Thierry Nouel
« Nous prenons les francs suisses, les marks allemands, les yens japonais. Mais votre économie est malade comme un chien. Alors, pas de dollars !», Arnoldo Trotta 1.
« La société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemble au sorcier qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées.», Karl Marx et Friedrich Engels 2.
En 1984, Johan van der Keuken entreprend un film sur l’argent et l’économie mondiale. Le film se concentre sur quatre capitales de la finance : New York, Amsterdam, Hong Kong et Genève. Il est produit entre autres par TF1, à l’époque encore télévision de service public, qui ne diffusera jamais l’œuvre 3. En septembre 1985, le montage est interrompu : le réalisateur écrit un mois plus tard dans la revue Skrien, où il tient une chronique régulière, qu’il a dû « subir une opération assez menaçante » 4. Cette alerte et les problèmes rencontrés lors du tournage et du montage du film furent à l’origine d’un tournant dans l’œuvre de Keuken : d’une part, cela aura pour conséquence d’orienter ses travaux ultérieurs vers une prise en compte plus explicite des questions spirituelles ou des interrogations personnelles (notamment avec L’Œil au-dessus du puits ou La Question sans réponse). D’autre part, sur le plan formel, il construira ensuite, on va le voir, ses films différemment.
Le film terminé s’intitula I ♥ $ 5. Ce sera le dernier où il établira une relation d’opposition dialectique frontale entre deux univers, ici notamment entre possédants et démunis. Et ce sera aussi l’un des seuls où il avouera, avec franchise et lucidité, qu’il a essuyé un relatif échec. En effet, il déclara à plusieurs reprises qu’il ne trouvait pas le film satisfaisant : « Je ne suis pas arrivé à faire comprendre, ou à comprendre moi-même, grand-chose sur l’argent. (…) Finalement, ce sont les gens qui n’ont pas d’argent que l’on comprend le mieux » 6.
Trop tôt ?
Comment s’explique qu’il ne soit pas parvenu à mieux traiter ce sujet ? Qu’est-ce qui fait que l’on ressente effectivement une certaine déception à la vision du film ? Avant de s’arrêter sur les raisons internes qui tiennent à la structure de l’œuvre elle-même, voyons celles qui sont externes. Et d’abord on peut se demander si, pour une fois, Keuken n’a pas abordé un thème trop tôt, avant qu’il ne soit suffisamment perceptible, sinon « visible » ? En effet, il s’était fait jusque-là une spécialité d’annoncer ce qui allait advenir : avec les trois longs métrages de sa trilogie Nord/Sud, par exemple, la fracture béante qui allait s’instaurer entre pays pauvres et pays riches, ou les questions écologiques et du nucléaire avec La Jungle plate, ou même la revendication du plaisir individuel face aux dérives du « tout politique » dans Les Vacances du cinéaste. Ce dernier film était à ce point en décalage avec le dogmatisme ambiant qu’il troubla bien des cinéphiles engagés et des militants purs et durs, dans ces années 1970. Tout laisser-aller était perçu comme une dangereuse dérive politique hors du sacro-saint « collectif », et tout hédonisme comme un comportement condamnable, qualifié de « petit-bourgeois ». Bref, il avait su se positionner dans un avant-gardisme nuancé, être visionnaire tout en restant lucide.
Or, cette fois, son intérêt pour la circulation mondiale des capitaux se situe au moment même où une nouvelle ère économique se met en place et où se constituent les principes d’un néo-libéralisme agressif (avec Ronald Reagan et Margaret Thatcher) : dérégulation généralisée, destructions des barrières commerciales, affaiblissement de l’état, privatisation des industries. Lorsque le film est en tournage en 1984-85, cette restructuration du capitalisme n’est qu’en phase de constitution, et le film ne peut en percevoir toutes les conséquences : ni dans la production, ni pour les organismes financiers dont les bénéfices vont exploser, ni pour les pays et leur société, car tous les effets destructeurs n’y seront patents que quelques années plus tard.
Il y a pourtant de formidables prémonitions dans les témoignages qu’I ♥ $ recueille : par exemple, l’augure, dans les propos d’un financier new-yorkais, qu’une utilisation exponentielle du crédit conduira inéluctablement à un « Jour du Jugement ». C’est entrevoir déjà les prémisses de l’écroulement général qui n’aura lieu…qu’une quinzaine d’années plus tard.
Stratégies d’approche
A voir le film aujourd’hui, il nous semble pourtant que la ligne choisie était la bonne, tant les choses ont l’air de bien s’engager, dès son entame, avec clarté et fermeté. Et même, dès son titre, percutant et prometteur. Rarement on n’aura concentré avec plus de concision, et non sans une touche d’ironie, le programme qui allait être développé devant nous sur l’écran, en trois simples signes. Graphiquement frappant et puissamment symboliques, ce titre en forme d’idéogramme nous avertit qu’un décryptage va être opéré. Celui de l’idéologie qui plane sur l’économie et par conséquent sur le monde, l’individualisme forcené (« I ») avec pour conséquence la disqualification de toute valeur collective. Celui de la nature des sentiments qui accompagnent ce mouvement irrépressible et forcement passionnel (♥). Celui de l’objet de cette folie qui s’emparent de tous, du haut en bas de l’échelle sociale, ce Veau d’or, universellement désiré : Le Dieu dollar ($).
