurrent dans l’œuvre de Hara : « On ne peut pas faire un film à partir de quelque chose d’aussi sordide ». Le réalisateur avoue ses propres angoisses en voix off durant la séquence où Takeda met son enfant au monde, sans la moindre assistance médicale, dans l’appartement de Hara : « J’ai été frappé par la rapidité de la chose. C’était moi qui était bouleversé, trempé de sueur; j’ai mal réglé la mise au point ». Peu de films japonais ont osé montrer une femme en train d’accoucher, autre tabou que Hara transgresse volontiers.
Comme beaucoup de films d’avant-garde, Mon éros très privé ne tient aucun compte des conventions en matière de style cinématographique. Le son et les images, d’un noir et blanc granuleux, ne sont jamais synchronisés ; il y a même, dans de nombreuses scènes, une disjonction radicale entre les deux.
Comme Réminiscences d’un voyage en Lithuanie (1972), œuvre autobiographique de Jonas Mekas, le film de Hara a un fort parfum de film fait maison, parfum mis en relief par les jump cuts, les flash frames, la voix off à la première personne et la caméra tenue à la main, quoique Hara utilise des plans relativement longs par rapport à la façon fragmentée dont Mekas présente le temps et l’espace. La voix off de Hara a le même ton plein d’hésitation et d’émotion que la narration de Mekas dans Réminiscences d’un voyage en Lithuanie 11. On a fait de nombreux commentaires sur le film de Mekas à Tokyo lorsqu’il y a été montré en 1973 et les critiques japonais ont comparé Mon éros très privé au retour au pays natal effectué par Mekas.
Le tournage avait à peine commencé lorsque l’ex-femme de Hara a décidé de partir s’installer à Okinawa. Durant l’après-guerre, le gouvernement japonais, tout en continuant de revendiquer sa souveraineté sur Okinawa, avait mis au point une politique non avouée, visant à sacrifier l’île et à l’abandonner à l’armée américaine pour minimiser l’influence de cette dernière sur le continent. En 1972, année où Hara a commencé à filmer, Okinawa a été officiellement rendue au Japon, mais la présence de l’armée américaine (quelque 50 000 hommes au plus fort de la guerre du Vietnam) reste appréciable même aujourd’hui. La plupart des filles qui figurent dans le film travaillent comme prostituées ou entraîneuses dans les bars pour soldats américains.
Lorsque Takeda annonce son intention de partir pour Okinawa, on passe, dès la scène suivante, dans un bar fréquenté par les soldats américains noirs. Ils dansent sur une musique de James Brown et posent pour un portrait en faisant le salut des Panthères Noires, salut symbolisant le pouvoir noir. Hara fixe ensuite son objectif sur « Chichi, une fille d’Okinawa âgée de quatorze ans », expliquant dans un intertitre qu’elle est déjà une prostituée. Plus loin, nous la voyons au lit avec un soldat américain. Hara ponctue sa narration de lettres que Takeda lui a envoyées d’Okinawa alors qu’il était à Tokyo. Une des lettres annonce qu’elle est enceinte et la scène suivante la montre en train d’essayer de parler anglais avec Paul, un soldat noir. Takeda semble particulièrement enthousiasmée par l’idée de donner naissance à un enfant de race mixte, un autre sujet qui prête à controverse au Japon. Comme Imamura dans Nippon sengoshi : Madamu Onboro no seikats (L’histoire du Japon après-guerre racontée par une hôtesse de bar,1970), Karayuki-san (Karayuki-san, the Making of a Prostitute, 1973), et Muhõ Matsu kokyõ ni kaeru, (Matsuo the Untamed Comes Home, 1974), Hara prend pour sujet de ses films des marginaux qui défient les idées dominantes de la société japonaise.
Fiction et documentaire : A Dedicated Life
Les recettes de L’armée de l’Empereur s’avance ont permis à Hara de réaliser A Dedicated Life. Tous les documentaires peu conformistes de Hara, ses « documentaires d’action » soulèvent de façon implicite des questions sur la frontière entre fiction et non-fiction; dans A Dedicated Life, Hara a cherché à se concentrer sur ce problème en montrant comment le nouvelliste Inoue Mitsuharu tisse ses œuvres de fiction à partir de sa vie quotidienne. A l’origine, Hara avait prévu de filmer l’écrivain pendant dix ans. Mais la production a pris une tournure inattendue lorsque, peu de temps après le début du tournage en 1989, Inoue a appris qu’il était atteint d’un cancer. Le documentaire va donc retracer sa lutte contre le cancer et finalement sa mort, tout en tentant de démêler la part de la fiction et celle de la réalité dans la mythologie personnelle de l’écrivain. Il devient clair qu’Inoue était un menteur invétéré.
