Si Amsterdam m’était compté

Forme de ville et formes de vie dans Amsterdam Global Village

Claire Allouche

Si toute la vie complexe de bien des gens s’écoule inconsciemment, c’est comme si cette vie n’avait pas lieu. Regardez autour de vous. Vous appelez ça la vie ?

Comment du pourquoi et pourquoi du commun

« Comment vis-tu ? » ou « Pourquoi vis-tu comme ça ? » Après avoir (re)vu Amsterdam Global Village de Johan van der Keuken, force est de se demander comment choisir une voie interrogative qui ne déformerait pas le projet du film, qui ferait tenir sur une même ligne, dans un même mouvement, forme du film, formes de vie et forme de ville.

Dans Être au monde. Quelle expérience commune ? Tim Ingold a recours au « pourquoi » quand il s’agit d’évoquer l’anthropologie dans son potentiel réflexif : « Même si nous travaillons toute notre vie avec le même groupe de personnes, même si nous en venons à connaître leurs façons de faire sur le bout des doigts, nous nous poserons toujours ce type de questions : pourquoi ces gens, ici, font-ils les choses de la sorte, tandis que d’autres gens, là-bas, font les choses autrement ? » Si Johan van der Keuken a préparé Amsterdam Global Village avec un anthropologue, Fred Gales, et qu’ils ont parcouru la ville ensemble, c’est le potentiel fabulateur des situations qui a saisi le cinéaste et non leur raison d’être. Son quarante-septième film, autant dans sa structure que dans les lignes narratives qui se dessinent au fil des rencontres et des parcours, évite ainsi l’ombre d’une résolution qui murmurerait « parce que ».

Le cinéaste confiait être « un peu méfiant vis-à-vis de l’approche ethnologique qui veut qu’on soit toujours dans une position juste par rapport aux choses, par rapport aux cultures. » Il allait même jusqu’à dire qu’il travaillait « contre l’ethnographie » car « c’est toujours au moment où le modèle se brise, où la représentativité ne fonctionne plus, que cela devient intéressant. » Cette distance prise délibérément avec l’anthropologie ne tient pas seulement, pour Johan van der Keuken, à la manière de filmer la vie des autres, à un style cinématographique, mais aussi à la forme de liens noués en amont des images, qu’il ne partage pas avec la méthodologie de terrain : « Je ne suis pas de ceux qui vont vivre chez les gens pendant six mois. J’ai l’impression que c’est souvent de la frime. Il est important pour moi de souligner que je suis extérieur aussi à leur vie, de clarifier cette position. » D’emblée, des deux côtés de la caméra, ni confusion, ni tentation de fusion entre forme de vie vue et vécue. La dimension protéiforme d’Amsterdam Global Village n’accueille pas certaines formes de vie à Amsterdam dans les années quatre-vingt-dix sous le jour de la typologie distanciée ou de parallélismes appliqués, mais plutôt de leur vertigineuse et complexe coexistence. Des figures reviennent : Roberto, le flûtiste bolivien, Khalid, le coursier marocain, Borz-Ali, un homme d’affaires tchétchène et Hennie, une vieille dame juive. D’autres apparaissent ponctuellement : une disc-jockey, des personnes sans abri, notamment. Ces formes de vie se succèdent, elles se font souvent écho par les mirages d’associations libres, elles se retrouvent parfois, et pourtant, nous peinons à les dénombrer, nous peinons même à faire l’effort de les compter. À quoi bon ? N’est-ce pas le « comment » de l’impossible exhaustivité filmée qui animerait d’abord le projet de Johan van der Keuken ? Et le désir premier de filmer, le plus souvent en plan-séquence ou dans un esprit de continuité présente, l’irréductibilité d’un pan d’existence, qui, malgré sa possible valeur métonymique, ne pourra jamais se substituer à « toute une vie à l’écran » ? Dès lors, comment travailler à ne pas réduire le film à sa globalité, à apprécier la singularité de chaque forme de vie tout en étant amené à faire dialoguer les fragments ?