D’entrée, Keuken a conscience qu’il devra vaincre certaines méfiances ou contourner des résistances en abordant ce monde de la finance. Aussi s’est-il préparé en l’étudiant avec sérieux, assimilant sa « langue » mystérieuse. Car il pressentait que cette complexité vise à se protéger des intrus, comme le démontrent aujourd’hui les « économistes atterrés » : « La finance prospère à l’abri de cet ésotérisme qui tient les profanes éloignés et détruit ab initio les conditions de possibilité d’un débat démocratique qui la prendrait pour objet » 7. Et même du côté du look, le cinéaste a mis toutes les chances de son coté, jusqu’à renoncer à ses choix vestimentaires. C’est ce qu’il raconte au cours d’une conversation avec un couple de jeunes gens, lors d’une séquence tournée à Paris en 2000 :
I ♥ $, c’était difficile. J’ai acheté un costume et une cravate, ce que je n’avais pas porté depuis 15 ans. Depuis 67, j’avais rejeté la cravate. Et j’ai beaucoup lu sur l’argent. Mais juste pour avoir le langage, parce qu’en dehors de ce langage, on ne peut pas se parler. Ça m’est arrivé de penser que si j’avais fait le film maintenant, j’aurai eu plus de facilités pour déborder tout le temps et dire : « Et comment va le bébé ? », ou changer de registre, une fois qu’on est dedans. Mais là, j’étais assez tendu, pour tenir le fil. Surtout avec le banquier de Hong-Kong. 8
Ainsi, dès la séquence d’ouverture, le film peut-il démarrer fort. D’abord avec le jeu de bonneteau à New-York et cette pancarte qui nous avertit : « Tout le monde peut jouer », sous-entendu perdre, on s’en doute. Car le secret de ce jeu de passe-passe, c’est que le joueur va se faire rouler, vu l’habileté du manipulateur et la ruse de ses comparses. Et comme le montage enchaîne cette séquence avec des plans saisis dans une salle de marché, on devine que la situation est ici la même : des traders accrochés au combiné de leurs multiples téléphones, négociant dans un langage codé, des chiffres qui ne se rattachent pour nous à rien de limpide. Il doit bien y avoir de l’arnaque qui se cache sous cette agitation fébrile.
Enfin, lorsque la caméra sort en extérieur, loin de l’ambiance étouffante où se négocient titres et actions, c’est pour observer une nuée de pigeons s’écrasant les uns sur les autres pour quelques miettes. Keuken a ainsi posé les étapes classiques de tous ces jeux monétaires : l’espoir de gagner, l’excitation de la lutte, la rareté du gain et donc la pénurie, qui conduit invariablement à un combat acharné pour survivre. L’interview du banquier qui clôt cette première séquence précise que le jeu est sans limite. Le désir d’argent est une passion violente et sans frein qui peut conduire certains à se perdre jusqu’au crime (tout comme l’amour), tandis que cela permet à d’autres d’étendre sans bornes leur goût du pouvoir et leur soif de domination.
Un pas impossible à franchir
Ayant rusé pour dissiper la méfiance de ses interlocuteurs, Keuken peut se permettre d’entraîner les banquiers vers des domaines qui peuvent sembler éloignés de leur préoccupation : la sphère de la morale, des sentiments, ou celle des images. D’abord, ils répondent de bonne grâce, avec des métaphores particulièrement frappantes. Ils comparent la circulation de l’argent à celle du sang qui nous irrigue. Ils voient en l’inflation « une hémorragie ». En confiance, ils lui avouent leur ivresse de ce jeu dangereux, leur jouissance de gagner ou l’accablement de perdre. Keuken tente même de leur faire faire un pas de plus, en soulignant le lien entre cette activité abstraite des marchés et l’autre face du monde, celle bien concrète de la vie matérielle, où souvent la misère des uns augmente à mesure que la richesse des autres s’accroît. Mais là commence le blocage : la « tension » devient telle que le fil se rompt. Impossible d’entrer plus avant dans des mécanismes inavouables, de franchir un seuil pour les faire parler de relations plus mystérieuses, notamment de ce rapport entre le banquier (suisse) et son client :
« Par exemple, à Genève, ce qu’on avait voulu faire, c’est rencontrer les banquiers privés, ces banquiers qui travaillent sur le secret, très cultivés, calvinistes, parce que Genève est la ville de Calvin. De tous les pays, des gens viennent avec des valises, avec du fric, en espèces. La fuite des capitaux se fait de cette façon. Et c’est donné en confiance, même sans reçu. Ils donnent, et le banquier est garant sur son capital propre, de famille. Il n’y a pas de constitution en société anonyme. C’est leur argent de famille, c’est la confiance absolue. Et il y a des capitaux énormes qui circulent. Ça, c’est une très grande partie de Genève, et j’ai essayé d’entrer en contact avec ces gens-là » 9.