Hara Kazuo est à présent professeur d’études cinématographiques à Waseda University. Dans son livre, Fumikoeru Camera (« La Caméra transgressive »), paru en 1995, il a fait le détail des techniques filmiques qu’il emploie pour violer les interdits. Depuis plusieurs années, il essaie, sans succès, d’obtenir des fonds pour un long métrage de fiction inspiré de l’histoire vraie d’une meurtrière japonaise.
Cependant, Hara ne reste pas inactif : il a fait des prises de vue supplémentaires pour In the Name of the Emperor (Christine Choy, 1995), un documentaire ayant pour sujet le massacre de Nankin et inspiré en partie de L’armée de l’Empereur s’avance. Hara a aussi joué un petit rôle dans Tokiwa-so no seishun, (Tokiwa : The Manga Apartment, 1996) d’Ichikawa Jun. Son documentaire le plus récent, Watashi no Mishim, (My Mishima, 1999) — réalisé en collaboration avec un groupe d’étudiants de Cinéma Juku, une coopérative fondée par Hara — retrace la vie des habitants de Mishima, une petite île non loin de la côte de la préfecture de Yamaguchi. Il n’est pas sorti à l’étranger.
Souvenirs de guerre : L’armée de l’Empereur s’avance
L’armée de l’Empereur s’avance, l’œuvre la plus célèbre de Hara, examine les souvenirs que le Japon a gardés de la seconde guerre mondiale, forçant les événements refoulés à refaire surface dans la conscience des gens. Depuis Feux dans la plaine (Nobi, 1959) d’Ichikawa Kon, aucun film japonais ne s’était attaqué de façon si ouverte au cannibalisme, aux sévices que les soldats japonais ont subis aux mains de leurs officiers, et à la désertion dans l’Armée Impériale durant la guerre du Pacifique. Aucun film japonais n’a jamais soulevé le problème de la responsabilité de l’empereur de façon si implacable, à l’exception de Nippon no higeki, (La Tragédie du Japon,1946), un documentaire historique interdit, peu après sa sortie, par les autorités américaines d’occupation parce qu’il suggérait que l’empereur Hirohito soit traduit en justice pour crimes de guerre. 12
Dès la fin de la guerre, les forces alliées ont décidé de faire de l’empereur « le symbole de l’état et de l’unité du peuple » L’image de l’empereur a été consciemment remaniée pour faire de lui un pacifiste, victime d’un petit groupe d’aventuriers militaristes, et les tabous impériaux ont empêché toute discussion du rôle de l’empereur dans la militarisation du Japon 13 . L’armée de l’Empereur s’avance se concentre sur un vétéran qui se bat seul pour récuser cette cabale politique d’après-guerre. Okuzaki Kenzõ intriguait le cinéaste Hara, parce que, tandis que les intellectuels japonais débattaient de la pertinence du système impérial et de la responsabilité morale individuelle et collective en matière de crimes de guerre, le vétéran est passé à l’action directe.
Okuzaki s’est résolument attaché à une série d’événements spécifiques ayant eu lieu en Nouvelle Guinée à la fin de la seconde guerre mondiale. Il implique et dénonce obstinément Hirohito chaque fois que possible, faisant de l’empereur « le plus grand lâche du Japon » et « un symbole de l’ignorance et de l’irresponsabilité ». Comme dans Ikimono no kiroku, (Vivre dans la peur, 1955) de Kurosawa Akira, le personnage principal est hanté par la guerre, et cette folle obsession vient troubler le calme apparent du présent. Cette fanatique quête de la vérité fait d’Okuzaki une sorte d’anti-héros de comédie.
C’est un personnage sans profondeur psychologique; imbu de l’importance de son but, il est entièrement animé par ce qu’il considère comme son devoir. Hara, par exemple, ne va pas chercher les causes de la conduite extravagante d’Okuzaki dans ses antécédents familiaux ; nous ne savons pratiquement rien de lui à la fin du film.
Okuzaki sillonne le continent japonais à la recherche de ses anciens camarades et de leurs histoires de guerre. Hara rappelle au spectateur que le drame a lieu à l’échelle nationale en donnant le détail, dans des intertitres, des différents endroits où Okuzaki se rend : Fukaya, Tokyo, Hiroshima, Hyogo, Okayama, Yamanashi, Kobe et Shimane. Okuzaki s’accroche à son idée de responsabilité individuelle en ce qui concerne l’empereur et les soldats qui ont commis des crimes en Nouvelle-Guinée. Lorsque Seo Yukio affirme que « dans l’armée les ordres passent toujours avant tout » Okuzaki le jette à terre à coups de poing. Takami Minoru reprend le raisonnement de Seo Yukio : « Un ordre est un ordre, il fallait que nous obéissions ». Okuzaki rejette cet appel à la hiérarchie militaire, tout en reconnaissant que les officiers supérieurs portent la responsabilité ultime des actes commis en leur nom : « J’accuse l’empereur pour la même raison. Il était responsable en tant que Commandant Suprême de l’Armée Impériale. Mais il n’a pas pris ses responsabilités ».
