Stèle

Et nous sommes allés avec cœur

Olivier Derousseau

Il est probable que la rédaction d’un texte à propos d’une épreuve aussi délicate que la composition d’un film, en l’occurrence Une tempête, passe par la persistance d’un appétit qui ne pourra être rassasié1. Il arrive qu’une constellation de souvenirs dépouillés fasse Image. Ce récit sera oublieux de circonstances, de faits et gestes, de noms et prénoms, il n’y sera pas question de désir(s), telle sera sa fonction ou sa fiction.

Cafard

Il y a maintenant quelques années, à l’initiative du groupe d’entraide mutuelle (GEM) Les Envolés, Tristan Varlot est invité à travailler dans un hôpital de jour situé au sein de l’hôpital général Robert-Ballanger à Aulnay-sous-Bois. Arrêt de RER : Sevran Beaudottes, ligne B – sortir de la rame, traverser un complexe Carrefour, puis en face une vieille et gigantesque façade dressée comme une bâtisse, à l’est des immeubles, à l’ouest rien. La France : bigarrée, périphérique, triste, dévastée, sauvage, méfiante, désœuvrée, champ ouvert aux vents et lumières d’automne, en perpétuels travaux, Bouygues & Eiffage gouvernent, c’est un fait. Nord de Paris département neuf trois. Quelques corbeaux ou corneilles, des bagnoles partout, la police évidemment, achat de marrons chauds ou maïs au sortir, un immense parking circonstancié, des arbres qui coupent et découpent, Airbus & Boeing en arrière-plan, une banderole CGT à l’entrée de l’hosto, moitié accrochée quasi abandonnée. Voici le cadre, manque le fracas.

02 02 2017, vers 17 heures
Quatre fonctionnaires de police procèdent à un contrôle d’identité d’une dizaine de personnes dans la Cité des 3000, dans le quartier de la Rose des Vents à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) […] Un jeune homme de 22 ans, Théo, aurait alors résisté. Les policiers tentent « à la fois de maîtriser l’intéressé et de sécuriser la zone en faisant usage de gaz lacrymogène et pour l’un d’entre eux d’une matraque télescopique ». La scène est filmée par les caméras de la police municipale et des témoins.
Maîtrisé puis menotté, le jeune homme est emmené au commissariat de la ville. À son arrivée, « un saignement est constaté au niveau des fesses et les pompiers sont appelés », indique une source policière à l’AFP. Transporté à l’hôpital Robert Ballanger d’Aulnay il est examiné par un médecin qui diagnostique « une déchirure de l’anus sur 10 cm » et lui prescrit 60 jours d’incapacité totale de travail.

Source : Le Figaro

Loi

Ce groupe d’entraide mutuelle situé à la lisière de l’hôpital 2, pavillon L3, très exactement à droite après l’entrée, accueille des patients et non, qui profitent d’une maison où se poser, échanger, manger et d’un garage réaménagé en atelier de pratiques diverses : projections de films, présentations de spectacles, yoga, repas de nouvel an, billard, réunions à propos de séjours à prévoir ; il semble ici que se proposent diverses articulations issues d’une mémoire de l’accueil et du soin qui persiste à ne pas vouloir rendre l’âme. Il semble aussi que la cheville ouvrière qui dirige ce lieu travaille aussi en Intra, c’est-à-dire à l’accueil de jour de l’hôpital. Infirmier psy. La singularité de ce GEM est de proposer un branchement culturel entre l’hôpital et le dehors. Pas de loyer, trois animateurs mal payés, des activités, une écoute inquiète et l’accueil institutionnel de jour à 800 mètres. Une subvention de 70 000 euros renouvelable chaque année et demandée à L’Agence régionale de santé, aide à l’existence filiforme de ce GEM.

16 02 2015, vers 20 heures
C’était le 15 novembre 2007, un groupe de malades mentaux d’Armentières, près de Lille, se retrouvait. Aujourd’hui, ils racontent : « 15 personnes usagères de psychiatrie s’étaient réunies pour monter l’assemblée de notre association. La semaine précédente, trois personnes avaient proposé une quarantaine de noms de baptême. Nous avons voté à main levée et c’est “Juste Ensemble” qui est sorti. Ce qui plaisait beaucoup aux adhérents, c’est le mot “Ensemble”, qui est très représentatif de l’entraide et de la solidarité d’un groupe d’entraide mutuelle (GEM). »
Les GEM, au début, cela sentait bon la gentille solidarité entre paumés. Créés juridiquement par la loi du 11 février 2005, on en compte désormais près de 380, répartis dans toute la France, […] loin du spleen récurrent du monde de la psychiatrie. Certains sont plus actifs que d’autres. « Mais c’est déjà ça, on se parle et cela nous change ».