C’est pourtant lorsqu’ils parviennent à ce point-là que les films de Keuken se révèlent généralement d’une grande puissance d’invention. Passant une limite, ils s’affranchissent des blocages, et débouchent sur un univers neuf, en terrain vierge : rupture du « fil » narratif classique, exploration physique par le cadre, mise en question de la posture documentaire, trouvailles formelles, audace politique et radicalité esthétique. Les exemples sont innombrables où les cloisons explosent 10. Je dirai même que c’est lorsqu’il se confronte à l’extrême, que sa recherche devient la plus passionnante. Limite du corps, frontière de la perception, interpénétration du fictif et du direct, exigence de dépassement vis-à-vis de lui-même et envers ses « personnages » 11.
Et c’est dans ses films les plus « artificiels » (ceux qui « flirtent » avec la fiction), qu’il est allé le plus loin dans ce saut vers l’inconnu. Culot qui n’a pas toujours été accueilli avec autant d’enthousiasme que lorsque ses coups de force bousculaient les règles du documentaire. C’était d’ailleurs déjà en se situant sur le terrain de la représentation de l’« économique », que Keuken avait poussé cette stylisation de son cinéma au plus loin. Dans Le Maître et le géant (1980) il faisait s’interpénétrer trois « univers » (documentaire, personnages de fiction, dispositif conceptuel) pour tenter d’« imager » les rapports marchands entre les hommes, les femmes et les choses. Une séquence particulièrement frappante proposait un « dialogue » entre…des arbres et un cube (!). Des premiers, sortait la voix romantique des révolutions avec des textes tirés des films de Glauber Rocha : « Le comportement juste d’un affamé, c’est la violence ». Tandis qu’une structure cubique, posée dans un champ, proférait des sentences type patronales, teintées du cynisme le plus froid : « Une mécanisation plus poussée est indispensable. On ne peut augmenter les salaires indéfiniment ». Ce moment d’économie politique « expérimentale » provoqua, on peut le deviner, chez critiques et spectateurs, le plus grand désarroi 12.
On retrouve dans I ♥ $ un équivalent, certes moins provocateur, de cette stylisation des rapports abstraits, dans l’usage qui est fait des plans d’hiver (le figé) et des plans de circulation (le fluide) qui se répondent en écho. Tandis que la caméra suit l’agitation de places boursières échauffées et décrit le clinquant des lieux du pouvoir monétaire, on retourne régulièrement à Amsterdam, avec des plans de rues vides, de trottoirs gelés et de canaux figés sous la neige. Serait-ce une référence aux fameuses « eaux glacées » du Manifeste de Marx-Engels ? : « La bourgeoisie (…) a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste » 13.
Clin d’œil peut-être, car cette glaciation est un des leitmotivs qui va parcourir tout le film, avec une insistance sur les poteaux rigides qui bornent les espaces pétrifiés par le froid. Comme souvent chez Keuken, il ne nous est pas donné d’explication à ces plans « symboliques ». Il nous propose d’effectuer nous-même le montage, dans notre tête, par association des divers éléments, pendant que se déroule le film. Ces points fixes dressés pour délimiter notre chemin font contraste avec les courants monétaires qui ne cessent de s’écouler sous toutes les formes, entre les doigts et entre les pays, de l’or que l’on fond aux billets que l’on fabrique. Puis on plonge dans les échanges, dans les tumultueuses places de marché, avec ce fourmillement d’informations sur les écrans, qui finissent par traverser et agiter les corps hystériques des agents.
Cette figure de style — répétition de signes dont le retour insistant finit par faire naître une idée chez le spectateur — est classique chez ce cinéaste. Il l’avait déjà portée à son point de perfection dans La Forteresse blanche, où un château crénelé sous l’orage finissait par signifier toute la sourde et oppressante violence, que fait peser silencieusement le système capitaliste sur les communautés opprimées.
Mais dans I ♥ $, c’est un fonctionnement planétaire, complexe et sophistiqué, celui du système financier dans sa totalité que Keuken ambitionne de décrire. Et simultanément, c’est l’essai de nous faire pénétrer dans le raisonnement, ou même les sentiments intimes de ses opérateurs (grands dirigeants, traders, patrons de banques). Tandis qu’en parallèle, on partage impressions et analyses de ceux qui subissent les conséquences des soubresauts du marché. Aussi il tente de faire voir alternativement les uns dans la jouissance de l’enrichissement tandis qu’il enregistre sur les autres les effets de la paupérisation (dégradation de l’habitat, précarité, insécurité). Et pour embrasser cet ensemble, il doit se hausser à un niveau encore plus subtil du langage cinématographique, pour décrire précisément les rouages de ce qui est en train de devenir une formidable machine économique mondialisée.
Pour ceux qui n’ont pas grand-chose, il sait mettre en images et en sons leur situation et leurs conceptions, faites d’espoir et de lucidité : « Ceux qui sont pauvres, ils portent leur corps » 14. Et on les voit lutter physiquement pour exister, travailler pour éviter l’effondrement de leur cité, apprendre pour mieux rêver d’Amérique, manger en abondance pour s’attirer la bonne fortune, et même faire la fête et danser pour enjoliver leurs rues dévastées. Jusqu’à ce magnifique personnage de « Rainbow », cette jeune fille rayonnante de beauté et d’intelligence qui déclare face caméra : « Que puis-je faire ? Me suicider ? Hein ? Dis-moi ? Tu veux que je chante ? » 15. Et elle entame un blues superbe. Oui, ceux-là, ils savent analyser et exprimer leur rapport complet à l’argent, face caméra, de leurs manques à leurs désirs, du corps à la pensée, de la logique des mots à la mélodie d’une chanson. Ils peuvent dire aussi comment tout le système (police, institution, justice, etc..) est finalement fait pour les exclure continuellement, en dépit de tous leurs efforts pour s’entraider et s’en sortir.
