Documentaire recherche auteurs

Claude Bailblé

À en croire certains pédagogues du scénario, « tout a déjà été écrit… Les cas dramaturgiques sont très peu nombreux : la santé, l’amour, la haine, la jalousie, le besoin de vengeance, la promotion sociale etc. et toute histoire, invariablement tournera autour de ces thèmes » 1 Ou encore : « Au moins quatre-vingt-dix-neuf pour cent des films sont conçus sur un schéma prenant le personnage principal pour fil conducteur… ». Mais faut-il les croire ? Le spectateur peut-il se contenter de quelques schémas narratifs éprouvés, d’évasions standardisées, au motif qu’il consent à se projeter dans l’imaginaire ?

La création cinéma est certes prise dans un certain nombre de règles et contraintes, telles que les mécanismes de financement, les conventions narratives, les contraintes de représentation établies dans chaque secteur de l’audiovisuel, les normes de différenciation entre documentaire et fiction, etc., en sorte que tout cinéaste élabore son film par rapport à un genre existant, à une grille préalable.

Néanmoins, si l’on se réfère au modèle du « cinéma narratif classique » , on constate qu’un certain nombre de cinéastes ont su transgresser le modèle et ses variantes, et cela tout au long du processus d’élaboration de l’œuvre. La reproduction du même y est continuement traversée par l’invention du différent. Le schéma classique — le récit transparent — ne s’est du reste échafaudé qu’en s’inspirant — mais aussi s’écartant — des modèles antérieurs.

Si certains fonctionnements empruntés au roman — tels la scénarisation des situations et des personnages ou l’enchaînement conflictuel des données — persistent dans le film, à l’évidence la mise en scène se libère des longues descriptions romanesques, aussi bien

que des conventions théâtrales, s’appuyant sur l’immédiateté des perceptions auditives et visuelles pour accéder à la diversité des décors et des actions. Un rééquilibrage entre les choses dites, les choses faites et les choses suggérées s’est imposé, dans la mesure où les plans montés s’insèrent dans un dispositif paradoxal qui donne au cinéma sa densité.

Ainsi la forte impression de réalité (mimesis) due à l’image-perspective-mouvement, à laquelle s’ajoute la solide impression de continuité amenée par le flux sonore, amène le cinéma au bord d’une perception vraie, presque réaliste. L’image et le son semblent en effet à chaque instant copier les apparences sur lesquelles nous reprojetons le réel, ou du moins ce que nous en savons.

Mais en même temps la dimension temporelle des films (diégesis) appelle à un questionnement sur ce supposé réalisme. Les plans s’enchaînent à la vitesse de la pensée sur les êtres et les choses, une vitesse modulable par l’émotion et ses à-coups, ses intensifications. La saute instantanée des points de vue, l’enchaînement elliptique des moments, conduisent à un espace-temps resserré où la pensée peut exercer sa force et rencontrer ses limites. C’est donc bien en s’écartant du flux ordinaire des perceptions que le cinéma a pu devenir un art; s’éloignant de l’observation commune (œil et oreille), il a pu inventer une écriture (une syntaxe de l’audible et du visible) qui en fait un dispositif exceptionnel, malléable à l’infini.

Il y a de la sorte quatre mises en scène interdépendantes : le scénario, le jeu d’acteur, le cadrage et le montage, préludes à l’écran final. Quatre étapes difficiles où le cinéaste peut s’affirmer comme « auteur ». Par un chemin inverse, le spectateur accède à l’histoire et ses personnages, guidé par les interactions image/son (in et off) proposées par le montage et le mixage. Ce faisant, la mise en scène peut enclencher une nouvelle attitude, susciter un autre positionnement spectatoriel.

A chaque étape du travail, le cinéaste est donc confronté au même et au différent, au connu et à l’inconnu, ce qui l’amène à repousser la frontière mouvante des conventions, à remodeler le champ de préoccupations de son spectateur, à créer une appréhension nouvelle. Dans la fiction, comme dans le documentaire, « l’auteur se prouve » 2 Encore que le travail du documentariste se présente différemment. Il y a d’abord les rushes (scénario d’investigation) ; vient ensuite le travail de montage (scénario d’exposition). Dans ces deux phases, l’auteur se cherche, et parfois se trouve.