Source : Libération

Folie, folie que de

Pendant deux ans, dans la ligne impulsée par la direction, l’institution HP couplée au GEM travaille sous la bienveillance généreuse de Tristan à l’édification d’une pièce de théâtre de William Shakespeare, Une tempête. Dans ce contexte de contre-révolution libérale, au milieu de la folie et des machines, fabriquer au risque de l’art un espace collectif au sein d’un hôpital et travailler à une exigence aussi inqualifiable que l’incorporation et la restitution publique d’un texte pareil est extravagant. Mais après tout, il arrive qu’à l’impossible nous soyons tenus et mieux vaut une perspective habitée que la misérable monnaie des récits de vie, le ronron parfois atroce et professionnel des centres culturels, l’éloge du camping et les histoires de troufions ou les gâteaux Brossard accompagnés de Banga et de café robusta oublié sur la plaque chauffante. Il faut d’ailleurs dire et redire ô combien le potage, les frites, le cassoulet, réchauffés au micro-ondes puis servis (le midi) dans des barquettes jaune pisse, sont les signes tangibles du mépris de l’organisation sociétale adressé aux fragiles et aux enfants.

Caraïbes

En mai 1609, une flotte de huit vaisseaux à la solde de la Virginia Company quitte l’Angleterre sous la direction de L’amiral Sir George Somers et fait route vers Jamestown, en Virginie. À bord, outre les équipages, beaucoup de Commoners dépossédés doivent « renforcer » la très jeune colonie. Les Commoners ou common people, littéralement hommes du peuple, sont principalement les victimes des enclosures des champs communaux, ces expropriations ayant provoqué depuis un siècle l’exode de milliers de personnes de l’intérieur des campagnes vers les villes et la mer ; sans terre, sans argent, sans métier, ces nouveaux prolétaires furent jetés sur les chemins et les routes, exposés à la cruauté d’un code du travail ultra-violent. Selon Wesley Frank Craven, la Virginia Company fut « d’abord une organisation commerciale dotée de gros capitaux investis par des aventuriers dont l’intérêt principal s’attachait au retour sur investissement » ; nous savons qu’en 1606, ce consortium encouragea le maire de Londres, ses conseillers et les compagnies londoniennes à « soulager la ville et ses faubourgs des détenus et malades physiques et mentaux inutiles, propagateurs continuels de famines et de mort, véritable cause originaire de tous les fléaux du royaume ».

Sir Thomas Gate vient d’être nommé gouverneur de la colonie, il est à bord du Sea Venture, le vaisseau amiral, quand pris dans une effroyable tempête, le navire fait naufrage, miraculeusement sans victimes, entre deux récifs dans l’archipel des Bermudes, le 28 juillet 1609. Deux mois de traversée. Entre 500 & 600 marins et passagers échouent, dont William Strachey, actionnaire et secrétaire de la Virginia Company. Pendant quasiment un an, suite à l’expérience commune d’un combat mené contre un ouragan qui modifia sensiblement les hiérarchies, les naufragés construisent deux bateaux grâce à des cèdres découpés sur place. Seulement voilà, l’île s’avéra aussi une terre édénique pleine de fruits savoureux, poissons-perroquets, mérous, vivaneaux rouges, cochons noirs, tortues gigantesques, oiseaux dont on peut jouir sans peine et « fit oublier complètement ou enleva la nécessité à bon nombre de jamais repartir, tant ils vivaient dans l’abondance, la tranquillité et le bien-être » 3. Révoltes, mutineries, séditions, auto-organisation, conflits de classe furent le quotidien des naufragés. Strachey écrivit un récit éloquent daté du 15 juillet 1610 à propos du « désastre » Sea Venture et de « l’état précaire » de la colonie Jamestone en Virginie. Sa publication fut reportée jusqu’en 1625, les dirigeants de la Virginia Company craignant que les témoignages d’actes de résistance ne découragent de nouveaux investissements. Shakespeare, par ailleurs actionnaire de cette association de riches aventuriers fut probablement un lecteur privilégié et attentif de ce manuscrit intitulé A True Reportory of the Wreck and Redemption of Sir Thomas Gates, Knight, upon and from the Islands of the Bermudas : His Coming to Virginia and the Estate of that Colony Then and After, under the Government of the Lord La Warr, July 15, 1610. La matière narrative ainsi que les éléments molaires de La Tempête proviennent du récit de Strachey ; il n’existe d’ailleurs aucune autre source à ce jour.