Aux différentes échelles qu’Amsterdam Global Village donne à voir, là où un « pourquoi » appelle à la résolution précédemment évoquée, le « comment » invite davantage à s’abandonner à un investissement des formes partagées entre filmeur et filmé. Ce « comment » nous semble important à sonder car il est le gage d’un élan structurant qui n’enferme ni les êtres filmés ni les « sujets » qui en émergeraient. Ce « comment » pourrait avoir au moins trois tenants (et une infinité d’aboutissants). En premier lieu, il pourrait directement s’inscrire dans « le plan du “comment” où nous tenons tous en constant déséquilibre », formulé par Marielle Macé dans son texte « Formes de vie : un secret de Polichinelle ». Cela reviendrait pour nous à considérer l’accueil des formes de vie dans le film de Johan van der Keuken comme partie prenante d’une forme de film souple qui, sans chercher à imposer ou épouser un style filmique propre à chaque mode d’existence, se profile comme un montage hospitalier, où moments improvisés et séquences anticipées apprennent à voisiner, sans chercher à atteindre une artificielle stabilité.

De plus, « comment » est un mot qui importait à Johan van der Keuken, et qu’il a, d’une certaine manière, formalisé, comme en attestent deux textes écrits à plus de vingt ans d’intervalle : « Ceci, cela et comment » (1969) et « Le comment du monde » (1993). Dans le premier texte, le cinéaste écrivait : « Il ne s’agit pas de montrer qu’il y a ceci ou cela. Il s’agit de montrer comment c’est, comment c’est d’être dans un espace donné.

Les situations, dans un film, n’expliquent au fond pas grand-chose mais il est important qu’elles aient été créées par la participation. » Dans le deuxième, il avançait : « Ce que l’on appelle “réalité” est totalement mystérieux. Le fait que l’histoire de Nanook soit réelle, ce dont j’ai beaucoup douté après avoir vu le film, était bien plus magique que tout ce qu’on avait pu inventer dans la fiction à gros moyens. C’est peut-être aussi l’éveil de l’attention sur le comment du monde : comment les gens font les choses ? Les choses simples : comment ils construisent l’igloo, se déplacent, se protègent ? C’est un motif fort de mes films : toujours retourner aux choses de base. » Nous pouvons ainsi lire la présence du « comment » conscient de Johan van der Keuken à la fois comme l’expression d’un lien vis-à-vis des êtres filmés et de sa nécessaire présence de filmeur pour saisir l’essence d’une existence.

Enfin, dans Amsterdam Global Village, ce « comment » se trouve incarné par une voix filmée. Il s’agit de la séquence du réveil d’un sans-abri, qui a pris la parole dans l’obscurité d’un bar une séquence plus tôt. La construction de cette séquence nous permet de passer de l’a priori d’« un état de survie » à l’effectivité d’une « autre forme de vie ». Johan van der Keuken commence par monter une série de brefs plans d’un square occupé par un corps endormi, enseveli dans son sac de couchage, ne laissant pas deviner de franche silhouette humaine. D’incessants bruits de travaux, qui se révéleront être ceux de la rénovation d’immeubles environnants, se superposent de manière contrastée à ces images, comme si l’ordre instauré du logement nuisait de fait à une autre façon d’habiter, en occupant un fragment d’espace public. Quand l’homme se réveille, la caméra de Johan van der Keuken s’éloigne progressivement, prise de distance pudique qui a en fait à voir avec un geste très concret, puisque Johan van der Keuken cherche une cigarette à lui donner.

Après une coupe, une fois la cigarette entamée, l’homme entonne un monologue : « Comment, comment ? Est-ce que je sais ? Je tournais comme un ours en cage. Alors j’ai choisi la rue. Tout simplement. » Il conclura que « la vie est très simple », du moins « en théorie », et que « ça fera 5 ans que je suis ici, le 2 juillet. Je sais que si on réside dans un quartier plus de 4 ans… c’est qu’il est plutôt correct. » L’expression du « comment » dans cette séquence renverse l’impression de dénuement initiale qui se mue dès lors en affirmation d’un mode d’habiter : l’implicite « comment en suis-je arrivé là ? » prend la forme d’un « comment je continue à vivre ici ? ». Le son des travaux perd en puissance, comme si sa voix pouvait recouvrir les désagréments extérieurs, reformer un espace à lui. Avant de se lever et de traverser un bout d’Amsterdam pieds nus, l’homme montre le pinceau qu’il garde précieusement dans son sac de couchage et dont il parlait précédemment comme d’un « pinceau pour repeindre en beauté ». Phrase intransitive mais circonstanciée : la manière, « en beauté », primant sur l’objet, sur le « quoi » susceptible d’apparaître à la face du monde.