Le scénario d’investigation

Comment délimiter un sujet de film, quand au cinéma l’omission est la figure principale (on ne saurait parler de tout, montrer tous les aspects en même temps), et la sélection des situations ou des personnes, la pratique la plus difficile ? Le « réel » est riche d’une infinité de scénarios possibles, et le cinéaste est forcément obligé d’y construire une réalité, d’y tracer un chemin et organiser cette vérité particulière dont il est question ; en même temps, le film est un spectacle, aussi le documentariste se prépare-t-il également à un exposé visuel et sonore, à un traitement scénographique, capables de sensibiliser et d’émouvoir un public, dans le temps imparti

Le cinéaste est d’abord un observateur, mû par la conscience d’un enjeu ou de la problématique qui le mobilise. Son sujet — intuitif, au départ — s’élabore tout au long d’une enquête, d’une avancée aux milieu de données — souvent contradictoires — qui jalonnent son terrain d’étude et sa démarche. Le cinéaste ne peut éviter l’interaction forte avec les situations et les personnes, lesquelles assurent un transfert de compétences quant au sujet traité.

Le réel (l’inconnu) devient progressivement réalité (comprise) comme dans tout processus de connaissance. La scénarisation est donc une conquête sur l’ignorance, une bataille aussi contre les a priori pourtant nécessaires qui ont permis la lancée du travail. La délimitation du sujet survient après une longue maturation, sur la base de l’idée initiale approfondie et transformée. Elle se réoriente avec les éclaircissements incessants, les aperçus nouveaux renvoyés par les personnes concernées, au vécu irremplaçable. Le scénario d’investigation s’écrit à plusieurs, n’en doutons pas.

Le travail de mise en scène consiste alors à analyser et choisir les situations, pré-voir les actions, trouver les personnes, déclencher les paroles qui serviront de « matériau brut » au montage. Il s’agit bel et bien d’un découpage (espace-temps), d’un choix à dimensions multiples, fondé non sur la direction d’acteurs venant emplir un cadre, mais sur un cadrage visant une « scène possible » sur le point de s’accomplir, se modifier… ou se défaire.

Certains éléments restent cependant insaisissables : il faut les reconstituer, ou les transposer ; d’autres appartiennent au passé : il faut retrouver les témoins ou les archives. De fait, les moments significatifs ne sont pas forcément accessibles, ni même par nature visibles ou audibles, c’est-à-dire matériaux de cinéma ; peut-être sont-ils même méconnus, ou seulement entrevus, voire délibérément ignorés… Ou alors sont-ils si furtifs, si passagers, qu’on ne puisse éviter la reconstitution (plus ou moins bien jouée) par les acteurs directs de l’instant décisif ? Sont-ils masqués par les obstacles naturels, les bruits ambiants ? Sont-ils imprévisibles, rendant l’affût démesuré, dérisoire ? Sont-ils même abordables par une caméra ? Faut-il plutôt rechercher les indices, les traces à peine marquées, les preuves visuelles et sonores des moments importants ?

On ne saurait donc comparer la production du documentaire à celle d’un reportage, lequel se « couvre » au tournage et fabrique au montage une réalité « prisonnière » de l’actualité factuelle et de ses conventions : durée brève, commentaire calibré.

Rien ne dit non plus que l’arrivée de l’équipe de tournage sur le terrain va coïncider avec un événement intéressant pour le micro ou la caméra. Comment, au fait, se trouver dans le bon axe, à la bonne distance, au bon moment ? Comment prévoir, anticiper, préparer une prise de vues, sans interférer avec le déroulement du processus en cours ? Ainsi, la saisie des images documentaires apparaît hypothétique sinon laborieuse : s’il est facile de refaire une prise sur un plateau, il est difficile de recommencer un plan dans les situations réelles, puisqu’elles sont déjà « mises en scène » par leurs déterminations propres et non par le porte-voix du réalisateur.