William Shakespeare

Alors que nous étions embauchés par la perspective d’un film à faire et en route, Tristan cherchait à réactiver auprès des acteurs des bouts de textes dialogues interprétés un an auparavant. Joachim Gatti menait un atelier de gravures et travaillait à écrire les échanges à propos de tempête cinéma, cinéma hôpital, hôpital travail, travail allocations, allocations vies quotidiennes, vie quotidienne souvenirs, souvenir addictions. Jane David, actrice dans La Tempête et soignante, assurait pour sa part le suivi entre l’institution hôpital et le GEM, tâche délicate, maillage souple et indispensable ; Jane fut une Pénélope assez précieuse. Quelque chose montait à l’apparence. Un changement effectif. Dans cette maison de briques rouges sertie par la ronde des véhicules, nos conversations nocturnes donnaient à penser que le lieu – hôpital, visible depuis la lisière où hantés par la psychose nous dormions mal, racontait quelque chose que nous étions obligés d’entendre. Inquiétude et joie dominaient. C’était l’hiver, des arbres contre toute attente donnaient des fleurs blanches, les monstres mécaniques travaillaient à restructurer les bâtiments avec la délicatesse qu’on sait, les oiseaux bataillaient, certains plutôt photosensibles rougissaient au soleil, le bleu du ciel aidait à nos sorties mais instaurait une ambiance des plus étranges. À l’image de sérieux loufoques égarés au milieu d’une station orbitale, nous cherchions des terriers, des motifs, des angles pour voir et la paix. Escortés d’un pied et d’un Panasonic GH3 nouvellement acheté. Quatre heures par jour, deux fois par semaine, pendant cinq mois. Les candidats à l’atelier cinéma gravure furent vaillants et intelligents, peu diserts mais présents. En fin d’après-midi, nous regardions nos plans et, le soir, suite au départ quotidien des camarades, les animateurs achetaient vin poissons citrons ail et raviolis.

Au Carrefour d’en face. Grâce à cette Tempête écrite et à une idée de cinéma réduite à peau de chagrin, consacrée d’abord à l’observation du milieu, en compagnie de ces frères d’infortune échoués de je ne sais quelle histoire et navire, nous étions heureux. Fraternité volée à l’établissement mais dépendante des diagnostics et de ces êtres vivants toujours déjà au bord de chavirer. Tous les jours à fournir l’effort colossal qu’il faut – n’est-ce pas Tristan. Nous avions baptisé notre terrain d’investigation l’île hôpital, peuplée d’oiseaux, de bruits étranges, de grands arbres et tas de bois, d’une serre, d’une piste d’atterrissage pour hélicos, de pavillons opaques et d’autres moitié démolis, coins et recoins ; métonymie approximative de l’île où sont échoués les personnages du livre et de la pièce écrite par Shakespeare. Il faut dire aussi que nous avions accès aux archives tout en haut du vieux bâtiment et c’est là au milieu de ce foutoir, parmi des dossiers classés et abandonnés, au bord des fenêtres, que nous décidâmes qu’il s’agissait bien de l’antre de Prospero 4. Nous n’avions pas assez de temps. Les caciques nous ayant invité pensaient comme tous les béotiens qu’un objet culturel, c’est accessoire mais valorisant. Le bonheur hélas ça n’est pas gai.