Alors, qu’est-ce qui ne marche pas ? La raison donc qui peut expliquer une insatisfaction, en voyant I ♥ $, c’est qu’au milieu des années 1980, les mécanismes économiques décrits n’apparaissaient pas encore avec une évidente limpidité : cynisme et cruauté d’un côté, paupérisation accélérée et désespoir de l’autre. Ils ne se sont révélés dans toutes leurs dimensions effrayantes que quelques années après, lorsque le système aura explosé : cette course effrénée et perverse au profit, cet enrichissement sans aucun scrupule, n’ont provoqués une crise mondiale qu’en 2008. Ce fut « Le Jour du Jugement » avec l’effondrement dû aux subprimes et, en conséquence, l’ébranlement de grandes institutions. Cela a entraîné d’innombrables faillites, celle de grandes banques et établissements de crédits rongés par les titres « pourris ». Certaines seront renflouées par les états, tandis que cela entraînera la ruine de cités entières, laissées à l’abandon avec leur cortège d’expulsion et de vie brisées.
Le corps perdu
Il faut entrer maintenant dans les raisons internes qui rendent le film moins convaincant. C’est du côté de ceux qui manipulent et accumulent l’argent que cela bute et résiste. Pourtant, le réalisateur a trouvé les moyens de les rencontrer sur leur terrain, dans les hautes sphères de leurs tours new-yorkaises ou de Hong-Kong, ou encore derrière les murs épais des cloîtres de Genève. Ils les a regardé intensément, ces riches, lorsqu’ils sont à l’œuvre « dans le volatil, dans le mouvement électronique dans tous les sens, comme dans une grande mosaïque flottante de fonds, de déficits » (…) et qu’ils « essaient toujours de happer quelque chose dans le flot » 16. Mais c’est lorsqu’il a été question d’échanger avec ce corps (de riches) que quelque chose a déraillé. Certes, les possédants trouvent les mots pour le dire, ce corps. Ils expriment leurs motivations profondes, « avec une imagerie archaïque », « avec des métaphores venant de la viande, du sang, du sexe, de la guerre, du poignard — des choses d’ordre viscéral » 17. Mais Keuken reconnaît qu’il n’a pas suffisamment axé le film sur cet aspect-là. Il donnera même la raison exacte pour laquelle il n’a pas pu franchir le pas.
Reprenons les démarches du cinéaste, que nous avons laissé à la porte, lorsqu’il tentait de contacter les banquiers suisses :
« Ils nous ont reçu, absolument charmants, très « grand style ». Mais quand on a parlé du film : « Ah non ! Pas ça ! ». Et puis à la fin, j’ai trouvé quelqu’un à qui j’ai pu parler au téléphone, grâce à un intermédiaire. Il m’a dit : « Je serai prêt à travailler avec vous…s’il se trouve qu’on est du même groupe sanguin. » Là, je touchais à ma propre frontière : je ne pouvais pas le lui dire. Pour lui, c’était pour qu’on se mette d’accord un peu, qu’on soit dans la même vision du monde. Et là, à ce moment-là, c’était certainement trop pour moi, et j’ai laissé tomber. Maintenant, ça ne me poserait plus aucun problème. C’est-à-dire, je mesure la distance entre ce film, à cette époque-là (1985), et maintenant (1998). Pour moi, ce serait beaucoup plus léger. C’est là qu’on voit qu’on se déplace un peu, qu’on change un peu. Maintenant, je dirai : « Ah oui, tout à fait ». Et je verrai ce qui se passe. Je serai plus tolérant aussi » 18.
C’est donc devant cette offre de « complicité » corporelle, charnelle, devant le risque d’une « consanguinité » avec l’un de ses interlocuteurs, que Keuken s’est arrêté. Et il est certain que, dans ce film-là, ce blocage a eu des conséquences, presque fatale pour tout l’équilibre du film. Car nous sommes en manque de personnages puissants, de leur « image totale » de riches, en somme. Aucun des banquiers fortunés ne nous ouvrira son intérieur, voire son « jardin secret ». Certes, ils livrent quelques éléments qui éclairent ce monde ultra-libéral qui va advenir et qu’ils préparent : ils se réjouissent du peu de taxes, de l’affaiblissement de ce qu’ils appellent le « gouvernement rapace ». Oui, ils acceptent la discussion, même vive. Mais on reste entre gens polis, bien élevés et à distance. Jusqu’au point où, sentant le danger de se livrer, ils dégagent en touche, ou fuient le débat. Soit en jouant les modestes sous un trait d’humour (« Vous connaissez mieux l’Afrique que moi. »), soit en refermant la porte sans ménagement.