D’où l’idée de reconstituer les scènes, de les faire rejouer par leurs « acteurs ordinaires » , en les insérant dans une scénarisation plus ou moins écrite. Cela suppose, nous l’avons vu, une constitution préalable : choix des lieux, des moments, des personnes, des actions; insertion d’une « scène jouée » dans une « situation réelle »… Cela implique aussi un « apprivoisement » des personnes, sinon une recherche d’exactitude, de justesse, une « direction d’acteur » propre au documentaire, car ici chacun veut doubler — inconsciemment ou non — sa propre personne par un personnage fabriqué pour la caméra, alors que sur un plateau de fiction, le comédien cherche à vivre authentiquement un personnage qu’il ne peut cependant que « doubler », en lui prêtant son visage.

Cela étant, aucun plan n’est capable — considéré isolément — de satisfaire le spectateur. Un gros plan montre clairement un détail, une expression, mais ne laisse pas deviner la situation entière. Un plan d’ensemble montre le « lieu scénique », mais ne dit rien de précis sur les personnes. On suit l’action sans en détailler les intentions, les réactions, les gestes et les visages. Aussi bien une alternance rythmée entre un pôle situation et un pôle personnage, entre la vue d’ensemble et la vue détaillée, s’impose-t-elle.

L’une permet de comprendre l’action dans son décor (rapport figure/fond), l’autre de comprendre les intentions ou les réactions des personnes. L’identification passe par le visage, et en particulier par le regard, point d’accès à une éventuelle caméra subjective, et conséquemment, à la vision commune spectateur-personnage. Le plan rapproché frontal marque donc, par sa lisibilité même, le passage au pôle personnage : la vision change de registre, ouvre sur une autre sensibilité, à la fois projective et introjective. Le visage — le plus humain des paysages — déclenche l’empathie, la relation identité/altérité. Chacun s’y reconnaît — parfois avec émotion — comme semblable et différent. Mais cette empathie resterait incomplète sans une mise en contexte de la situation, sans le suivi des interactions entre les personnes. Le choix d’un axe, d’une grosseur de plan, la mise en perspective du proche et du lointain participent alors au réglage mobile de la focalisation.

On imagine aisément les décisions (bonnes ou mauvaises, rapides ou longuement mûries), les habiletés diverses qui jalonnent chaque tournage. L’entretien préalable, la préparation psychologique, les biais et contournements, les coups de force audacieux, les opportunités subites, les prises sur le vif, la patience enfin « payante » de certaines interviews, le champ incontournable de précautions, les impossibilités persistantes, les ratés et les erreurs irrattrapables, tout cela fait partie de la démarche d’investigation. Le travail du cadreur (point de vue, axe, angle, moment), dans le temps irréversible du tournage, participe aussi directement aux décisions de la mise en scène.

De fait, le documentariste découpe un champ-image dans un champ-objet réel très contraignant, déjà mis en scène par ses déterminants. Et comme le réel a sa complexité, ses contradictions, il lui faut nécessairement un regard, une sensibilité, une intelligence des situations 3… et pas mal d’heures de rushes. Une pré-visualisation organise le tournage, mais l’imprévu se charge de la faire évoluer, jusqu’à l’instabilité. Elle se retrouvera pourtant au montage, dans le temps condensé de l’agencement final.

Deux éléments — à tout le moins — concourent à spécifier l’image: la configuration et le mouvement. La configuration résulte d’un agencement intentionnel ou expressif d’éléments visuels coprésents. Les traits d’un visage, l’attitude corporelle, la disposition des personnages dans un cadre, la répartition dans la profondeur, sont autant de configurations parlantes. La vision sur écran ajoute en effet une appréhension instantanée des figures et des fonds, appréhension que la vision ordinaire ne connaît pas. Et si la composition entre dans un mouvement précis, mêlé d’attendu et d’imprévu (gestes et expressions, déplacements, interactions) l’image atteint son régime optimal de lisibilité.