Présage

D’après les sources de Marcus Rediker & Peter Linebaugh, l’année de la première publique de La Tempête, 130 personnes sont condamnées à la potence et 98 effectivement pendues dans le Middlesex, soit plus que la moyenne annuelle de 70 pendus. Mille Six Cent Onze, le poète mourra bientôt. Meurtres sang assassinats viols déportations aux colonies, migrations internes, mise au travail forcé, corvée de bois, salaires indécents, criminalisation des misérables et des hérétiques, pendaisons tortures religions en guerre ; quotidien quasi inqualifiable, apparition d’atroces légendes dirigées contre les natifs des futures colonies, empire naissant. Si le mouvement des enclosures est un mouvement d’expropriation et de désintégration sociale, il est aussi considéré comme marquant la naissance du capitalisme. L’histoire du Sea Venture contribua à lier l’expropriation de l’ancien monde à l’exploitation du Nouveau Monde, ainsi qu’à l’écriture d’un texte qui, on pourrait dire, marque le passage d’un monde fait de bruissements et rumeurs, de facultés magiques et d’éruditions exclusives, de souverainetés à caractères pluriels à notre monde fait d’échanges, d’expropriations rationnelles et de souveraineté qui ne garde de trace théologique que le pouvoir exercé sur la vie et la mort. Mais les résistances furent nombreuses et c’est une autre histoire. Notre groupe se contenta de prendre au sérieux l’affaire qui le reliait et le mythe extraordinaire qui, il faut bien le dire, en fit un collectif au travail : le cinéma, faire un film. Un collectif hanté par le souvenir de cette Tempête entièrement jouée au théâtre, la présence manifeste d’une restructuration politique à l’œuvre, la dérégulation impossible des saisons et la folie qui consiste à trouver des cadres au sein de cette hantise.

Le cinéma comme le christianisme ne se fonde pas sur une vérité historique, il nous donne un récit une histoire, et nous dit maintenant crois, non pas accorde à ce récit à cette histoire la foi qui convient de l’histoire mais crois quoi qu’il arrive […] ; tu as là un récit, ne te comporte pas avec ce récit comme avec les autres récits historiques.

Jean-Luc Godard, Histoire(s) du cinéma (chap.1b)

La vraie vie

Et vint un tournage après la connaissance par les repérages, une autre étape. Quatre jours par semaine pendant trois semaines. Une victoire. La structure GEM-hôpital nous concéda un budget, de quoi embaucher un opérateur lumière, un opérateur son et louer le minimum à la confection de plans. Comme dans la vraie vie. Les salaires des nouvelles recrues furent à la hauteur des subsides accordés : comiques. Mais parfois, la camaraderie, le désœuvrement et la nécessité donnent au possible sa possibilité. Jean-Baptiste Leroux monta un atelier son et Kamel Belaid nous fit don de sa présence et de ses compétences. Un fil textuel avait été rédigé, les lieux choisis, les acteurs prêts à dire à nouveau par cœur des morceaux de La Tempête et à lire le récit écrit de nos aventures. Nous savions que le temps imparti serait court. Trop court. Mais certains espéraient que ce tournage ne serait que le début. Et nous y sommes allés avec cœur. Une jubilation indicible fut au rendez-vous, certains plans furent ratés, d’autres incandescents. Les patients avaient décidé de faire le film, c’est exactement ce qui aujourd’hui encore compte ; et chacun trouva sa place. Le collectif détecta que fabriquer un plan exige de l’ensemble patience et anxiété, confiance et écoute inquiète, qu’il en est ainsi en fiction. Regarder dans la même direction. Nous ne fîmes guère plus de trois prises par plan, en son direct. L’équipe s’en alla glaner des atmosphères de part et d’autre de l’île, afin de donner de la profondeur matérielle aux plans images enregistrés les mois précédents. Le soir, nous restions sobres. L’expérience s’arrêta autour d’un verre par une fin d’après-midi de mai. Chacun fut convié à rentrer chez lui.

Le travail de récolement commença pendant l’été : écouter et nommer chaque parcelle sonore, sortir un vidéogramme de chaque rush, regarder et synchroniser chaque plan, garder néanmoins le son témoin. Récupérer les enregistrements, mélodies et musiques qui peuplaient le plateau à l’occasion des représentations. Confectionner un cahier fait d’hypothèses, d’images et de citations.