Cette impossibilité de tenir les deux dimensions, le « volatil » d’un côté et le « charnel » de l’autre, vis-à-vis des deux mondes explorés — celui des riches et celui de pauvres — c’est là précisément que se situe la limite de ce film, son échec (relatif). Keuken en fut parfaitement conscient et il chercha à en comprendre les raisons plus profondes. Il l’analysa d’abord comme une difficulté à articuler deux rythmes, à joindre deux éléments trop différents :
« Le film contient des choses très rythmées et aussi des entretiens. Et c’est difficile de maintenir un ensemble rythmique avec ce matériau hétérogène. (…) L’espace pauvre, celui des gens qui luttent pour leur pain quotidien était un peu séparé de l’espace où les gens spéculent, où l’argent est quelque chose d’abstrait et où le corps se perd. C’est un peu le thème : la perte du corps par l’argent. Le remplacement du corps par des symboles, des nombres. Et l’autre espace, où le corps y est 19.
Il sut, dans un film postérieur, corriger cet écueil. Il parvint à articuler deux domaines (pesanteur et légèreté, matérialité et signes), en rendant compte, en 1996, d’un phénomène qui n’est plus émergeant : la mondialisation. Ce sera Amsterdam Global village où il trouvera une solution audacieuse à ce problème du « comment articuler l’hétérogène ? ». Elle adviendra dans la séquence des différents couples…faisant l’amour ! Cette fois, Keuken saura s’impliquer lui-même totalement, en tant que cinéaste, s’engager corporellement avec une caméra en mouvement, au milieu de chaque scène, « présent avec son propre désir ». Toutes les « couches » des personnages, corps et esprit, tous les éléments, matière et signes, seront pris dans un même élan, englobés dans un monde lui-même en mouvement. C’est donc en filmant, avec audace, les gestes d’une scène d’amour physique, qu’il rompra avec les « constructions symétriques », avec une dialectique à deux termes, figée. Ce sera la réponse à ce blocage antérieur, non résolu dans I ♥ $, dix ans plus tôt.
Un désir si étrange
Aujourd’hui comment tenir ensemble les deux termes (richesse et pauvreté, accumulation et misère), comment « imager » la dette, la valeur ou l’argent ? Cette question se pose avec encore davantage d’intensité, car il s’agit de représenter une crise globale, systémique, mondiale. Et les films qui s’y attachent se trouvent confrontés, non seulement à l’ampleur du phénomène, mais aussi aux mêmes problématiques que celles qu’avait rencontrées Keuken dans les années 1980. Tout comme il y a trente ans, « l’économie capitaliste se présente masquée. L’accumulation de marchandises n’est qu’un des aspects. (…) Tout aussi important est la circulation des signes monétaires et financiers. Car c’est elle qui livre la clef des enchaînements récessifs » 20.
Alors dans ce théâtre d’ombre, dans ce jeu de dupes, dans cette valse des signes, comment raconter les différents acteurs, agissant ou subissant ? Personnages de banquiers, traders, économistes, professeurs et « experts » d’un côté ; épargnants ruinés, salariés et chômeurs appauvris, militants « indignés » et/ou intellectuels « atterrés » de l’autre. On retrouve cette même opposition des corps. Les uns sont très présents physiquement, alourdis (sinon anéantis) par la disparition de leurs biens et de leurs attaches matérielles : vente de la maison, ruine, errance. Les autres sont saturés d’affects et de passions, mais naviguent dans un monde abstrait, mus par une avidité discrète et sans bornes. Cette rapacité se fonde sur des abstractions et l’avidité se cache grâce à l’évanescence des chiffres. Le corps qui s’enrichit n’est plus que celui d’un agent x, qui joue avec des nombres, et où le lien avec le concret est si lointain qu’il s’évanouit. « Comment représenter un désir si étrange, qui ne porte pas sur la jouissance des biens matériels, mais sur celle d’un pouvoir abstrait ? 21 ».
Comment percer ces « mystères », soigneusement maintenus opaques par une économie à la complexité délirante, qui fuit en avant jusqu’au risque d’effondrement général ? Il y a un besoin impérieux de sortir du brouillard de l’impuissance, d’autant qu’on est confrontés à une situation qui ébranle la démocratie, depuis qu’on a constaté qu’une partie du monde politique a partie intimement lié avec celui de la finance : « La finance à Wall Street, vu son pouvoir, ses lobbies, son argent, pas à pas a capturé le système politique » 22.
De nombreux documentaires (Let’s Make Money, Inside Job, La City, finances en eaux troubles, Capitalism, a Love Story,… 23) et de récentes fictions (Margin Call, La Vie sans principe, Le Capital...) tentent de rendre compte de la crise actuelle, plus ou moins brillement. Ils répondent aux films qui avaient déjà perçu et analysé ces effets sur les classes populaires (entre autres, It’s a Free World de Ken Loach, Les Neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian ou Louise Wimmer de Cyril Mennegun). Devant l’ampleur du problème et sa complexité, comment avoir une vision critique, comment trouver les formes qui articulent économie et pédagogie, regard politique et vision esthétique ?