Cette rencontre succède, dans la chronologie du film, à une brève séquence où un sans-abri imite une statue à quelques mètres de la vitrine d’un grand magasin. Par un panoramique rapide allant de l’homme à la vitre, Johan van der Keuken dénote la dimension cocasse de la localisation de la situation : vêtu d’un manteau excentrique, bariolé à la capuche pointue, l’homme tente de gagner quelques pièces en s’astreignant à l’immobilité, malgré la pluie, là où des mannequins inertes, protégés de toute intempérie, incitent à la consommation et à la reproduction d’un style vestimentaire et d’un style de vie normés. Johan van der Keuken termine la séquence en filmant depuis le dos de l’homme-statue, adoptant ainsi sa perspective pour voir défiler les passants qui ne s’arrêtent pas à sa hauteur. Il inscrit ainsi la présence de la statue humaine comme partie intégrante du paysage urbain et non comme marge sociale reléguée à un coin. Un moment commun prend alors forme par le changement d’axe opéré en cours de séquence ; Johan van der Keuken se place du côté de la vie choisie, celle qui décide de bouger ou de s’arrêter, de revêtir figure humaine ou expression figée.

« Laisser vivre les formes » : une injonction du lâcher prise ?

« Décliner tous les aspects de la vie, en rendre compte dans toute sa multitude, tel pourrait se définir idéalement le projet. » propose Aurélien Py dans son ouvrage consacré à Amsterdam Global Village. Quelle forme générale envisager pour un film prêt à accueillir tous types de formes de vie ? Si, à la sortie du film, il a été question de « film-fleuve » et de « film-monde », la première dénomination nous apparaît comme trop directionnelle et élémentaire et la deuxième comme trop « ronde ». De fait, si Johan van der Keuken reconnaissait avoir construit son long-métrage selon un « mouvement centrifuge », comme en attestent les schémas préparatoires du film, il ne faut pas y voir une forme « circulaire » au sens clos du terme.

« L’image qu’on garde d’une ville un moment habitée se développe, par une prolifération anarchique, à partir d’une cellule germinale qui ne coïncide pas forcément avec son “centre”, nerveux ou fonctionnel. » écrivait Julien Gracq dans La Forme d’une ville. L’image filmée de cette ville habitée, Amsterdam, au fil des formes de vie, n’invite pas à suivre le contour d’une boucle mais à débusquer des brèches, des ouvertures tangibles ou en devenir. En cela, la tentation d’exhaustivité ouverte d’Amsterdam Global Village se dirige vers l’idée de « cerne » telle que Fernand Deligny l’a établie : le dessin défini d’une trajectoire de vie n’empêche pas l’échappée hors du tracé circonscrit. Sans doute parce que les formes de vie considérées, concernant des habitants qui ont, à un moment donné, joué le rôle de « l’étranger », sont « d’autres manières de vivre », ce qui, pour reprendre les mots de Marielle Macé, « n’est pas “l’autre vie” d’un autre monde ; ce n’est même pas “la vie bonne” (comme si on la connaissait) : c’est la vie déclose, qui s’engage en se dégageant, qui tente des sorties, qui est toujours à faire ». Le film se forme comme le débordement des vies qu’il pourrait accueillir autant que celles qu’il reçoit déjà. Comme le relève Aurélien Py : « en assemblant le film à l’ultime phase du travail, Johan van der Keuken ignore jusqu’au bout l’effet exact qu’auront ses images. Il se place en position de spectateur de son propre film. » Il ne referme pas les vies sur elles-mêmes aussitôt filmées.