Partisan de l’empirisme radical, Okuzaki fait une fixation sur les circonstances entourant certains meurtres spécifiques commis en Nouvelle-Guinée, espérant rendre public l’essentiel de chaque affaire. Il cherche en particulier à exhumer deux cas dans lesquels des soldats japonais ont été abattus pour désertion vingt-trois jours après la fin de la guerre. L’ancien sergent Hara Toshio hésite quand Okuzaki lui pose des questions sur les événements, vieux de quarante ans, affirmant : « Mes souvenirs se sont effacés après toutes ces années ». Durant l’enquête d’Okuzaki, les vétérans révèlent et prouvent, de façon convaincante, que trois soldats japonais ont bien été exécutés, sous de fausses inculpations, pour être cannibalisés par leurs supérieurs. Okuzaki reconstitue ces exécutions illégales en prêtant une attention obstinée à des détails très précis tels le nombre de balles tirées, l’endroit où les principaux acteurs du drame étaient placés et la direction dans laquelle les corps sont tombés. Comme la femme d’Hiroshima, mon amour (1959), le film d’Alain Resnais, Okuzaki refuse de vivre dans le présent, d’oublier, de continuer à vivre comme l’ont fait tant d’autres vétérans. Il reste résolument, et même courageusement, prisonnier du passé.
Quoiqu’on puisse qualifier L’armée de l’Empereur s’avance de documentaire historique, le film s’accroche avec ténacité au présent plutôt qu’au passé. Au lieu d’explorer le passé en soi, Hara préfère s’intéresser aux souvenirs laissés par la guerre et à la façon dont les années de guerre ont marqué le présent : « Ce que je voulais faire, c’était déterminer la façon dont la guerre survit dans la société japonaise d’aujourd’hui » 14 . La plupart des documentaires historiques, comme la série télévisée de Ken Burns sur la guerre de sécession, The Civil War (1989), utilisent un grand nombre d’images d’archives, des témoignages, une voix off qui confère au film une autorité narrative et des interviews avec des spécialistes et des journalistes.
Hara résiste à la tentation d’employer cette didactique, concentrant son histoire sur les activités actuelles d’Okuzaki et sur les réactions qu’il provoque chez les autres.
Quoiqu’Okuzaki fasse de fréquentes références à l’empereur, Hara ne nous montre jamais aucun film ni aucune photographie d’Hirohito. Il ne fait pas non plus la moindre allusion à la bombe atomique, omission inhabituelle pour un film japonais sur la seconde guerre mondiale, d’autant plus qu’Okuzaki visite Hiroshima de façon répétée. A l’occasion, on voit des photographies de soldats, mais elle se trouvent chez les familles auxquelles Okuzaki rend visite. Comme Claude Lanzmann, dont l’épopée de neuf heures et demie, Shoah (1985), raconte l’histoire de l’Holocauste en Europe, Hara se concentre sur la vision que les gens ont de la guerre au moment où il filme, pas sur le passé en tant qu’histoire. En utilisant des interviews avec son synchrone et des images des camps de concentration tels qu’ils existent quarante ans après la guerre, Lanzmann ancre son film dans le présent, pour racheter le passé et donner aux morts « un nom éternel » 15.
Dans L’armée de l’Empereur s’avance, Okuzaki transgresse les normes sociales de façon à la fois dérangeante et amusante. Le film commence par un mariage pour lequel Okuzaki sert d’entremetteur. Les participants sont assis et Hara place sa caméra à leur niveau, parodiant le style filmique d’Ozu Yasujirõ. Le discours contestataire d’Okuzaki semble étrangement déplacé dans le contexte solennel des rites du mariages : « Ce pays compte peut-être beaucoup pour vous mais, si j’en juge par mon expérience, le Japon, comme tout pays, n’est qu’un mur élevé entre les hommes. Il les empêche de se rejoindre. C’est un grand mur. Je pense que la famille n’est qu’un autre mur. Elle isole les êtres humains les uns des autres. Elle rompt les liens qui existent entre eux. Elle va à l’encontre de la loi divine. Donc je m’y attaque » Hara avait d’abord prévu de filmer son documentaire de façon statique et contemplative, pour offrir un contraste avec ses œuvres précédentes, mais il a dû modifier ses projets pour faire face à l’énergie de son protagoniste.