Cette lisibilité implique un point de vue et un moment appropriés. Une composition et un tempo. Trop bref, l’élément significatif n’est pas vu ; trop long, trop appuyé, il devient démonstratif. Trop rapprochés dans le temps, lesdits éléments accrochent une évidence; trop écartés, ils ne sont plus reliés entre eux. La coprésence ou la succession des éléments visuels à l’intérieur d’un cadre est finalement réglée comme une musique, aussi improvisée soit-elle. Faire « parler » limage, c’est distribuer des indices visuels (des « notes », des intervalles, un phrasé) dans une durée mesurée (le plan ou la séquence). C’est rechercher la justesse temporelle d’une expression, c’est-à-dire composer pour les yeux, conduire la mélodie d’un personnage, le contrepoint d’un autre, assurer l’accompagnement d’un décor, le retour d’une émotion, surprendre la sincérité en flagrant délit. C’est aussi prendre le temps nécessaire à l’installation des données, à la respiration du visible. C’est alors que les « informations » s’amoncellent, se conjuguent, et le spectateur accommode sur une réalité particulière, mieux définie.

Par la longueur ou l’amplitude des actions, par la durée de chaque attitude, par le silence entre les répliques ou les mouvements, par les vitesses et les intervalles, le film construit une véritable lisibilité de l’idée initiale. L’enchaînement des expressions (le texte facial, le geste vocal, l’attitude corporelle) procède de cette rigueur temporelle. Intentionnel ou non, un mouvement précis (une hésitation dans la voix, un changement de regard) éveille de facto une association, une trajectoire possible. Il s’agit au fond de recruter un faisceau d’attentes, un réseau d’implications, à partir desquelles le spectateur pourra éclairer, comme par avance, l’enchaînement multiple des causes et des effets. L’arrière-plan cognitif, sans lequel l’image ne pourrait être finement comprise, est donc construit par une écriture exacte des durées, par une architecture du mobile et de l’immobile, par une conférence incessante des signes. Le cinéma s’appuie — tempo giusto — sur des configurations en mouvement portées par le découpage jusqu’à éloquence.

Le scénario d’exposition

Il incombe au cinéaste d’organiser l’architecture de l’exposé, de produire cette vérité particulière qui tienne compte aussi des représentations déjà acquises par le spectateur. L’ordre d’exposition, les durées imparties à chaque séquence, la progression des idées nouvelles ou anciennes, la mise en relation des éléments épars, l’amoncellement et la convergence des données sont affaire de montage. Le scénario final —cet espace/temps artificiel, adapté au tempo de la compréhension en temps réel — se détecte, se travaille et se met en forme in situ, en présence des matériaux.

Sans nul doute, l’image cadrée-montée-sonorisée propose au spectateur une vision transfigurée des apparences, un au-delà du voir perspectif. Le visible, démultiplié par la syntaxe du montage, emporte le spectateur dans un au-delà du sensible, dans la coproduction d’un intelligible, dans une pensée à peine consciente de son trajet. Il y a enchevêtrement du voir et du comprendre : le discours filmique articule des images passagères (les plans) sur des sauts furtifs (les raccords de plan), lesquels assurent cependant la jonction temporelle et la mise en relation logique.

Les plans s’enchaînent, comme autant de prises en compte successives, emportant le mouvement de la pensée dans le mouvement ininterrompu des points de vue, des instants, dans un trajet obligé. Chaque raccord exprime une intention, suscite une mise en relation (mais, ou, et donc, or, ni, car, cependant, en outre, etc.), appelle une activité inductive ou déductive, une inférence… Les points de coupe sont posés non seulement pour faciliter les transitions formelles de plan à plan (illusion de continuité) mais aussi pour clarifier les jonctions logiques de l’exposé. Le monteur, architecte de la mémoire, construit scène après scène la pensée et l’émotion du spectateur.

Certains montages sont parfaitement capables de mimer une observation minutieuse, mais aussi de la décomposer en de multiples éléments visuels et sonores différenciés, de façon à rendre intelligible, par un travail de recomposition qui n’en réfère plus directement à une perception immédiate ou à une narration faussement « omnisciente », des processus qui resteraient invisibles, si l’on s’en tenait à la simple description chronologique des faits.

À l’opposé, le montage « transparent » , en ne réclamant aucun effort particulier, laisse le spectateur opérer sur le « déjà-connu » , en y ajoutant seulement des configurations nouvelles ou des inférences faciles, routinières. Si l’on veut aller plus loin — à la frontière de l’ignorance et de la connaissance — il faut parfois recourir au flux parallèle d’un commentaire, à un texte mêlant le concret (descriptif) et l’abstrait (explicatif, articulant notions et concepts).