Pour ceux qui veulent se situer dans les hautes sphères de l’argent, ils se retrouvent confrontés aux problèmes rencontrés dans I ♥ $ (sans toujours avoir la même rigueur dans la recherche d’une écriture juste ou nouvelle). Car du point de vue formel, ces films restent sur des constructions assez classiques : reportage dans le monde de la pauvreté et entretiens avec les hommes de la finance. Ils visent à décrire les nouvelles pauvretés, tout en nous faisant entrer parallèlement dans les arcanes alambiqués de l’univers glacé de la finance. Et ils se heurtent à l’obstacle qu’avait cherché à franchir Keuken : comment sortir d’une opposition simple, terme à terme, vite pesante ? Comment s’affranchir de la « symétrie » ? Comment ne pas constater, par exemple, qu’on est toujours devant l’absence du « corps » des riches (on n’entre pas dans leur monde, dans leur intimité, seulement dans leur fonctionnement, lui-même opaque et abstrait) ? Tandis qu’on peut constater que, du côté des peuples, on est plutôt dans l’abondance d’images physiques, celles qui indiquent la force d’un mouvement.
Car depuis 1986, les masses sont sorties de leur isolement ou de leur atomisation. Après l’écroulement des idéologies et le règne d’un individualisme paralysant, les exploités ont su dépasser les positions uniquement défensives de type communautaire, celles décrites dans I ♥ $ : associations, organisations familiales, ONG. La lutte est devenue plus claire, offensive et globale : invention d’un nouveau militantisme, dans un choc frontal avec la finance, réponses d’économisme aux dogmes sur la « fatalité » de la crise. Ce sont les manifestations des « indignés », le mouvement type « Occupy Wall Street » ou des « 99 % ». C’est la réponse sur la théorie par les « économistes atterrés », ce sont les nombreux films critiques sur l’économie, fictions ou documentaires.
La place de la colère, le besoin des affects
Dans ces interrogations nouvelles, n’oublions pas le spectateur qui, devant la violence d’une crise impitoyable, se voit conduit à renouer avec un sentiment que les époques de croissance, de relatif bien-être et de dérives militantes avaient quelque peu fait fondre en lui : la froide colère. Celle qu’il ne peut que ressentir devant le contraste entre le parfait cynisme des uns et le total effondrement de ce qui faisait leur vie pour les autres (perte du travail, de la maison, de la retraite). Cette colère se transforme en une volonté de comprendre, et éventuellement de déjouer les mécanismes à l’œuvre ou même d’y mettre fin.
Pour revenir à Keuken et son évolution dans le milieu des années 1980, on peut dire qu’I ♥ $ a marqué justement le moment où il se détache du thème de la colère « comme motif plus valable que les autres ». Tout son travail va consister, à partir de L’Œil au-dessus du puits, à construire « un cinéma lyrique autour de cette colère ». Et il saura établir, dans sa vie et dans ses films, une distance ou un recul vis-à-vis d’un sentiment qui y prenait trop de place. Il trouvera un équilibre entre cette colère (née du regard sur des états du monde révoltants) et une plénitude (celle du plaisir intense d’être-là, dans ce monde et de savoir en donner une image rayonnante) : « C’est quelque part installer dans l’esprit un troisième truc qui permet d’avoir la conscience totalement claire de ce que c’est que cette vie-là, ce système social-là, cette personne-là, mais en même temps avoir la jouissance pleine de la beauté du film » 24. Cette alliance de la vision lucide et d’un mouvement affectif porté par la beauté fera toute la force de la dernière partie de l’œuvre de Keuken, synthèse issue tout droit des difficultés rencontrées avec I ♥ $.
On retrouve aujourd’hui ce besoin de se déplacer, de changer de grille de lecture lorsqu’il s’agit de réagir face à la puissance dévastatrice de cette crise économique, qui est, à bien des égards, paralysante. Car, à l’issue des analyses sur ses causes et ses conséquences, quelle que soit la justesse des idées, cela risque de rester de pures idées. « Les idées pures n’ont jamais rien mené, sauf à être accompagnées, et soutenues, d’affects qui seuls peuvent les doter de force — mais d’une force extrinsèque » 25. C’est ainsi qu’un déplacement, qu’un changement de scène doit accompagner cette volonté de représenter le désir abstrait (de posséder toujours plus pour quelques-uns) et ses conséquences concrètes (de dépossession pour l’immense majorité). Keuken en donne une des issues, par son troisième terme (engagement corporel, sortie de la pure colère, recherche du « troisième domaine »). Il considérait qu’alors, avec ce nouvel engagement, on pouvait vraiment s’approprier les idées, qui, sinon, restaient flottantes, au-dessus de nous. C’était un moyen aussi d’éviter de « se faire voler ses idées politiques ». Car, déclarait-il « la Justice, la Démocratie, ce sont des concepts ; mais c’est aussi des émotions » 26.
L’économiste « atterré » Frédéric Lordon propose d’une manière quasi identique de sortir de cet enfermement des idées, qui ne font rien bouger : en créant « tous azimuts ». Il oppose la mobilité émotionnelle des Arts à l’inébranlabilité de l’Argent : « Le capitalisme (…) ne se maintient-il pas dans l’invraisemblable effondrement intellectuel et moral qui devrait l’engloutir ? Contre les avantages inertiels de la domination, tous les moyens sont bons, tout est envisageable, cinéma, de fiction ou documentaire, littérature, photo, BD, installations, tous les procédés sont à considérer pour monter des machines affectantes » 27.