Okuzaki se conduit d’une façon si outrancière, si peu conforme à nos attentes conventionnelles, qu’il en devient amusant. Beaucoup de vétérans ont choisi de vivre dans une obscurité relative, certains ont même changé de nom.
Okuzaki se présente à leur porte sans avoir été invité; à un moment, il crie même « Bonne année » en entrant. Okuzaki dit à Takami : « Votre femme n’a pas l’air contente que je fasse un film comme ça. Je comprends ce qu’elle ressent mais est-ce qu’elle sait de quoi il s’agit ? ». L’ancien membre du 36e génie admet que sa femme ne sait rien de ce qu’il a fait pendant la guerre. Tandis qu’Okuzaki interroge Hara Toshio, la police arrive, nourrissant l’impression que l’ancien sergent est séquestré contre son gré. Okuzaki les invite à entrer : « Vous pouvez m’arrêter. Entrez. Qui êtes-vous ? Vous devriez en apprendre davantage sur la vie, sur la vraie guerre » Durant toute la scène, Okuzaki garde le contrôle de la situation, priant même l’un des officiers de ne pas gêner la caméra. Dans deux autres cas, Okuzaki agresse de vieux vétérans qui refusent de révéler ce qu’ils ont fait pendant la guerre. Ayant déjà passé dix ans en prison, Okuzaki ne craint pas les conséquences de ses actes. Lors de la dernière confrontation, il va même jusqu’à téléphoner à la police, durant une scène qui tourne au tragicomique.
Tout au long de L’armée de l’Empereur s’avance, le spectateur s’interroge sur l’état mental d’Okuzaki, quoique le cinéaste ne prenne pas position. Hara permet à Okuzaki de soumettre son cas avec conviction, qu’il soit sain d’esprit ou non. Après avoir terrassé Seo Yukio, un autre vétéran de la guerre du pacifique, Okuzaki l’exhorte à parler ouvertement du passé. Seo répond qu’il ne le connaît pas, qu’ils ne se sont jamais rencontrés auparavant, ce à quoi Okuzaki retorque : « Je t’ai donné ma carte » , comme si cela justifiait sa violence. À Kobe, Okuzaki fait irruption dans un restaurant appartenant à la famille d’un autre vétéran de la campagne de Nouvelle-Guinée. Naturellement, les propriétaires lui demandent de partir, alors Okuzaki crie : « Tout ce qui vous intéresse, c’est l’argent ! Ces gens ont perdu leurs frères. Qu’est-ce qui est le plus important ? Oubliez l’argent ! ». Il est clair que, pour Okuzaki, le bien-être commercial du Japon moderne ne compense pas les péchés du passé.
Okuzaki rend également visite aux familles de plusieurs victimes, familles dont certains membres l’accompagnent lorsqu’il cherche à obtenir la confession des vétérans. Quand les membres de la famille refusent de participer plus avant, Okuzaki recrute d’autres personnes pour tenir leur rôle. Il demande à ses amis de se faire passer pour des parents des soldats qui ont été assassinés, leur disant : « Vous êtes parents avec deux des victimes. Tenez bien votre rôle. C’est moi qui parlerai ». Alors qu’Okuzaki semble s’attacher de façon quasi religieuse à la précision des faits au cours de son enquête sur le passé, il fait montre durant ses recherches d’un côté opportuniste qui le pousse à simuler certains événements dans sa quête de la vérité. Plus tard, il obtient le soutien d’un autre opposant au système impérial: « J’ai demandé à M. Oshima de tenir le rôle du frère d’un des victimes. Je crois que sa présence poussera l’ancien sergent à parler ». Ces scènes reflètent les méthodes employées par Hara lui-même pour filmer ses documentaires lorsqu’il demande la collaboration de personnages qui doivent interpréter leur propre rôle — et celui d’autres — devant la caméra. Le fait de savoir que les soi-disant parents ne sont que des remplaçants complique la réaction du spectateur lorsqu’il regarde la confrontation qui suit. La frontière entre documentaire et fiction devient irrémédiablement floue.