Nous pourrions alors être tentés de parler de « film-somme » en considérant que l’épaisseur d’Amsterdam Global Village repose sur une dynamique de dons de moments de vie, mais le film ne tient pourtant pas à une addition soignée, à une logique de strictes successions. Johan van der Keuken déclarait : « Je ne pense pas que l’on puisse faire le portrait de quoi que ce soit, mais on peut construire une ville en film, par des techniques à la fois fictionnelles et du direct, que je tiens à mélanger. L’idée constructiviste est pour moi très importante. » Dès lors, que penser de la possibilité d’un « film-multiple », d’une forme en travail, dépendante de la profusion d’événements ? La ville fait figure de dénominateur commun, sans assigner toutefois à la dénomination des êtres et des choses, elle remet en jeu un « comment vis-tu ? » polymorphe, variation persistante sur un passé émergent et un futur en suspens.

Le retour de Hennie, la vieille dame juive, sur son lieu de vie amstellois est l’un de ces moments de démultiplication quant aux formes de vie ; par la tension qui s’exerce entre passé et présent, souvenir d’un lieu et prise de conscience de sa transformation ; mais aussi la remémoration d’une vie antérieure, marquée par la tragédie des déportations et la rencontre avec l’actuelle habitante des lieux, qui témoigne à la fin de la séquence d’un arrachement à son pays natal, le Suriname. Les formes de vie racontées et visitées par Hennie sur les lieux mêmes de sa mémoire, que son fils, lui, a plutôt oubliés, cohabitent avec celles, contemporaines, de la famille qui vit désormais là. Les réminiscences, les heures sombres de l’histoire ne sont pas convoquées dans un rapport d’écart vis-à-vis de l’immédiat et du quotidien. La télévision de la famille est encore en marche, des cris d’enfants à l’extérieur accompagnent le long récit et Johan van der Keuken filme les visages de la femme du Suriname et de son fils à l’écoute. Une forme de vie en accueille une autre et c’est autant un moment de vie que de cinéma, « la conversation entre la mère juive et son fils n’aurait pas eu lieu sans le film. Hennie me l’a affirmé », avouait Johan van der Keuken.

Si l’on se réfère au tout début d’Amsterdam Global Village, au générique en neuf plans de lettre et autant d’atmosphères sonores renvoyant à différents moments du film, une autre question, subtile variation sur la première, semble se poser : « comment villes-tu ? » « AMSTERDAM », ainsi posé initialement, Amsterdam, succession de lettres aux aspects variés, comme autant d’initiales ravivées, n’apparaît pas tant comme une capitale de fait « englobante » mais un espace à (re)monter, un mot à décliner, à conjuguer, qui ne résiste ni au yiddish, ni au mandarin, ni à l’aymara. Amsterdam ainsi annoncé en lettres capitales est une invitation à ne pas considérer qu’il y aurait « des vies minuscules » mais un déploiement d’existences majuscules, aussi imperceptibles soient-elles. Et en aucun cas interchangeables, comme le déclare la femme dans le magasin de tissus ghanéens qui refuse à ce qu’on lui vende celui nommé « vis ma vie » car « vis ma vie, c’est trop pour moi, on vivra bien notre propre vie. » La séquence s’achève sur la superposition de plusieurs tissus que le vendeur juge « sublime », ce qui a de quoi motiver une métaphore des formes de vie comme horizon textile.