De nouvelles représentations
Si la plupart des films sur la crise restent dans une « symétrie » assez conventionnelle où les choses s’opposent terme à terme de façon pesante (plans de survol de Manhattan, travelling sur les maisons abandonnées), un « documentaire », Cleveland contre Wall Street sait sortir de cette forme statique, en posant un geste nouveau, à la fois artistique et politique 28. Il reconstitue — fictionnellement donc — le procès qui n’a pas pu avoir lieu entre le Temple de la finance et l’Administration d’une ville ravagée par la crise. Son réalisateur Jean-Stéphane Bron montre ainsi à quel point mise en scène et mode de représentation font partie intégrante des enjeux pour la compréhension (et éventuellement la sortie) de la crise actuelle. Il s’engage, mais en quelque sorte dans le sens inverse de Keuken. Ce n’est plus le corps du cinéaste qui est convoqué, mais une instance démocratique (en l’occurrence la Justice), pour intervenir comme élément « tiers » dans ce conflit entre possédants (les 21 banques assignées) et ceux qui ont été spoliés (la Ville et ses habitants). Ainsi ce film redonne aux dépossédés une « scène » (au sens théâtral) où exprimer leur conception, leur douleur ou leur colère, un cadre où puissent s’inscrire leurs revendications (chiffrées), avec un verdict qui prononce un jugement permettant de rétablir leurs droits légitimes. En outre, ce dispositif rend soudain visible les perversions cachées du système. Par exemple, ce fait révélé à la barre par l’un des vendeurs de « subprimes » lui-même : il proposait ce produit financier de crédit, distribué au porte-à-porte, sans vérification des possibilités de remboursement – ce qui a ruiné tant de contractants. Et il se trouve que ce démarcheur habile était… l’ancien dealer de drogue du quartier. Cela, révélé en audience, permet de dévoiler, de manière spectaculaire, les méthodes retorses utilisées par les organismes de crédit (et donc in fine par les banques) pour mieux séduire, et en fin de parcours, détrousser leurs clients. Cette « dramatisation » des faits est particulièrement efficace dans ce film, car elle sort de la démonstration laborieuse ou de la dénonciation abstraite. Les mécanismes (en particulier le système des subprimes) sont ici incarnés par des acteurs du « réel », un dispositif qui renforce la dénonciation du ben infernal entre gains astronomiques des financiers et dégradation des conditions de vie : « Leur bonus est indexé sur mon malheur, ça ne peut pas être juste » conclut, avec concision, une responsable d’association à la sortie de ce tribunal « fictif » 29.
La question démocratique
I ♥ $ avait devancé un besoin devenu nécessaire de comprendre le système économique et ses (dys)fonctionnements. Les difficultés rencontrées par Keuken indiquaient la nécessité absolue de trouver des démarches et une écriture qui en dévoilent les apparences, en forcent les résistances, fassent tomber les masques derrière lesquels se réfugie le monde de l’argent.
Cette réalisation audacieuse – mais en partie inaboutie – marque, on l’a vu, un tournant dans le cinéma de Johan van der Keuken. Après L’Œil au-dessus du puits, ce fut Face Value, Amsterdam Global Village, Vacances prolongées qui firent s’interpénétrer le monde et le moi. Les thèmes s’y enchaînèrent plus librement, l‘univers présenté, rendu dans toute sa complexité. Avec ces œuvres, le cinéaste aborda doutes et questionnements, en s’y engageant à la fois par une recherche formelle intense et de façon physique, émotionnelle, avec son être tout entier.
Le cinéma d’aujourd’hui se trouve confronté à la représentation d’une double crise : celle de l’économie mondiale ET celle de la démocratie, concomitance inquiétante qui ne s’était pas encore établie en 1986. En 2012, la romancière Arhundati Roy indique clairement le danger de cette situation : « Que s’est-il passé quand chacune de ces institutions s’est métabolisée en quelque chose de dangereux ? A quel moment la démocratie et l’économie de marché ont-elles fusionnées en un organisme prédateur dont l’imagination étroite, indigente se limite à graviter autour de maximiser le profit ? Est-il possible de renverser ce processus ? Une chose qui a muté peut-elle revenir à son état initial ? » 30. La tâche des cinéastes, des artistes, et aussi des citoyens d’aujourd’hui, c’est de savoir inventer ce qui peut nous sortir de cet engrenage mortel. Que s’articulent, dans leurs œuvres et dans leur action, conscience critique et corps solidaires. Cela pourra éviter qu’une maladie froide ne gangrène le monde : celle du profit à tout prix comme seul horizon politique. Afin que ce cri – « I ♥ $ » – ne retentisse pas sur le monde, inlassablement, jusqu’à sa perte.
Kerhostin – Paris, septembre 2012 – janvier 2014
- Le mafieux dans Avanti de Billy Wilder, 1972.
- Karl Marx, Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, édition originale, 1848, éd. 10/18, p. 27, 1965.