La participation d’Okuzaki à la réalisation du film a été si conséquente qu’il s’en considère comme le réalisateur aussi bien que la vedette. C’est à Imamura Shõhei qu’il avait d’abord proposé de réaliser un film sur sa vie. Imamura a suggéré à Hara de se charger du projet et a arrangé une rencontre entre les deux hommes. Okuzaki a fini par financer en partie le film et durant toute la production, Hara a consulté son protagoniste au sujet des scènes qu’ils pourraient filmer. A un moment donné, Okuzaki a dévoilé son intention d’assassiner l’un des vétérans, espérant que le cinéaste consentirait à filmer le meurtre. Quand Hara lui a fait part de ses réticences, Okuzaki lui a dit : « Tu n’es bon à rien ». En prison Okuzaki a même écrit et publié depuis sa cellule sa propre critique de Yukiyukite Shingun 16. Quand Hara lui a rendu visite à la prison d’Hiroshima en 1907, l’inlassable activiste lui a dit : « A coup sûr, je serai encore en bonne santé quand je sortirai d’ici. J’aimerais vraiment beaucoup que tu filmes ma sortie ». 17
Quoique Hara ne prenne pas de position éditoriale explicite en ce qui concerne les événements qui ont lieu dans L’armée de l’Empereur s’avance, il ne cherche pas à donner l’impression que la caméra n’est pas présente, comme c’est le cas par exemple dans les documentaires de Frederick Wiseman. Au contraire, tout au long du film, les gens s’adressent directement à la caméra, font à l’occasion allusion à la caméra, s’inclinent devant le réalisateur, prennent la caméra en photo et crient après la caméra. A la prison d’Hiroshima, l’un des gardes pose la main sur l’objectif, insistant pour que Hara arrête de filmer. Quand Okuzaki offre un cadeau à Takami, ce dernier remercie aussi les membres de l’équipe de tournage qui se trouvent dans la pièce en s’inclinant devant eux. Lorsqu’un policier se place par inadvertance devant la caméra durant la confrontation entre Okuzaki et Hara Toshio, bloquant la vue, Okuzaki lui demande de se déplacer : « Je veux la caméra. Nous sommes venus ici pour filmer ». Essayant d’éluder les incessantes questions d’Okuzaki, l’ancien sergent dit : « Si les gens savaient qu’ils ont été exécutés pour désertion, vous, leurs familles, devriez en endurer la honte. La caméra tourne. Les gens verront le film et n’auront que mépris pour vous ». Okuzaki refuse de mordre à l’hameçon et rétorque, en faisant un signe en direction de la caméra: « Ils penseront que vous cachez la vérité ». Plus loin, Hara rappelle une fois de plus aux spectateurs la nature précaire du documentaire avec l’intertitre suivant : « En mars 1983, Okuzaki s’est rendu en Nouvelle-Guinée. La pellicule sur laquelle sont enregistrées ses activités a été confisquée sur place ». Le retour du vétéran sur le lieu du crime s’avère n’être guère plus qu’un trou noir dans l’histoire, un vide causé par les caprices historiques du colonialisme et de la guerre du Pacifique. Hara attire de façon remarquable l’attention sur la séquence manquante, mettant en relief le caractère fortuitement inachevé de sa narration.
Durant la dernière confrontation du film, Okuzaki explique les raisons pour lesquelles il a décidé de tourner ce film : « En dévoilant les souffrances occasionnées par la guerre, je compte débarrasser le monde de la guerre. Ils ont tué un homme mais ont dit qu’il était mort de maladie. Le monde ne connaît pas le vrai visage de la guerre ». Durant la mêlée qui s’ensuit Okuzaki frappe l’ancien sergent, Yamada Kichitaro, à coups de pied redoublés. Furieux, Yamada dit à la caméra : « Vous oubliez que je vous ai aidés » , ce à quoi sa femme répond : « Ne t’en prends pas à eux ». Beaucoup de critiques ont mis en cause la déontologie de Hara, car, alors qu’il ne cache aucunement la présence de la caméra, le réalisateur ne tente pas du tout d’intervenir durant de telles scènes où il semblerait nécessaire d’exhorter quelque peu Okuzaki au calme. Dans les cas où le vétéran agresse physiquement les gens qu’il interviewe, Hara s’abstient d’intervenir et observe de façon détachée la confrontation, se plaçant en position de voyeur, ce qui rend le spectateur témoin involontaire de ces actes de violence.
Le chagrin et l’empereur : l’accueil réservé à Yukiyukite shingun
Quand Yukiyukite shingun est sorti en 1987, la plupart des Japonais — gouvernement y compris — ne s’étaient pas encore adonnés à cet examen de conscience qui caractérise, dit-on souvent, la Vergangenheitsbewältigung allemande, la tentative d’assumer l’époque nazie, ou l’effort similaire fait par les Français, à partir des années 70, pour démêler l’histoire compliquée du gouvernement de Vichy (1940-44).