Cet attrait du tissu, notamment social et urbain, à l’échelle des fils, de vie, de l’eau, du rasoir pour une forme funambule, un tissu humain, supplante une passion cartographique des images qui aurait donné vie à Amsterdam comme tour de points de vue. La forme d’une ville au fil des formes de vie à l’œuvre dans Amsterdam Global Village peut faire écho à celle décrite par Julien Gracq au début de La forme d’une ville, dédié à sa ville natale, Nantes : « Il n’existe nulle coïncidence entre le plan d’une ville dont nous consultons le dépliant et l’image mentale qui en surgit en nous, à l’appel de son nom, du sédiment déposé dans la mémoire par nos vagabondages quotidiens. » Forme d’une ville et cœurs de mortels s’alignent dans le même cadre temporel sous le regard complice de Johan van der Keuken qui redéploie les possibilités de vie hors de toute autorité auteuriste. « Je suis sédentaire. Je regarde le monde à partir de chez moi, entouré de mes objets familiers. (…) Amsterdam est un lieu qui revient (dans Journal, dans Vacances prolongées) comme une ponctuation qui dit bien : “Je regarde le monde à partir de chez moi – je n’ai pas d’autre choix – et quand l’occasion se présente, je vais vérifier sur place et j’essaie de voir, de comprendre.”» À la fois cinéaste-habitant et filmeur-vivant, Johan van der Keuken achemine les images là où morphologie urbaine peut rimer avec vie humaine, là où une naissance imminente, celle du fils de Roberto, rencontrera inopportunément sur le banc de montage un enfant mort en Tchétchénie, là où un village perché dans les Andes relayant une vue d’appartement amstellois partage la même bande de celluloïd que des bâtiments de Sarajevo détruits, images-flashs d’un concert de rock. Les distances ne se mesurent pas en termes de collures ; seul le sentiment de coexistence perdure.

Vivre sa vie : une forme de cinéma en-dehors des images

« Les gens qui sont dans votre film vivent et continuent à vivre en-dehors du film. C’est la différence capitale. Dans un film de fiction, les gens déposent leur masque et rentrent chez eux. Ceux avec qui nous avons travaillé, nous documentaristes, continuent leur vie en dehors du film. C’est cette vie en-dehors qui pour moi est essentielle, tout le reste, je m’en fiche un peu. » Cette parole de Johan van der Keuken trouve écho dans la scène finale d’Amsterdam Global Village. Nous suivons à nouveau Khalid à moto qui livre ses pensées sur l’asphalte, réactivant un champ de « comment » : « Est-ce que je peux critiquer la vie ? Qu’est-ce que je pense de la vie ? C’est ce qu’on en fait avec ceux qui nous entourent. Il faut la prendre comme elle vient. Parfois c’est dur, d’autres fois, c’est plus facile. C’est des idées reçues. Qui ne pense pas ça ? » Puis, il se dirige vers l’œilleton de la caméra, et lâche subrepticement ces mots : « Je commence à en avoir marre, de ce film. Je rentre chez moi. Ciao ! » Johan van der Keuken effectue un zoom arrière, c’est un panneau de signalisation, marqué par des flèches allant dans deux directions, qui occupe le champ. Le cerne du film s’ouvre à nouveau vers les formes de vie qui ont préexisté et subsisteront au montage, vers ce formel de l’existence qui déborde le champ.

Serge Daney relevait que, dans le cinéma de Johan van der Keuken, « la caméra occupe une place qui pourrait toujours être la place de quelqu’un dans le film ». Johan van der Keuken se retrouve littéralement « en plan », au bord de sa ville natale, qu’il a arpentée comme un étranger, face à une signalétique qui invite déjà à d’autres déplacements, seul vers un autre film possible, en charge d’une forme de vie propre. Il devient soudain quelqu’un, les yeux et les mains qui ont raccordé de nombreuses tranches de vie. Avec cette dernière image de « film-multiple », c’est une autre forme qui se donne alors en partage, une pleine forme cinématographique, qui laisse entendre que pour avoir envie (de filmer), il faut être en vie. « Devoir porter la caméra m’oblige à me mettre en forme. » avait-il confié à Serge Daney. Et lorsque la question « comment filmer ? » se posera pour ses derniers jours dans Vacances prolongées (2000), la réponse ne sera pas difficile à formuler : comme s’il s’agissait de la seule forme de vie possible.


  • Amsterdam Global Village
    1996 | Pays-Bas | 4h05
    Réalisation : Johan van der Keuken
    Production : Pieter Van Huystee Film & TV (PVH Films), NPS-TV, WDR - Westdeutscher Rundfunk

Publiée dans La Revue Documentaires n°29 – Le film comme forme de vie ? (page 123, Août 2018)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.029.0123, accès libre)