- On peut y lire une quasi « censure » en raison — probablement — de la privatisation en 1986 de TF1, et donc de l’entrée de la chaîne dans une logique néo-libérale de « moins faisant culturel », totalement opposée à l’esprit même du film.
- Johan van der Keuken, « Envolons-nous », Aventures d’un regard, Éd. Cahiers du cinéma, 1999, p. 36. Ce fut la première alerte du cancer. La deuxième l’emportera en 2001, après qu’il a décrit sa lutte contre celui-ci et ses derniers voyages dans Vacances prolongées.
- Le film I ♥ $ est disponible dans le coffret n° 1 de l’Édition Intégrale des œuvres de Johan van der Keuken (Arte Vidéo).
- « Etre à deux vitesses », Aventures d’un regard, op.cit., p. 88.
- Frédéric Lordon, Jusqu’à quand ?, Raison d’agir, 2008, p. 24.
- Thierry Nouel, rushes inédits du film Johan van der Keuken, 2000. Cette séquence de dialogue avec Christophe et Mélanie n’a pas été conservée dans le montage final.
- Thierry Nouel, Johan van der Keuken, ibid.
- Voir mon article « Johan van der Keuken, cinéaste des seuils », Communications, n°70, 2000.
- Lorsque qu’il filma sa sœur mourante (Derniers Mots – ma sœur Joke, 1998), il poussera très loin ce franchissement des limites et des tabous. De même, lorsqu’il sera filmé par son fils Stjin à la fin de sa vie (Derniers mots – Stijn van Santen, 2001), il saura accepter de se dépasser, tout comme il avait demandé aux « personnages » qu’il filmait de le faire.
- Le compte-rendu que fera de ce film Serge Daney sera sévère : il se déclara « déçu » par ce « film d’école », trouvant Keuken « mal à l’aise » avec « la mise en personnage ». Serge Daney, « La Maison cinéma et le monde », Trafic, POL éditions, 2001, p. 448-449. Ce conseil implicite à revenir à une écriture plus documentaire n’empêcha pas Keuken de persévérer en 1984 dans le film-essai, Le Temps.
- La suite du texte peut s’appliquer à la situation actuelle : « Elle (la bourgeoisie) a supprimé la dignité de l’individu devenu simple valeur d’échange ; aux innombrables libertés dûment garanties et si chèrement conquises, elle a substitué l’unique et impitoyable liberté de commerce. En un mot, à l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a substitué une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale ». Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, op. cit., p.27)
- Aventures d’un regard, op.cit., p.88.
- Voir mon article sur la musique dans l’œuvre de Johan van der Keuken (et en particulier le passage où j’analyse avec lui ce moment du film qu’il qualifie de « cadeau ») : dans Musique et images au cinéma, Presse Universitaire de Rennes, 2003.
- Aventures d’un regard, « Être à deux vitesses », op.cit., p.88.
- Aventures d’un regard, « Être à deux vitesses », op.cit., p.88-89.
- Rushes inédits du film Johan van der Keuken, 2000.
- « L’Effet d’être là », Opérateurs, n°3, 1988, p.26.
- André Orléan, « L’Argent fou exalte le théâtre des passions », Le Monde, 20 juillet 2012.
- André Orléan, ibid.
- Charles H. Ferguson, Inside Job, film sorti en 2010.
- Films respectivement de Erwin Wagenhofer, Charles H. Ferguson, Mathieu Verboud et Michael Moore (documentaires) et de J.C. Chandor, Johnny To et Costa-Gavras (fictions).
- Thierry Nouel, L’Entretien avec Johan van der Keuken, Arte vidéo, 2001.
- Frédéric Lordon, « Post-scriptum » à D’un retournement l’autre, Le Seuil, 2011, p. 129. Cet économiste joint le geste à la parole en écrivant la pièce en alexandrins, D’un retournement l’autre, qui donne corps aux différents acteurs de la crise, dans un registre à la fois pédagogique et comique.
- L’Entretien avec Johan van der Keuken, op.cit.
- Frédéric Lordon, op.cit., p.132.
- Jean-Stéphane Bron, Cleveland contre Wall Street, Les Films Pelléas, Saga Production, Jouror Productions, ARTE France Cinéma, Télévision Suisse Romande, 2010, diffusé sur Arte le 18 février 2013.
- Barbara Anderson (une des « personnages » du film, membre de l’Association de la ville de Cleveland, qui eut près de 20.000 expulsés)
- Arhundati Roy, Le Monde, 20 juillet 2012.
- Capitalism, a Love Story | Michael Moore | 2005 | 2h02
- Cleveland contre Wall Street | Jean-Stéphane Bron | 2010 | 1h38
- Inside Job | Charles H. Ferguson | 2010 | 1h44
- I ♥ $ | Johan Van der Keuken | 1986 | 2h25
- La City, la finance en eaux troubles | Mathieu Verboud | 2011 | 52’
- La Forteresse blanche | Johan Van der Keuken | 1973 | 1h18
- Let’s Make Money | Erwin Waggenhoffer | 2009 | 1h50
Publiée dans La Revue Documentaires n°25 – Crises en thème. Filmer l’économie (page 49, Mai 2014)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.025.0049, accès libre)