La mémoire sélective du pays concernant la guerre du Pacifique continuait à détourner l’attention de l’expansion impérialiste du Japon. Beaucoup de Japonais se voyaient exclusivement comme victimes de la guerre, un phénomène que les historiens appellent « higaisha ishiki » ou « le sentiment de persécution ». Après tout, en 1945, les forces alliées, armée américaine en tête, avaient lancé une campagne de bombardements contre des cibles qui n’avaient rien de militaire, campagne qui s’était terminée par la destruction atomique d’Hiroshima et de Nagasaki. Les souffrances endurées par les Japonais quand le conflit est arrivé à leurs portes avaient effacé dans leur esprit les souvenirs des agressions commises par leur armée.
Par conséquent, L’armée de l’Empereur s’avance a soulevé une polémique considérable quand il a été montré dans un petit cinéma de Tokyo. Les distributeurs de films commerciaux ont refusé de se charger du film, de peur de déclencher des attaques de la part de l’extrême droite. Les spectateurs assez âgés pour avoir connu la guerre ont été en général sidérés, choqués par l’audace d’Okuzaki dans le film.
Alors que les médias avaient fait d’Okuzaki un fou dont les actions dépassaient l’entendement, L’armée de l’Empereur s’avance obligeait les spectateurs à jauger les motifs d’Okuzaki sans les condamner a priori. Pour beaucoup de spectateurs plus jeunes, nés après la guerre, Okuzaki, qui combattait sans relâche pour son idéal, refusant toutes les compromissions, faisait même figure de héros. Les jeunes Japonais cautionnent moins que leurs aînés les tentatives qui ont été faites au niveau officiel pour sauvegarder la dignité de la maison impériale, les attaques d’Okuzaki contre l’image de l’empereur ne les a donc pas outragés. L’accueil qui a été réservé au film est en fait comparable aux réactions premières qu’a provoquées en France Le chagrin et la pitié de Marcel Ophuls.
En 1971, Le chagrin et la pitié a été projeté pour la première fois dans une petite salle d’art et d’essai du Quartier Latin à Paris, et le film a peu à peu attiré l’attention des étudiants et des intellectuels de la capitale, ce qui lui a valu un nombre assez important d’entrées. Le film s’est mis à dos presque tous les pouvoirs politiques français ; le parti communiste s’est plaint de ce que la contribution qu’il avait apporté à la résistance avait été minimisée tandis que les gaullistes estimaient que le seul fait de soulever le problème de la collaboration relevait de « l’antipatriotisme » 18. A la suite de mai 1968 cependant, bon nombre de mécontents — étudiants, travailleurs et intellectuels — sont allés voir le film d’Ophuls, justement parce qu’il mettait en question la version officielle de l’histoire de France. Le chagrin et la pitié ébranlait le mythe d’une résistance française unifiée, combattant jusqu’au bout l’occupation allemande, tout en évoquant la complicité de la France dans l’Holocauste. Comme Henry Rousso l’a montré dans Le syndrome de Vichy: De 1944 à nos jours, le film d’Ophuls a eu un énorme impact sur l’image historique de la France sous l’occupation, incitant les films de fiction des années 70 à se tourner vers les années noires de la guerre 19.
Dans la mémoire historique populaire du Japon, ce sont les militaristes — un petit groupe d’individus qui se trouvent au sommet de la hiérarchie en temps de guerre, groupe dont l’empereur ne fait pas partie — qui sont responsables de la guerre. Les films de fiction japonais qui traitent de la guerre dépeignent habituellement les Japonais comme de malheureuses victimes, comme si la guerre du Pacifique avait commencé en 1945 et non dans les années trente, années où le Japon a lancé sa brutale offensive impériale contre la Chine. Hachigatsu no kyoshikyoku, (Rhapsodie en août, 1991) de Kurosawa, par exemple, incite les spectateurs à éprouver de la pitié pour les victimes de la bombe atomique mais n’offre aucun contexte à ce conflit du Pacifique ; il est donc légitime qu’il ait été critiqué au festival de Tokyo et accusé de renforcer « le sentiment de persécution ». Hara a travaillé comme assistant réalisateur sur le tournage de l’un des rares films japonais à prendre en considération les atrocités commises par les autorités japonaises au cours de la guerre, Umi to dokuyaku, (Océan et poison, 1986) de Kumai Kei. Umi to dokuyak, raconte dans le détail les expériences médicales conduites sur des êtres humains, sous contrôle de l’armée, à l’université de Kyushu durant le printemps 1945.
