Ma proximité et moi (les télévisions associatives)

Pierre Merejkowsky

Je ne suis pas un journaliste professionnel.

Je n’aime pas les journalistes. Je n’aime pas les professionnels. J’aime les enfants, les femmes, les hommes et j’estime avoir parfaitement le droit de donner au nom de ma propre proximité ma version des faits.

Je désire en fait exercer un strict contrôle sur la gestion de ma propre proximité.

Ce strict contrôle s’inscrit dans un mouvement qui englobe toutes les strates de la société civile. Il existe en effet des commissariats de proximité, une armée de proximité, une police de proximité, des commerces de proximité, une justice de proximité et une démocratie de proximité.

Je réalise des films de proximité Je ne cherche pas à créer une télévision de proximité et les télévisions associatives de proximité diffusent souvent mes films de proximité.

Ces télévisions associatives de proximité sont regroupées au sein de différentes coordinations.

Les messages des associations de proximité adhérentes de ces coordinations sont automatiquement transmis par l’ordinateur central à tous les membres de la coordination.

L’organisation Attaclemondediplosudacaggre ne transmet pas automatiquement les messages envoyés par ses adhérent(e)s. L’organisation Attaclemondediplosudacaggre est une organisation mondiale luttant contre la mondialisation.

Les coordinations des télévisions associatives de proximité ne réclament pas un changement de société. Elles n’agissent pas pour la Révolution. Elles demandent un fond de soutien calqué sur le modèle des radios associatives (de proximité).

Je n’agis pas non plus pour un changement global de la société. Je ne suis pas un militant révolutionnaire. Je suis un artiste réalisateur de films de proximité. J’agis toujours dans le stricte cadre de la légalité. Je n’attaque jamais mes anciennes partenaires sexuelles.

Ainsi, pour prendre un exemple, je n’ai jamais pu adhérer à Ondes sans Frontière et je ne sais pas pourquoi je n’ai jamais pu adhérer à Ondes sans Frontière. Ondes sans Frontière défend l’idée de l’accès public au nom de la déclaration des Droits de l’Homme et je crois que les adhérents ont le pouvoir de décider du contenu des programmes.

Il n’est pas possible d’adhérer à Zaléa. Zaléa est une télévision, associative, nationale et de proximité et les membres fondateurs de Zaléa sont les seuls à décider du contenu des programmes. Il n’y a pas de vote entre les membres fondateurs. Si un membre fondateur veut passer un programme, les autres membres fondateurs sont obligés de s’incliner. Cette absence de vote majoritaire favorise l’expression des minorités. Je suis une minorité. Je ne me suis jamais adressé à un directeur de casting. J’engage des comédiennes dans des cafés sordides. Ondes sans Frontière a émis depuis la Maison des Ensembles, puis depuis la Tour de la Maison des Ensembles puis depuis le squat de la rue de Rivoli. Je ne sais pas pourquoi Ondes sans Frontière a cessé d’émettre depuis la Maison des Ensembles et pour quelle raison les associations culturelles ont été regroupées dans la Tour de la rue d’Avron, ni qui a volé l’émetteur d’Ondes sans Frontière dans la Tour de la Maison des Ensembles. Aguitton, un dirigeant antimondialisation publiquement reconnu de l’organisation Attaclemondediplosudacaggre, a déclaré lors d’une réunion publique de la LCR dans le XVIIIème arrondissement qu’il n’était pas impossible qu’Ondes sans Frontière ne représene plus (ces derniers temps) les aspirations des membres du mouvement social (mais ce n’est encore une fois qu’une impression a-t-il ajouté).

Navarro a fondé avec un ami une télévision de proximité. Elle s’appelle Téléplaisance. Cette télévision émet dans la rue de Plaisance. Navarro m’a invité à participer à une émission avec des psychiatres. J’ai affirmé que je ne comprenais pas pourquoi un patient qui était présent dans le studio d’enregistrement cherchait à retrouver du sens à sa vie. Les psychiatres m’ont répondu :

  1. qu’ils ne parlaient pas avec les paranoïaques,
  2. qu’ils étaient dans le concret, dans l’urgence, et qu’ils n’avaient aucune envie de répondre à mes délires.

Sans Canal Fixe, une télévision qui diffuse ses programmes dans la ville de Tours m’a récemment invité à passer mes films.

Ils ne veulent pas émettre.

Ils estiment que la télévision doit se dérouler en présence des habitants, dans les cafés, ou dans la rue.

J’ai approuvé ce point de vue minoritaire.

L’idée de la création d’une télévision se suffit en elle-même. La matérialisation d’une création conduit à une obligation de diffusion, à une institutionnalisation, à des rapports de force.

Il est fort possible qu’une Coordination exige dans les prochaines années que toute personne morale (ou amorale) qui diffuse un film sur une télé, dans un squat, dans un appartement ait automatiquement droit à un accès automatique au fond de soutien automatique (mais je ne suis pas sûr que les professionnels accepteront cette proposition, ni les psychiatres freudiens).

Enfin, toujours en ce qui me concerne directement, j’assiste parfois aux réunions de Zaléa.

Nous ne parlons jamais de notre sexualité dans les réunions.

Cette question est d’ailleurs dénuée de tout intérêt. Toutes les télévisions associatives ont été interdites d’émission pendant la campagne électorale. Le CSA affirme qu’elles ne respecteraient pas le quota des heures réservées à chaque candidat.

La lutte continue.

Tous ensemble.


  • Films réalisés et diffusés par télés associatives
    • Voulez-vous participer à une télévision libre qui aura pour thème nous sommes tous les gestionnaires de notre propre proximité
    • L’homme Cathodique (avec Bertrand Raffour président d’Havas Image)
    • Cinés tracts (mettant en cause la « rédaction » des Cahiers du Cinéma, le Monde, Télérama, la Scam, M6, Libération)

Publiée dans La Revue Documentaires n°18 – Global/local, documentaires et mondialisation (page 165, 3e trimestre 2003)