Puis tenter un commencement de montage en compagnie de matériaux bien hétérogènes : chercher le terrain invisible où poser chaque plan, guetter le moindre mouvement de tête, un clignement d’œil, le bouger d’une feuille, écouter le phrasé des acteurs, chercher des correspondances de couleurs, préserver un cordon imaginaire, penser au tournage, (re)construire le lieu hôpital, rester en contact avec des absents. Et enfin, constater que l’architecture d’ensemble est mutilée par des manques et batailler en conséquence pour trouver des solutions cohérentes et internes au fil tendu du film, composer quand même une réalité spatio-temporelle, se faire aider de musiques qui quand même racontent une des histoires du travail. S’ébouillanter la jambe par négligence. Nous décidâmes à force, d’inviter Gilda Fine qui généreusement absorba le montage en cours, redonna confiance par la finesse des raccords et une cohérence d’ensemble. Anne Sabatelli pour sa part harmonisa le continuum fracturé des 12 pistes sonores et Sébastien Descoins donna une continuité aux lumières et couleurs.

Terme

Lorsque nous fut imposé d’en finir avec l’idée de continuer – quelques jours au moins, histoire de parfaire et refaire quelques prises, le travail de montage en était à la moitié, grands furent la rage et le dépit : il restait a minima une séquence à construire, le point de bascule qui aurait fait migrer ce travail patient vers une œuvre de l’esprit. Il s’agissait de mettre en scène dans une clairière une assemblée où aurait été notamment enregistré ce texte issu de La Tempête, que l’auteur Shakespeare emprunta à un essai de Montaigne daté de 1579 et traduit en 1603, Des cannibales :

Moi, dans ma république, je ferais
Tout à rebours ; je n’admettrais aucune
Espèce de trafic ; on n’y verrait nul nom
De magistrat ; aucune connaissance
Des lettres ; aucun pauvre et aucun riche,
Aucun usage de service, aucun
Contrat, aucune succession, ni bornes
Ni enclos ni labours, aucune vigne ;
Pas de métal, de blé, de vin ou d’huile ;
Nulle occupation qu’oisive, tous,
Hommes et femmes, purs et innocents,
Aucune souveraineté.
[…]
La nature commune produirait
Tout sans sueur ni peine. Trahison
Ou félonie, épée, lance, couteau,
Canon, besoin de toute autre machine
Me seraient inconnus, mais la nature
Produirait d’elle-même l’abondance,
La satiété qui nourrirait mon peuple
Ignorant de la faute.

William Shakespeare, La Tempête (trad. André Markowicz)

L’institution ne nous donna pas le temps de tourner cette séquence. La boucle était bouclée, l’écriture d’Une tempête commença par l’hypothèse d’un naufrage où s’expérimente une utopie concrète faite de cueillettes et d’égalité, d’images et littérature ; le tournage du film tempête s’arrêta au milieu du gué. C’est exactement ce que nous n’avions pas vu mais pressenti. Une porte entrouverte s’est trouvée néanmoins maintenue par la volonté et la ruse de quelques-uns et l’extraordinaire amitié qui nous lia à ce peuple d’Aulnay. Pour toujours. « Le cinéma c’est peut-être cela, la somme de ce qui a disparu ajouté à ce qu’il n’a pas été possible de faire. »


  1. Un livre intitulé Une tempête, muni d’un DVD, raconte aussi l’expérience au long cours qu’aura été la construction du film dont il est question dans ce texte.
  2. http://www.unafam93.org/pages/gem/les-gem/gem-les-envolees-aulnay-sous-bois.html
  3. L’Hydre aux mille têtes. L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire. Marcus Rediker et Peter Linebaugh, Éditions Amterdam.
  4. Prospero : créature principale de la pièce. Vieux magicien lettré. Prince d’une île déserte, avec un seul sujet, Caliban, esclave indocile.

  • Une tempête
    2015 | France | 45’
    Réalisation : Jane David, Olivier Derousseau, Joachim Gatti, Jean-Baptiste Leroux, Tristan Varlot, Groupe d’entraide mutuelle Les Envolés
    Production : Groupe d’entraide mutuelle Les Envolés, association 1&1, association Précipité, association La Fonderie, collectif Encore heureux…, association La Parole errante demain, hôpital de jour Le Ginkgo Aulnay-sous-Bois

Publiée dans La Revue Documentaires n°29 – Le film comme forme de vie ? (page 185, Août 2018)
Disponible sur Cairn.info (https://doi.org/10.3917/docu.029.0185, accès libre)