L’armée de l’Empereur s’avance a aidé à ouvrir une brèche dans la représentation historique de la seconde guerre mondiale au Japon. Quand l’empereur Hirohito est tombé malade en 1988, la question de sa part de responsabilité dans la guerre a refait surface, ce qui a occasionné des débats orageux 20. Le documentaire de Hara met l’empereur en accusation, et le cinéaste a expliqué, ainsi que Kobayashi, le producteur, qu’il avait eu le désir de raconter, par le biais de son film, une histoire des années de guerre qui serait différente. Kobayashi a expliqué au Japan Times : « Je suis furieux qu’on ne nous informe pas de ce qui s’est réellement passé pendant la guerre. Et les ministres et tous ceux qui sont concernés montrent beaucoup de réticence quand il s’agit de donner des informations. Quand je pense à ce que les Asiatiques ressentent, je regrette énormément de voir que nous avons beaucoup trop de films qui font l’éloge de la guerre » 21. Hara dit s’intéresser à la réalisation d’un film qui montrerait les sévices subis, aux mains des Japonais, par les travailleurs asiatiques qui ont construit la ligne de chemin de fer Burma-Siam pendant la guerre.
Les réalisateurs, producteurs et spectateurs japonais font montre d’une grande réticence lorsqu’il s’agit d’affronter une image historique plus juste des opérations 22 japonaises à travers l’Asie dans les années 30 et 40, image retraçant la brutalité de ces opérations. En filmant les activités d’un protestataire qui défie le status quo, L’armée de l’Empereur s’avance reste une des seules voix à rompre le silence fait sur les années de guerre. Il se peut que la crise qui a lieu actuellement dans le monde cinématographique japonais conspire à empêcher d’autres cinéastes de regarder la guerre à la lumière de ces récentes révélations sur les atrocités commises 23. Comme le documentaire phare d’Ophuls cependant, il se peut aussi que L’armée de l’Empereur s’avance de Hara Kazuo donne à quelques écrivains et cinéastes le courage d’affronter « le chagrin et la pitié » des activités japonaises durant la seconde guerre mondiale.
- Ruoff, K., et Ruoff, J. (1993), « Japan’s Outlaw Filmmaker : An Interview with Hara Kazuo, » Iris : A Journal of Theory on Image and Sound, Image Theory, Image Culture, and Contemporary Japan, N. 16, p. 6. Nous tenons à remercier Hara Kazuo et Kobayashi Sachiko d’avoir bien voulu répondre à nos questions et nous prêter une copie de leurs films. Cet essai est inspiré de Ruoff, J. et Ruoff, K. (1993), « Filming at the Margins : The Documentaries of Hara Kazuo, » Iris : A Journal of Theory on Image and Sound, Image Theory, Image Culture, and Contemporary Japan, N. 16, Pp. 103-126. Nous savons gré à Brigitte Humbert, de Middlebury College, de son excellente traduction. Le livre intitulé The Emperor’s Naked Army Marches On, publié en 1998, dans lequel nous avons analysé L’armée de l’Empereur s’avance en plus grand détail, est disponible en anglais auprès de Matthew Stevens, Publisher, Flicks Books, 29 Bradford Road, Trowbridge, Wiltshire BA149AN, England,
- Matsuda, M., et Takahashi, T., Eds., (1988), Gunron yukiyukite shingun, Tokyo : Togosha.
- Ruoff, K. (1993), p. 14.
- Ruoff, K. (1993), p. 9.
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- Kobayashi, S. (Mai 1973), « Atte mo ii sonzai nan-da, » Bün, p. 5 ; et Hara, K. (Juillet 1973), « Shintai no kaihõ ni koso, » Gendai tenbo, pp. 168-173.
- Voir Takeda, M. (Décembre 1969), « Ai suru hito no ko de mo zettai ni umanai, » Fujin kõron, pp. 166-169, et Takeda, M. (Juillet 1971), « Umanai jiyü, umu jiyü no ryötaiken, » Fujin kõron, pp. 216-219.
- Ruoff, J. (1992), « Conventions of Sound in Documentary, » in R. Altman (Ed.), Sound Theory/Sound Practice, New York: Routledge, Chapman, and Hall, pp. 217-234.
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- Ruoff, J. (1991), « Home Movies of the Avant-Garde : Jonas Mekas and the New York Art World, » Cinema Journal 30 (3), p. 18.
- Hirano, K. (1988), « The Japanese Tragedy : Film Censorship and the American Occupation, » Radical History Revier, 41, pp. 67-92.
- Ruoff, K. (1991), « Taboo or Not Taboo », Mémoire de maîtrise non publié, département d’histoire, Université de Columbia, New York
- Ruoff, K. (1993), p. 9.
- Lanzmann, C. (Fall/Winter 1980), « From the Holocaust to the Holocaust, » Telos, 137-43, p. 41.