Le commentaire va ainsi remplir plusieurs rôles (décrire, annoncer, constater, généraliser, reprendre, souligner, etc.), tour à tour invités à fonctionner, mais dans une temporalité particulière, celle de l’énoncé verbal. Le temps de dire, en effet, ne se superpose pas forcément au temps de voir. La succession des images est nécessairement remaniée par la durée des phrases et des silences qui les entourent 4. Les explications elles-mêmes impliquent un nouvel agencement des plans, car elles favorisent l’émergence d’un troisième sens, « texto-visuel » , pour ainsi dire. Le risque persiste cependant de créer un fil conducteur dominant, celui de la parole : le duel entre images et commentaires tourne facilement à l’avantage du texte, non sans ramener les images au niveau subalterne de l’illustration, de la preuve.

Si le commentaire peut simplifier et orienter la lecture des images, il peut ajouter aussi ses interférences, ses échappées éparpillantes, ses débordements « autoritaires ». Mais aussi ses corrélations fécondes. Il peut dire en trois mots ce que l’image aurait eu du mal à montrer en dix plans. Il est cependant souhaitable de maîtriser la vitesse des informations, leur redondance ou leur nouveauté, en ne perdant pas de vue le degré d’abstraction dans lequel le film peut évoluer, évitant ainsi la surcharge. Sans cette précaution, l’effort mental, écartelé entre le continuer-à-voir et le continuer-à-comprendre, ne sait plus où se porter : le spectateur « décroche ».

Se pose alors le problème de la concurrence entre deux flux informationnels, qu’il faut résoudre par l’alternance et la complémentarité. Le commentaire poétique est un bon relais. Il ouvre sur un imaginaire propre aux mots, sur des représentations évoquées, que l’on peut monter face aux images perçues, dotées alors d’une autre puissance associative.

A titre d’exemple, on pourra voir ou revoir le film d’Alain Jaubert, Le rêve de la diagonale, celui de Georges Franju, Pierre et Marie Curie, celui de Lucien Clergue, Le drame du taureau, ou encore celui de Jean Daniel Pollet, Bassae, pour ne citer qu’eux.

La perception est continue, alors que l’activité cognitive est intermittente, sujette à des sautes d’intensité, qu’il est utile d’amortir ou d’étaler. L’émotion est intermittente, musicalement ordonnée. Le silence « textuel » facilite la mise en jeu des concepts sur les images, tandis qu’à l’inverse le déroulement « muet » des plans appelle de nouveaux commentaires, autorise de nouvelles explications. Le silence est comme un passage secret entre le spectateur et l’écran, une respiration laissée à la compréhension intime ou à l’émotion intérieure.

Au fond, chaque documentaire, de par son sujet, requiert une construction particulière. Film-témoignage, portrait parlé, document d’archives, enquête de terrain, journal intime, essai historique, poème visuel et sonore, film d’art, chronologie d’un processus, abcès social, état d’une institution…, le réel attend ses nouveaux scénaristes. Il appartient au cinéaste de s’affirmer comme auteur, en clarifiant les enjeux du projet, en élaborant une démarche et une approche novatrices, en acceptant l’interaction forte durant toute l’enquête ; et aussi en se démarquant des formules narratives ou thématiques couramment réitérées dans les salles de montage. Au risque d’être provisoirement incompris.


  1. Jean Marie Roth, in L’écriture de scénarios, Top Éditions, Paris 1998.
  2. G. Leblanc : « L’auteur face à la commande » dans ce même numéro.
  3. Je pense au plan du chef Kimbanguiste, regardant soudainement sa montre, en pleine cérémonie destinée à recueillir des fonds pour la secte. Le cadreur (et réalisateur) du film Zaïre, le cycle du serpent est Thierry Michel.
  4. Le discours conceptuel peut-il légender aussi facilement une image trop descriptive ? Le prérequis a-t-il été suffisamment évalué? Trop souvent, la densité d’information est excessive (texte plus « écrit » que « parlé », le seul pourtant assimilable en temps réel).

Publiée dans La Revue Documentaires n°14 – L’auteur en questions (page 47, 1er trimestre 1999)