Une vocation populaire

Catherine Disserbo

Le 8 avril dernier, élus, exploitants, distributeurs et programmateurs abordaient le problème de la diffusion dans les salles de cinéma, lors du colloque, Cinéma et collectivités territoriales : quels investissement pour l’an 2000 ? à l’Assemblée Nationale. Une table ronde était animée par François Bœspflug, Directeur de la Programmation de Gaumont International, Jean-René Marchand, Directeur de l’exploitation et de la diffusion au CNC, Régine Vial, distributrice, des Films du Losange et Michel Dupuy, des Cinéastes Bretons, l’association des cinéastes documentaristes professionnels en région.

Après une constatation générale de la sous-exploitation du parc français des salles de cinéma, les différents interlocuteurs se sont exprimés sur les initiatives à prendre dans le domaine de la diffusion.

La dernière séance

Il y a quelques années, le mécanisme de la « dernière séance » s’enclenchait dans les quartiers de petites et grandes villes. De nombreux exploitants ont alors posé la clé sous la porte.

Le cinéma est aujourd’hui associé à une sortie exceptionnelle ou destiné à une élite cinéphile. Il a perdu sa vocation populaire d’autrefois.

Ce phénomène de sous-exploitation ou de fermeture définitive des salles de cinéma a souvent accusé le petit écran. L’explosion de la télévision aurait tué le cinéma. Cette explication ne semble pas justifiée. Le film du cinéma reste la noblesse du genre. La télévision n’a-t-elle pas plutôt simplement volé au septième art son sens populaire ?

Afin de réconcilier le cinéma avec sa vocation populaire, les exploitants doivent alors créer et fidéliser un nouveau public. Les solutions semble exister. Elles sont simples et diverses. Au cours du débat, Régine Vial proposait d’aborder les films présentés sous d’autres formes par un travail d’animation. Cette animation consiste à faire venir les auteurs, les techniciens, les comédiens pour parler de leurs films. Ainsi le public peut avoir un contact vivant avec la création. Ce point de vue a également été exprimé et développé par l’association Cinéastes Bretons, qui introduisait l’équipement des salles de cinéma comme une réponse à une utilisation hebdomadaire de ces lieux.

Équipement des salles en vidéo-projection

En tant que cinéastes documentaristes professionnels constamment préoccupés par la diffusion et la promotion de leurs œuvres, l’intervention des Cinéastes Bretons n’était pas innocente. Quatre-vingts pour cent des films documentaires sont conçus en vidéo et ont ainsi peu accès aux salles de cinéma. Néanmoins cette proposition semble justifiée. L’outil vidéo est pédagogique et peut véhiculer la connaissance. Un tel équipement permet d’accueillir d’autres utilisateurs tels que les associations et les groupes scolaires.

De plus, il est l’occasion d’ouvrir la salle à des habitudes de sorties différentes et innovantes. Par l’intermédiaire de ses activités, cette association découvre peu à peu que le public s’intéresse à l’image vidéo et depuis deux ans expérimente un concept de diffusion publique du film documentaire de création. Cinéastes Bretons organise des restos/projections, des soirées thématiques ponctuelles au cours desquels sont diffusés des films documentaires. Voyageuses et multi-formes, ces soirées se déroulent dans des restaurants et s’adaptent aux thèmes évoqués à travers les films. Elles s’articulent autour d’une animation culturelle et artistique. À l’issue de la projection d’un film, le public discute avec le réalisateur dans l’ambiance conviviale d’un dîner. Des comédiens, des artistes, des personnalités interviennent au cours de la soirée. Cinéastes Bretons a ainsi créé et fidélisé un nouveau public pour des soirées culturelles, notamment sur la ville de Quimperlé.

Une redéfinition de la salle de cinéma

Adaptée à une animation vivante, l’utilisation de la vidéo semble pouvoir être une alternative au maintien des salles de cinéma. Mais il ne s’agit que d’une solution parmi d’autres. Elle s’engage néanmoins dans une réflexion sur la polyvalence de ces lieux. En effet, dans ce cas, la salle de cinéma doit tenir compte de l’évolution des techniques liées au spectacle audio-visuel. Elle est appelée à adopter une mission diversifiée autour de la notion d’image. Cette solution implique donc une redéfinition de la salle de cinéma dans son environnement.


Publiée dans La Revue Documentaires n°9 – Le documentaire à l’épreuve de la diffusion (page 95, 3e trimestre 1994)