- Okuzaki, K. (1er décembre 1987), « Yukiyukite shingun o mita shujinkõ no kansõ, » Kinema junpõ, reproduit dans Matsuda et Takahashi, Gunron Jukiyukite shingun, pp. 353-365.
- Hara, K. (1987), « Seisaku nõto », in Hara Kazuo et Shissõ Purodakushon (Eds.), Yukiyukite shingun seisaku noto, Tokyo: Shissõ Purodakushon, p. 120. Condamné à douze ans de travaux forcés pour la tentative d’assassinat décrite dans le film, Okuzaki a été libéré en 1998 et a proposé à Hara de filmer une suite à son film, mais le réalisateur a décliné son offre.
- Hoffmann, S. (1972), « In the Looking Glass, » in M. Johnston (Ed.), The Sorrow and the Pity: A Film By Marcel Ophuls, New York : Outerbridge and Lazard, Inc., p. XIII.
- Rousso, H. (1987), Le Syndrome de Vichy : De 1944 à nos jours, Paris : Seuil.
- Ruoft, K. (1991), pp. 45-57.
- Ogihara, M. (August 4, 1987), « The Emperor’s Naked Army Marches On, » The Japan Times, p. 11.
- En 1989, Shöchiku-Fuji, le distributeur du film de Bernardo Bertolucci, Le Dernier empereur (1988), a retiré de la version montrée au Japon les images d’archives montrant les atrocités commises par l’armée japonaise en Chine. Lorsque Bertolucci et d’autres ont rendu leur indignation publique, les images documentaires ont été réinsérées. Voir K. Macdonald, « Japan »‘, in The Asian Film Industry, éd. J. Lent (Austin: University of Texas Press, 1990) : 50-1.
- Voir par exemple H. Cook et T. Cook (1992), Japan at War: An Oral History, New York; The New Press, et I. Chang (1997), The Rape of Nanking : The Forgotten Holocaust of World War II, New York ; Penguin Books.
- A Dedicated Life (Zenshin shōsetsuka?) | Kazuo Hara | 1994 | Japon | 2h37
- An American Family | Craig Gilbert | 1973 | États-Unis | 12 x 1h
- Cochons et Cuirassés (Buta to gunkan) | Shōhei Imamura | 1961 | Japon | 1h48
- Diaries | Ed Pincus | 1982 | États-Unis | 3h20
- Feux dans la plaine | Kon Ichikawa | 1959 | Japon | 1h45
- Goodbye CP | Kazuo Hara | 1972 | Japon
- Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar | Shōhei Imamura | 1970 | Japon | 1h45 | 35 mm
- In the Name of the Emperor | Christine Choy, Nancy Tong | 1998 | 50’
- Joyce at 34 | Joyce Chopra | 1972 | États-Unis | 28’
- Karayuki-san, ces dames qui vont au loin | Shōhei Imamura | 1975 | Japon | 1h12
- L’Armée de l’empereur s’avance (Yukiyukite Shingun) | Kazuo Hara | 1987 | France | 2h02 | 16 mm
- La Mer et le Poison | Kei Kumai | 1986 | Japon | 2h03
- La Tragédie du Japon | Keisuke Kinoshita | 1953 | Japon | 1h56
- Le Chagrin et la Pitié – Chronique d’une ville française sous l’Occupation | Marcel Ophüls | 1969 | France, Suisse, Allemagne de l'Ouest | 2 épisodes de 135 minutes | 16 mm
- Moi, un Noir | Jean Rouch | 1957 | France | 1h13 | 16 mm
- Mon éros très privé | Kazuo Hara | 1974 | Japon | 1h33 | 16 mm
- Nana, Mom and Me | Amalie R. Rothschild | 1974 | États-Unis | 48’
- Not a Pretty Picture | Martha Coolidge | 1976 | États-Unis | 1h23
- Outlaw-Matsu Returns Home | Shōhei Imamura | 1974 | Japon | 52’
- Petit à petit | Jean Rouch | 1969 | 1h36
- Réminiscences d’un voyage en Lithuanie | Jonas Mekas | 1972 | États-Unis | 1h18 | 16 mm
- Rhapsodie en août | Akira Kurosawa | 1991 | 1h38
- Sherman’s March | Ross McElwee | 1985 | États-Unis | 2h38
- Shoah | Claude Lanzmann | 1985 | France | 9h30
- The Civil War | Ken Burns | 1990 | 9 épisodes - 11h30
- Watashi no Mishima | Kazuo Hara | 1999 | 1h40
Publiée dans La Revue Documentaires n°16 – Mémoire interdite (page 91, 4e trimestre 2000)